Moins de dépenses de fonctionnement et surtout de gestion, des investissements en hausse renforcés par un plan pluriannuel, le Conseil régional présente un budget serré en léger retrait par rapport à 2018.
Investissement, lisibilité et prospective, ces trois thèmes dominent dans la présentation des Orientations Budgétaires 2020, avec toujours plus de désir pour le développement durable et la transition écologique. Pour les dépenses contraintes, si les grandes options se maintiennent, la Région affirme sa politique vertueuse dans la gestion de son propre fonctionnement. Pour ceux qui ne comprendraient pas le message, le leitmotiv du tiré à part du rapport général distribué en séance plénière est limpide : « Grand Est : coup de frein sur ses dépenses de gestion ». On découvre dans ce document trois exemples d’économie interne au Conseil régional. Le budget communication (8,6 M€ en 2015 et 7M€ en 2019) est fixé à 6,4 M€ en 2020, soit une baisse de 25,5% en cinq ans. Les frais de réception passent en deux ans de 1,4 à 1,04 M€, là encore une baisse aux alentours de 26%. Enfin, effet quasi mécanique de la fusion des trois anciennes régions, les effectifs du Cabinet du Président baissent de 45%. Aux 22 collaborateurs directs des trois anciens présidents succèdent les 22 de l’actuel Cabinet.
L’actuelle contractualisation entre l’Etat et les Régions impose à ces dernières un plafond annuel de 1,2% d’augmentation des dépenses de fonctionnement. Le Grand Est exemplaire fait mieux en annonçant pour la clôture de son exercice 2019 une dépense de 1 833 M€, contre les 1 881 M€ autorisés par le contrat, soit un petit mieux de 48 M€ (-2,6%). Moins de fonctionnement et plus d’investissement, la Région consciente de cette lacune relativement aux autres régions se lance en revanche dans une prospective à 3,1 Mds€ entre 2020 et 2023.
3,1 MDS D’INVESTISSEMENTS SUR 4 ANS
Selon le document de présentation des Orientations Budgétaires, à fin 2018, la dépense d’investissement du Grand Est par habitant est de 97€, loin de la moyenne nationale de 119€. Le Conseil régional entend combler ce fossé en annonçant notamment, dans un souci d’anticipation, son premier Plan Pluriannuel d’Investissement sur quatre ans de 3 105 M€. On trouve dans ce plan et pour les grands projets 841 M€ pour les lycées (travaux, équipement et dispositif Lycée 4.0), 754 M€ pour les mobilités (matériels et infrastructures ferroviaires) et 171 M€ pour le plan Très Haut Débit.
Par pôle d’intervention de la Région, 1 318,3 M€ seront destinés à l’emploi, la formation et les jeunes, 1 158,5 M€ à l’ensemble des mobilités, 742,3 M€ à l’attractivité de la région (hors fonds européens), 556,3 M€ à la cohésion des territoires et 76,1 M€ au fonctionnement de la Région. Dans les grandes lignes, le budget 2020 du Grand Est (estimé à 3 149 M€) est présentée en six priorités : 899 M€ pour les mobilités, 877 M€ pour la jeunesse, l’emploi et la formation, 631 M€ pour les ressources et moyens, 274 M€ pour l’attractivité, 250 M€ pour les fonds européens et 218 M€ pour les territoires et la proximité.
UN BUDGET ANNONCÉ EN BAISSE
Le budget des orientations qui ne sera vraisemblablement pas très loin du Budget Primitif 2020, présenté les 12 et 13 Décembre, est à comparer à celui du BP de 2019 qui atteignait 3,2 Mds€. La baisse de 51 M€ (-1,6%) s’explique notamment par un manque dans les recettes de fonctionnement, conséquence du transfert de l’essentiel de la compétence régionale sur l’apprentissage vers les branches professionnelles. Les ressources liées à l’apprentissage devraient passer de 203,6 M€ à 60,8 M€, soit une perte de 142,6 M€.
Cette baisse des ressources est en partie atténuée par des prévisions de hausse de recettes (Fonds de compensation de la TVA et recettes prévisionnelles de l’utilisation du Très Haut Débit). La Région, très prudente sur un BP qui dépend pour beaucoup d’un budget national en gestation et d’une conjoncture économique peu prévisible (CVAE, fraction de TVA, TICPE, taxe sur les certificats d’immatriculation), estime difficile la comparaison entre les budgets primitifs, comparaison pourtant nécessaire.
L’OPPOSITION SUR LA RETENUE OU PRESQUE
Au slogan de Marc Sebeyran, Vice-président du Conseil régional et délégué aux finances, présentant les Orientations Budgétaires « L’avenir, c’est maintenant », et aux arguments de la Majorité régionale, les voix de l’opposition ont évidemment répondu. Christian Zimmermann (RN) : « Vous ne parlez pas de la dette qui a augmenté de 100 M€ en quatre ans ». Fabien Engelmann (RN) : « Prenez l’engagement de ne plus augmenter la taxe sur les immatriculations ». Pernelle Richardot (Socialiste, républicain et citoyen) : « Nous demandons la réintégration de personnel SNCF dans les trains et dans les gares ».
Jules Vaillant (Socialiste, républicain et citoyen) au Président Rottner : « Vous risquez de devenir le Président des superlatifs ». Christophe Choserot (Les Progressistes) s’est interrogé sur la baisse du budget fonctionnement : « Le fonctionnement c’est aussi de la vie dans les villes et les campagnes » et a questionné le Président sur la nature des investissements, leur territorialisation, et leur hiérarchisation.
LE DÉSAMOUR D’ALSACE ET TERRITOIRES
Ont-ils eu une quelconque affection pour le Grand Est ? Les élus du Groupe Alsace et Territoires ont tenu les propos les plus durs envers les Orientations Budgétaires grandestiennes. Ce dernier adjectif qu’ils utilisent avec une certaine ironie. Si Georges Schuller a posé la question des limites de la grandestisation à marche forcée et la création artificielle d’une telle identité, si André Reichardt a affirmé que les Alsaciens n’ont pas envie, à 80%, de rêver Grand Est, l’intervention de Grégory Stich a sonné comme un prélude aux joutes verbales d’avant l’avènement (janvier 2021) de la Collectivité Européenne d’Alsace.
Après le « J’ai vu dans votre rapport beaucoup de brouillard, de nombreux flous que ne cache pas un habillage malin des chiffres », l’élu alsacien a ironisé : « Monsieur le Président, seules les autruches se mettent la tête dans le sable pour cacher la réalité. Dans nos terroirs, les cigognes aiment prendre de la hauteur pour voir les choses clairement ». Et au final : « Je savais, avec votre volonté de lui offrir une identité, que le Grand Est ne savait pas qui il était, je crains aujourd’hui, avec vos orientations budgétaires, qu’il ne sache pas plus où il va ».
LE PRÉSIDENT ROTTNER AU-DESSUS DE LA MÊLÉE
Sa vision équitable du développement des territoires : « Pas de Grand Est des champs et de Grand Est des villes ». À la Progressiste Rachel Thomas : « Vous êtes dans un immobilisme ancien ». Et en conclusion des débats sur les Orientations : « Il y a des choses qui vont bien chez nous. Oui, nous avançons. Oui, le chômage baisse dans notre région. Oui, nous sommes une région leader pour les exportations. Oui, nous allons devenir la première région de France pour le Très Haut Débit … ».
Jean Rottner, et il le dit en présentant les grandes lignes des Orientations Budgétaires, estime que la Région est en train d’investir pour l’avenir : « Nous voulons résolument assumer aujourd’hui la responsabilité de participer aux évolutions de la société vers un modèle plus écologique, plus vertueux, plus proche des attentes des habitants du Grand Est … Un modèle d’avenir ». Au-dessus de la mêlée ? Quand il demande à un conseiller d’opposition, avec le sourire, d’apprendre à lire les chiffres, il est plutôt dans la première ligne des avants.
Prochain match les 12 et 13 décembre pour le vote du budget.