Les leviers incontournables d’Action Logement

Bruno Arcadipane, président du Medef Grand Est et d’Action Logement, était l’invité fil rouge du débat animé par Benjamin Busson, rédacteur en chef des Petites Affiches Matot Braine.

Les invités du ForumEco ont débattu des interactions entre l’Etat et les missions des organismes logeurs, en présence de Bruno Arcadipane, président du Medef Grand Est et président d’Action Logement.

La vocation du groupe Action Logement, acteur de référence du logement social et intermédiaire en France, est de faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi. L’organisme a été totalement refondu depuis la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2017, réunissant les 20 comités interprofessionnels du logement (CIL). « Aujourd’hui, les comités régionaux ne sont pas en relation de hiérarchie ou de sous-hiérarchie, ils travaillent à porter la parole à la holding de tête. C’est la priorité pour notre groupe. Nous avons 1 680 personnes travaillant dans nos ESH (entreprises sociales pour l’habitat, NDLR) dans la région Grand Est, c’est 15 000 au niveau national. 2 000 salariés ne sont concentrés que sur l’activité Grand Est. Ils font une analyse locale et une fois les besoins identifiés, vus avec les élus locaux et l’ensemble des acteurs, remontent les informations pour une prise de décision adaptée », précise Bruno Arcadipane, le président d’Action Logement, pour qui le travail effectué en deux ans a été colossal.

Son organisme répond à trois grandes missions. « La première est d’accompagner les salariés dans leur mobilité, résidentielle et professionnelle, la deuxième est de faire de la production de logements sociaux et intermédiaires, la troisième est de contribuer à la politique publique du logement. » Afin de renforcer ce lien entre emploi et logement, une convention quinquennale a été signée en janvier 2018 , entre l’Etat et Action Logement portant sur les emplois de la Participation des Entreprises à l’Effort de Construction (PEEC), ex 1% logement, pour la période 2018-2022. Celle-ci prévoit 15 milliards d’euros en faveur du logement avec, comme objectif partagé, d’améliorer les conditions de logement de l’ensemble des salariés du secteur privé mais également des ménages des classes moyennes pour favoriser leur accès et leur maintien dans l’emploi, et ainsi, renforcer leur pouvoir d’achat.

15 MILLIARDS D’EUROS EN FAVEUR DU LOGEMENT

« En janvier 2018, nous avons signé une convention quinquennale où le groupe s’engage sur 15 milliards d’euros. C’est un effort conséquent, rendu possible grâce à la concentration de nos structures, qui apporte une masse financière énorme », souligne le président d’Action Logement. « Sur les 15 milliards d’euros, 3,5 sont consacrés au renouvellement urbain, ce qui était une demande spécifique d’Emmanuel Macron au moment où il était candidat à la présidentielle, 5,5 milliards d’euros pour la production et la réhabilitation de logements sociaux et intermédiaires, 1,5 milliard pour redynamiser le centre de villes moyennes avec Action cœur de ville et 4,5 milliards d’euros pour les aides aux salariés. »

Cet investissement pour les territoires, les acteurs locaux le reconnaissent. « Action Logement n’a jamais laissé tomber les territoires », insiste Bruno Mouton, Directeur général d’Espace Habitat. « Dans notre environnement, dans la métallurgie, on a du mal à trouver des apprentis. Or le logement fait le travail. Il y a des accompagnements pour le loyer, les déménagements les dépôts de garantie… il y a tout un process. »

Car le poids de l’organisme dans le logement en France est conséquent, avec un résultat net d’1,147 milliard d’euros. En 2018, AL aura produit 37% de la construction de logements sociaux en France.

ACTION LOGEMENT AA+ PAR DEUX AGENCES DE NOTATION

L’objectif affiché est de construire 40 000 logements sociaux et 100 000 logements intermédiaires par an. Pour cela, expérience, expertise et esprit d’entreprise ont été insufflé afin de tenir un rythme de production ambitieux. Ces efforts concentrés ont été récompensés lorsque le groupe, côté au mois d’août, a obtenu la note souveraine de AA+ par les deux agences phares de notation, Fitch et Moody’s.

Cette confiance accordée des marchés a permis d’ajouter au plan quinquennal, un plan d’investissement volontaire (PIV) de 9 milliards d’euros, signé en avril 2019, avec le Premier ministre Edouard Philippe. « Ajouté aux 3 milliards de fonds propres, ça va nous permettre de lever 6 milliards à un coût extrême- ment faible et ensuite de pouvoir financer l’ensemble des besoins, soit 1 milliard d’euros sur la performance énergétique, 150 millions sur la mobilité, 1,5 milliard sur l’habitat inclusif pour la gestion de nos aînés, 1,3 milliard pour transformer des locaux de bureaux notamment en Ile-de-France sur des zones extrêmement tendues, en logements, 2,7 milliards pour produire plus et moins cher et 1 milliard d’euros sur la dégradation de l’habitat ancien. Ce PIV vient en plus du plan des 15 milliards avec l’Etat, en tout l’investissement pour le logement se chiffre en tout à 24 milliards. »

PARTENAIRE D’ACTION DE VILLE

Cet argent, qui vient notamment des entreprises grâce à la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et qui concerne, suite à la loi Pacte, les entreprises du secteur privé de plus de 20 salariés – et 50 salariés dans le secteur agricole – à hauteur de 0,45 % de leur masse salariale, est « convoité » par l’Etat qui prévoit de ponctionner Action Logement de 500 millions d’euros afin de participer au bouclage du Budget de l’exercice 2020. « Il ne faudrait pas qu’il y ait une dérive des pouvoirs publics de prendre cet argent pour aller boucher des trous ailleurs, dans des territoires qui sont peut être moins tendus, mais dans lesquels on ne peut pas dire que l’on ne construit pas », relève Fabrice Loncol, Directeur général de Châlons habitat, pour qui, les financements d’Action Logement sont de « véritables accélérateurs de particules ».

Action Logement c’est aussi un des trois partenaires financiers du plan national Action cœur de ville, dont bénéficient 222 villes moyennes pour redynamiser les centres-villes. L’organisme finance 1,5 milliard sur les 5 totalement destinés au logement. « Action cœur de ville touche le commerce, les aménagements, tout un ensemble de secteurs pour reprendre l’ensemble des cœurs de ville de 10 à 100 000 habitants. L’ANAH (Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat) finance les pilotes des chantiers, la Caisse des dépôts finance l’ingénierie et nous, le logement », précise Bruno Arcadipane.

« Lorsqu’on décide de faire cela, c’est pour gérer de la mixité sociale, ramener des salariés dans le cœur de ville et restructurer des ilots ou des centres-villes dans leur totalité. » « Cela fait 10 ou 15 ans qu’on a l’impression de vivre sans subvention. Là, Action cœur de ville, c’est un plan qui est soutenu. On peut mettre 20% de fonds propres sur certains projets, mais on ne peut pas faire ça pour tous. C’est en cela que les financements d’AL nous sont indispensables », insiste Fabrice Loncol.

« Quand on travaille sur le cœur de ville, il faut savoir agir très vite et mettre une véritable impulsion. On a besoin que les limites bougent et de fonds propres. Si on nous les retire, il faut être capable d’aller les chercher ailleurs, et donc, parmi ceux qui participent à nous apporter ces fonds, il y a Action Logement », confirme Patrick Baudet, le Directeur général de Reims habitat qui a créé avec trois autres Offices publics de l’Habitat le réseau Canopée, dont le but est de partager pratiques et retours d’expérience ainsi que de mutualiser les ressources et les moyens. « En moyenne, une action cœur de ville, c’est 14 logements. Ce sont des actions chirurgicales, de petites opérations sur lesquelles nous avons obligation d’intervenir car le cout est énorme ! 1m2 moyen Action cœur de ville, c’est près de 2 500 euros », rebondit Bruno Arcadipane. Sur le Grand Est, il y a 24 villes concernées par ce plan. « On a des villes avec des projets matures comme Saint-Dizier, Vitry-le-François, Sedan, Charleville, ça commence à sérieusement fonctionner, avec 23 millions d’euros d’engagés », précise Damien Sionneau, président du comité régional Action Logement.

RECONQUÉRIR L’HABITAT VACANT

L’engagement financier est disparate selon les projets. On retrouve ainsi 2,7 millions d’euros pour la ville de Châlons-en-Champagne, 75 000 euros pour Charleville, 775 000 euros déjà mis sur la table pour Chaumont, 185 000 euros pour Sedan et 16 millions d’euros pour Troyes. « Il y a donc une vraie diversité et un travail sur mesure réalisé par les équipes, même si c’est le maire qui décide de son opérateur », relève le président d’Action Logement. Le maire dont la vision pour sa ville est incontournable. « Comment faire une reconquête de l’habitat vacant ? » s’interroge Jérôme Mât, adjoint au développement économique à la ville de Châlons. « À Châlons, notre problématique était de se dire comment peut-on arriver à conjuguer cette volonté politique de refaire ces espaces publics, ramener des habitats à des consommateurs de proximité et remettre sur le marché des rez-de-chaussée commerciaux ? Comment réadapter ces logements vacants et permettre à des salariés de revenir habiter au centre-ville ? Aujourd’hui, on a 60 logements livrés. On s’est fixé 200 logements à réhabiliter d’ici 2022. L’intérêt c’est qu’on a eu un partenaire attentif et une volonté politique pour cette reconquête globale du centre-ville. »

RAMENER DU LIEN SOCIAL

Action Logement, pour de nombreuses collectivités, c’est la structure qui s’engage, qui va permettre de réaliser ses projets et surtout, d’apporter de la transversalité à la démarche. « Ce milliard et demi consacré à Action cœur de ville, c’est gérer des problématiques sociétales, ramener de la vie et du lien social dans les villes. À la fracture territoriale, je préfère l’attractivité territoriale », souligne Bruno Arcadipane.

« Nous travaillons sur la société inclusive », indique quant à lui, Thomas Dubois, président de l’URIOPSS Grand Est, réseau d’associations unissant celles des secteurs sanitaire, social et médico-social pour développer les solidarités. « Comment travailler sur l’habitat inclusif qui demande des logements adaptés, dans la mesure où en 2050, on aura 30 % de la population qui aura plus de 60 ans ? » C’est une vraie question de fond pour les partenaires sociaux. « On apporte beaucoup de services, un soutien, qui peut aller jusqu’à l’Assistance de la maîtrise d’ouvrage (AMO) dans le cas des salles de bains, avec une aide de 5 000 euros, pour aménager l’environnement en adéquation avec la manière de vivre de nos aînés. »

L’INNOVATION À ÉCHELLE INDUSTRIELLE

Toutes ces missions, d’aide, d’accompagnement et de construction, aujourd’hui ne s’envisagent pas sans une part d’innovation. « Je souhaiterais que dans les mois, les années qui viennent, on soit les premiers à stocker de l’énergie », ambitionne le président d’Action Logement. « Il y a une partie du groupe qui travaille sur l’innovation. Nous devons être innovants, à condition que ce soit décliné de façon industrielle, pour faire baisser les coûts. Nous allons d’ailleurs mettre à disposition de l’ensemble des bailleurs, un produit qui permettra en quelques clics, de déterminer le logement que veut la personne, le montant du loyer, la typologie mais également le « rating » qu’a cette personne, c’est à dire, visionner les données clés et l’ensemble de la véracité des documents qu’elle produit », annonce Bruno Arcadipane pour qui rien n’est jamais acquis.

Jérôme Mât, Adjoint DevEco à la Ville de Châlons : « Comment faire une reconquête de l’habitat vacant ? »

Fabrice Loncol, DG Châlons Habitat : « Il ne faudrait pas qu’il y ait une dérive des pouvoirs publics. »

Patrick Baudet, DG Reims Habitat : « Quand on travaille sur le cœur de ville, il faut savoir agir très vite. »