« Les Français aiment leur entreprise ! »

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Sophie de Menthon, présidente de l’association Ethic (Entreprises à taille humaine, indépendantes et de croissance), est également à l’origine de la fête de l’entreprise, « J’aime ma boîte », qui mobilise quelque 400 000 sociétés et qui a eu lieu, cette année, le 17 octobre.

Parlez-nous tout d’abord d’Ethic, l’association que vous présidez depuis plus de 25 ans et que vous avez coutume de présenter comme le mouvement « poil à gratter » du patronat…

Ethic, qui signifie entreprises à taille humaine, indépendantes et de croissance, regroupe une diversité incroyable de secteurs avec 280 entreprises et 17 fédérations membres. Nous partageons tous les mêmes valeurs basées sur l’homme que nous plaçons au cœur de l’entreprise. C’est un mouvement libéral, apolitique, et comme nous ne recevons aucune subvention, aucun financement pour nos postes et que je ne veux rien, j’ai une vraie liberté de penser et de m’exprimer. Nous sommes ainsi les seuls à pouvoir dire tout haut ce que les gens pensent tout bas. Notre slogan est « le pouvoir d’influence et le devoir d’influer » et on vit des choses incroyables dans ce cadre.

Quelles sont les actions dont vous êtes la plus fière ?

La dernière dont je suis vraiment fière, c’est d’avoir initié la mise en place de la « prime Macron ». Au tout début de la crise des Gilets jaunes, il était fortement question de baisse de pouvoir d’achat ; or, le pouvoir d’achat dépend des patrons. J’ai tout de suite adressé un mail à Bruno Le Maire pour lui proposer d’autoriser les chefs d’entreprise à octroyer une prime défiscalisée, exonérée de charges à certains ou à tous leurs salariés. C’est devenu la « prime Macron » mais pour nous, elle reste la « prime patron » !

Quels sont les dossiers qui vous tiennent particulièrement à cœur aujourd’hui ?

On se bat sur la durée des délais de paiement dont la longueur pèse sur la trésorerie des entreprises. Et on souhaite que le montant des amendes versées par les mauvais payeurs à Bercy soit partagé entre l’État et les entreprises. On se bat aussi contre le harcèlement en entreprise. Nous voulons privilégier la responsabilité individuelle. Nous sommes contre le principe de promulguer des lois en permanence. Nous avons ainsi préconisé l’an dernier l’envoi à l’ensemble des collaborateurs d’un courrier de prévention que nous avons rédigé; un texte qui garantit le soutien de la hiérarchie dans tous les faits de harcèlement. Notre gros chantier de cette fin d’année concerne par ailleurs les verrous juridiques. Nous souhaitons faire sauter les millefeuilles administratifs, aller vers plus de simplification et nous y travaillons activement.

Ethic est par ailleurs partenaire de « J’aime ma boîte », un événement que vous avez lancé il y a 17 ans. Qu’est ce qui a motivé cette initiative ?

Aux États-Unis, j’avais vu qu’il existait une fête des patrons. Je me suis dit qu’il serait bien d’organiser un événement un jour dans l’année en France pour dire que l’on aime son entreprise, que l’on est content d’aller travailler, de retrouver ses collègues… Malgré les problèmes qu’ils peuvent rencontrer, les salariés sont une majorité à aimer « leur boîte ». Le sondage que nous réalisons chaque année avec Opinionway à l’occasion de cette fête des entreprises le prouve.

Ils étaient effectivement 62 % des interviewés à assurer « aimer leur boîte » en 2018. C’est toutefois le pourcentage le plus faible depuis le lancement de l’opération. Pourquoi d’après vous ?

Il y avait sans doute dans l’air, une espèce d’insatisfaction qui préfigurait le mouvement des Gilets jaunes. Et puis toujours ce sentiment de misérabilisme propre à la culture française qui a une fâcheuse tendance à valoriser le verre à moitié vide… Sans oublier plus globalement aussi une accélération du stress en entreprise liée avec l’hyperconnexion permanente.

Et quid de la participation à l’évènement ?

Nous avons aujourd’hui près de 400 000 sociétés qui participent à « j’aime ma boîte en France » d’une manière ou d’une autre : café-croissants proposé à cette occasion, pique-nique ou repas… Parmi les animations qui sortent des sentiers battus, une maison d’édition a mis en place un échange de livres entre ses salariés ce jour-là, Gifi a établi le record de la plus longue chaîne de salariés… Le concours photo, que nous organisons dans ce cadre, mobilise beaucoup aussi.

Qu’est-ce qui a caractérisé l’édition 2019 programmée le 17 octobre ?

Elle avait pour thème la culture d’entreprise et pour consigne : zéro déchets. Une véritable solidarité s’est par ailleurs créée autour de l’événement pour le promouvoir. JC Decaux nous a offert par exemple 100 000 passages promotionnels sur ses supports.

Que représente aujourd’hui pour vous cette journée ?

C’est du lien social qui se crée et qui souvent se perpétue les autres jours de l’année, un élément du bien vivre ensemble. C’est d’autant plus important que l’on passe plus de temps au travail que chez soi ! Pour moi, c’est la Saint-Valentin de l’entreprise.

Propos recueillis par Hélène Vermare pour Réso Hebdo Eco.

SOPHIE DE MENTHON : DATES CLÉ

1995 : prend la présidence d’Ethic.
2003 : lance la Fête de l’entreprise.
2004 : créé la Société de management des entreprises, un cabinet de conseil. 2006 : publie La police, premier ouvrage de sa collection « Le monde d’aujourd’hui expliqué aux enfants » qui compte désormais 13 titres.
2007 : Prix de la presse des jeunes (catégorie enfant) pour le livre L’argent.
2010-2015 : nommée par le président de la République au Conseil économique social et environnemental, au titre de personnalité qualifiée.
2012 : Prix Valmy pour le livre pour enfants L’armée.
2018 : publie Éternel recommencement, citations choisies et commentées par Sophie de Menthon (éditions Fortuna).