Les Halles de la Cartoucherie prennent un nouveau départ

Retardé par la Covid, le projet porté par le collectif Cosmopolis abritera une halle gourmande, un cinéma, une salle de spectacles, des installations de sport indoor, une librairie, une crèche, une école de danse hip-hop, une école multimédia et des espaces de coworking. Créateur de 220 emplois directs, le lieu devrait ouvrir en septembre 2022.
Le point avec Sylvain Barfety, président de la SAS du Tiers-Lieux, à la tête du projet.

De quelle manière la pandémie a-t-elle bouleversé le projet des Halles de la Cartoucherie ?

Nous devions débuter les travaux courant avril. Alors que nous étions en pleine consultation des entreprises, la Covid est arrivée et tout s’est arrêté. Nous avons perdu huit mois sur la mise en œuvre du projet. Mais cette crise a aussi entraîné une réinterrogation profonde. Le projet comprend en effet 3 000 m2 de restauration et autant dédiés au sport et à la culture, trois secteurs les plus impactés. D’où cette réflexion fondamentale : est-ce que notre modèle est viable si jamais ce genre d’événement devait se reproduire à l’avenir ? Nous nous sommes beaucoup questionnés au sein du collectif pour en conclure que ce que nous avions mis en place était très résilient. Nous disposons en effet de grands espaces modulables, évolutifs, dans lesquels on peut organiser la distanciation sociale, développer le click & collect, etc. Notre modèle se trouve donc, au contraire, renforcé, dans ce contexte.

C’est aussi durant cette période qu’une banque nous a lâchés. Et là nous avons eu de nombreuses réactions de soutien de la part des collectivités, Région, Département, Métropole, qui se sont dits à nos côtés, affirmant leur volonté de voir ce projet aboutir. Cela aussi nous a confortés. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de dire que les travaux vont pouvoir débuter, vraisemblablement au tout début du mois de février.

La période a donc été difficile, comme pour tout le monde. Nous investissons tout de même 30 M€ dans ce projet alors que nous ne sommes pas de grosses entreprises. Cela représente donc pour nous des enjeux financiers extrêmement importants. D’autant que nous ne sommes pas, pour la plupart d’entre nous, des professionnels de l’immobilier, puisque les associés* qui investissent dans cette Halle sont des exploitants. Nous sommes en train de construire notre outil de travail. Nous ne construisons pas un bâtiment pour le mettre en location, nous allons l’exploiter.

Comment est assuré le financement du projet ? Et comment s’opère le montage juridique ?

Le financement provient à hauteur de 30 % de fonds propres et de prêts bancaires pour le reste. Nous rachetons les Halles et nous construisons un nouveau bâtiment dont nous serons propriétaires. Néanmoins, nous avons des contraintes à respecter concernant la programmation qui y sera déployée. Celle-ci a été validée en conseil municipal. Nous avons en effet signé un protocole d’accord avec la Ville de Toulouse, ce qui fait que nous ne sommes pas libres de ce qui s’y déroule et la collectivité serait prioritaire, s’il devait y avoir une vente. Qui plus est, nous avons interdiction de vendre le bien pendant 15 ans.

Le projet est gigantesque. Détaillez-nous ce qu’il comprend.

Il s’étend aujourd’hui sur près de 14 000 m2 contre 15 000 m2 à l’origine. Nous avons en effet décidé de confier la réalisation de la petite halle de 1 000 m2 à Véo Cinéma, qui va investir et construire le cinéma. Nous ne portons plus directement cet investissement. Notre projet comprend la rénovation de la grande halle et la création d’une salle de spectacles de 800 places, dans un bâtiment tout neuf. Les travaux qui commenceront en février concerneront de manière simultanée la grande halle et la salle de spectacles. Les travaux du cinéma interviendront six mois plus tard. Le projet comprend 3 000 m2 de restauration, 3 000 m2 de bureaux et d’espaces de coworking, du sport avec l’UCPA et The Roof, la salle de spectacle, une école de danse, une librairie, un accueil petite enfance. Bref, un écosystème très riche.

Dans la halle gourmande, l’innovation réside dans le fait qu’on aura 26 stands mis à disposition des restaurateurs toulousains. Il s’agira de coordonner la plonge commune, le tri des déchets, l’approvisionnement des marchandises pour favoriser les producteurs locaux, les circuits courts et à minima l’agriculture raisonnée. Il y a donc eu tout un travail de structuration de filière assez lourd, mené depuis plus de deux ans. L’idée étant de créer un espace gourmand avec de vraies valeurs écologiques et d’inclusion, pour qu’il y ait de la mixité sociale. Nous travaillons avec Le Grand Marché MIN Toulouse, sur ces dynamiques de la fourche à la fourchette.

Où en est la sélection des restaurateurs ?

Elle est en cours. À l’issue de l’appel à projet, nous avons reçu plus de 220 candidatures. Nous en avons retenu une cinquantaine et à partir de janvier, nous allons lancer les dernières étapes de sélection, pour arriver à 26 lauréats avec une liste d’attente pour le cas où il y aurait des désistements dans les deux ans qui suivent.

Combien de couverts cela représente-t-il ?

La capacité est de 1 500 places assises, sachant que la capacité globale est de 2 600 personnes. Selon les prévisions, la fréquentation journalière varierait entre 3 500 et 7 000 personnes. Mes évaluations sont plus prudentes : je table sur 3 500 personnes par jour. Prenez un établissement similaire, tel le mercado da Ribeira à Lisbonne : il reçoit 7 500 à 8 000 personnes par jour.

Quel public visez-vous ?

Nous faisons en sorte de répondre à une demande très locale et sommes très ancrés dans notre territoire. Nous ne sommes qu’à trois ou quatre stations de tram de l’écosystème Airbus. Il y a plein de professionnels autour de nous, des habitants, 3 500 étudiants à moins de cinq minutes à pied, etc.

Nous cherchons donc avant tout à répondre à cette demande locale et à assurer une grande mixité tarifaire, de telle sorte que tout le monde puisse y trouver son compte. L’objectif n’est pas d’en faire un lieu exclusif. Il se veut au contraire le plus inclusif possible. Dans le quartier, ainsi que dans celui voisin de Casselardit, il y a une très grande mixité sociale. On y trouve aussi bien de petites maisons bourgeoises que les appartements des anciens ouvriers de la Cartoucherie.

On fait donc en sorte que l’outil qu’on est en train de réaliser réponde à un besoin très localisé. C’est du reste ce qui, dans notre modèle économique, nous rassure beaucoup. Nous ne l’avons pas dimensionné pour les touristes et nous n’avons pas du tout besoin d’eux pour fonctionner.

Même si la collectivité en fait un outil d’attractivité du territoire ?

Elle va effectivement pouvoir communiquer là-dessus. D’autant qu’au sein de la halle gourmande, on va regrouper ce qu’il y a de meilleur à Toulouse, selon nous. Ce sera une vitrine du savoir-faire toulousain en termes de gastronomie, de production agricole et maraîchère. C’est donc bien un outil de dynamique territoriale. Ça permet également de structurer un nouveau quartier. Mais encore une fois, on cherche à répondre à un besoin local. C’est du reste ce qui fait que notre modèle est solide.

Que dire de l’espace entrepreneuriat ?

Toulouse accueille beaucoup de tourisme professionnel, lié à l’aéronautique notamment. Il faut donc répondre à ce besoin. Nous allons déployer des espaces de bureaux et de coworking, pour accueillir jusqu’à 300 personnes au quotidien, ainsi que des salles de réunion, pour les mettre à disposition de structures qui viennent sur une, deux ou trois journées, ont besoin d’espaces pour accueillir un client dans un environnement atypique, avec une offre de services large. Notre halle gourmande est particulièrement adaptée. Idem pour les 500 places assises de la salle de spectacle conçue pour accueillir des séminaires. Juste à côté de la Halle, deux hôtels sont par ailleurs en cours de construction. Nous travaillons donc sur des packages dédiés aux entreprises qui proposent salles de réunion, offre de restauration, hébergement ainsi qu’une offre culturelle… L’idée est d’accueillir également des entreprises de l’extérieur et des coworkers nomades. Cette partie sera gérée par une structure, Obra, dans laquelle ma société (Azalay Invest, spécialisée dans le développement de tiers-lieux, NDLR), est majoritaire.

Sur ce point, vous ne craignez pas la concurrence d’autres structures de coworking, relativement nombreuses aujourd’hui à Toulouse ?

Pas du tout. L’offre à Toulouse est assez uniforme et la prestation que nous offrons n’a rien à voir. Nous proposons de nombreux services dans un lieu multi-activité. C’est encore fois un écosystème très riche. Nous ciblons du reste des entreprises matures. Si l’on prend l’exemple du Darwin à Bordeaux (Sylvain Barfety est l’un des cofondateurs du Darwin Écosystème, un tiers lieux emblématique de la capitale girondine, NDLR), il accueille des entreprises qui ont cinq ou six années d’existence et de plus en plus de grands groupes nationaux ou internationaux qui souhaitent s’implanter au cœur des villes, qui recherchent des espaces attractifs pour leurs collaborateurs et une dynamique de réseau. Nous attachons donc énormément d’importance au design, à la qualité des espaces pour que cela puisse aussi valoriser l’image de l’entreprise. Au Darwin, il y a plus d’une centaine d’entreprises sur liste d’attente pour un seul poste de travail quand d’autres bureaux plus classiques peinent à commercialiser leur espace.

*Ces six associés sont Azalay Invest, The Roof Toulouse, Palanca & Allô Bernard, Pour la route, TMCO et UCPA Immobilier Loisirs