Christophe Bouillon, président de l’Association des Petites Villes de France.
Christophe Bouillon, 50 ans, est né à Rouen (Seine-Maritime). Il est député de la 5e circonscription de la Seine-Maritime depuis juin 2007. De 2001 à 2014, il a été maire de Canteleu (maire honoraire aujourd’hui). Depuis avril 2018, il est le président de l’association des Petites villes de France (APVF) à la suite de la nomination d’Olivier Dussopt au gouvernement, comme secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des comptes publics.
Entretien à l’occasion des 22e Assises de l’AVPF au Pont-du-Gard, près d’Uzès.
Pouvez-vous présenter l’Association des Petites Villes de France (APVF) que vous présidez ?
CB : L’APVF a été créée en 1989 par Martin Malvy. Nous fêtons donc ses 30 ans d’existence. L’association fédère les villes de 2 500 à 25 000 habitants. Sur les 3 100 communes françaises de cette strate, elles sont 1 200 adhérentes. Un tiers des Français vivent dans nos communes qui accueillent près de 26 millions d’habitants. L’association promeut leur rôle spécifique dans l’aménagement du territoire.
Quels sont les grands défis à relever pour vos communes ?
CB : Les défis auxquels nous devons répondre sont ceux du vieillissement de la population, de la désertification médicale, de la mobilité, de l’accessibilité et de l’attractivité économique. Pour que nous puissions y répondre, nous devons être davantage soutenus par l’État et les grandes collectivités territoriales.
Peut-être de nouvelles relations alors entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale ?
CB : Beaucoup de maires, dont une large majorité sont des bénévoles, consacrent plus de temps avec l’intercommunalité. Ils s’interrogent sur la gouvernance, la technostructure. Ils ont le sentiment de dépossession. Au moment de la crise des “gilets jaunes”, nous avons appelé à une plus grande solidarité territoriale. Nous avons élaboré un contrat territorial. Il faut agir pour réduire les fractures territoriales et sociales. Car lorsque l’on regarde la carte de France, nous voyons la carte des ronds-points, la carte des péages, la France du back-office, la France de la relégation, de l’éloignement.
Votre association demandait-elle la suppression de la taxe d’habitation comme s’est engagé le gouvernement ?
CB : Nous n’étions, et aucune autre association de maires, demandeurs de la suppression de cette taxe. Nous appelons à des garanties notamment celles de la visibilité sur la question des dotations par exemple et une juste répartition de l’action locale. Nous devons toujours bénéficier de l’autonomie financière et de pouvoir assurer les services publics dont nous avons la charge. La taxe foncière sur le bâti transférée des départements aux communes doit être mise en œuvre. Mais auparavant que des simulations nous soient présentées. Que des mécanismes de péréquation accompagnent les nouveaux procédés de financement de nos petites villes. APVF propose aussi la création d’un fonds de solidarité territoriale approvisionné par les métropoles. Et qu’une clause de revoyure permette de suivre l‘évolution de la situation de chaque commune. Par ailleurs, nous veillerons aussi aux modalités de compensation financières qui seront accordées aux Départements qui restent nos alliés dans nos investissements.
Vous appelez à un contrat territorial pour éviter une métropolisation débridée et pour garantir l’attractivité des petites villes. Quelles méthodes préconisez-vous ?
CB : Il faut renforcer la présence des services publics. Au nom de l’égalité territoriale, il faut les sauvegarder, les moderniser. Il faut qu’ils soient accessibles. Il ne doit pas avoir de territoires relégués et des citoyens de seconde zone. La revitalisation de nos cœurs de ville est indispensable. Concernant l’offre de soins, la désertification médicale s’aggrave spectaculairement. Nous approuvons la suppression du « numerus clausus » et l’instauration de stages obligatoires pour les internes dans des zones sous-dotées, des mesures contenues dans le texte de loi portée par la ministre de la Santé.
Les prochaines élections municipales se tiendront dans six mois, les dimanches 15 et 22 mars 2020. La mort récente du maire de Signes, Jean-Michel Mathieu, alors qu’il agissait pour faire respecter la loi, traduit-elle le sentiment d’être parfois seul face aux incivilités de vos concitoyens ? Qu’en est-il des vocations pour se présenter à des élections ?
CB : De plus en plus nous sommes confrontés à des incivilités, des violences, des propos diffamatoires, des attaques sur notre personne. Nous sommes souvent très seuls quand nous incarnons l’autorité républicaine. Il faut que des instructions par la ministre de la Justice soient données aux parquets pour que les procédures nécessaires aux poursuites soient sui- vies. Nous espérons que le projet de loi Engagement et proximité en cours de discussion au Parlement débouche sur des avancées concrètes dans l’exercice de nos mandats. Car la fonction de maire dans une petite ville est de plus en plus exigeante. Il faut favoriser l’engagement de tout le monde, dans des mandats locaux. Je préfère parler du statut de l’engagement local plutôt que du statut de l’élu. Car si nous voulons que des hommes et des femmes prennent des responsabilités locales, il faut une reconnaissance de leur engagement. Les indemnités versées sont aujourd’hui insuffisantes. Il faut aussi que le mécanisme d’allocation en fin de mandat soit amplifié. Beaucoup se posent la question : “Je continue ma carrière professionnelle ou je m’engage ?”
Et comme le coq Maurice sur l’île d’Oléron, il faut que les petites villes continuent à chanter les louanges de la République.
Par Philippe Beuvron pour RésoHebdoEco https://reso-hebdo-eco.com/