Les « fondations spéciales » de Pol Roger sont celles qui ancrent dans la craie sparnacienne la nouvelle nef de production en cours d’édification, autant que cet esprit de famille qui assure sereinement, depuis 1849, la pérennité d’une Maison de champagne aussi prestigieuse que discrète.
«Pol Roger a des objectifs mais pas de temporalité. La sixième génération va bientôt nous rejoindre. L’équilibre de notre Maison repose sur cette continuité. » En quelques mots, Hubert de Billy, membre du directoire de Pol Roger et lui-même représentant de la cinquième génération, résume la caractéristique fondamentale de l’une des dernières Maisons familiales du champagne.
Cela signifie surtout que chez Pol Roger on prend le temps pour faire les choses comme elles doivent être faites, avec un souci permanent d’extrême qualité que l’on retrouve, in fine, dans les cuvées maison. Le programme de modernisation de l’outil de production, entrepris par étapes successives et régulières depuis une vingtaine d’année, répond à cette exigence : la cuverie, avec ses cuves inox thermo-régulées de 25 à 160 hectolitres permettant de travailler en parcellaire, en est un parfait exemple, et une nouvelle ligne de tirage vient d’être installée ; mais c’est bien vers le considérable chantier de construction, à l’angle des rues Godart Roger et Winston Churchill, qu’il faut se diriger pour comprendre toute l’ambition de la Maison Pol Roger.
CHANTIER SUR PILOTIS
Derrière ce projet d’envergure, tant sur le plan de la réalisation technique qu’en termes d’investissement (près de 40 M€), Pol Roger affirme clairement sa volonté de conserver sa production sur son site d’Epernay, et s’affiche ainsi comme l’une des rares Maisons à concentrer l’ensemble de son outil de production en un même lieu. « Il aurait sans doute été plus simple de construire à l’extérieur d’Epernay, explique Laurent d’Harcourt, président du directoire. Mais nous avons fait le choix de rester au cœur de la cité, comme nous le permettait l’importante réserve foncière dont nous disposions ». « Plus simple », en effet, dans la mesure où la zone de construction est aussi, en partie, celle de l’effondrement historique des caves de la Maison, le 23 février 1900. Pour édifier cette nouvelle nef, archétype du bâtiment de production en Champagne, d’une « surface plancher » de 18 000 m2, il a fallu descendre « au droit » des caves actuelles dont le 3e niveau se situe à -32 mètres sous terre, pour enfoncer quelque 250 pieux dans le sol crayeux d’Epernay. Ces « fondations spéciales » achevées, l’ensemble du bâtiment, avec ses nouveaux étages de cave, va être à présent élevé. La partie de l’ancien effondrement ne sera pas bâtie et servira de cour d’expédition. Ce chantier… sur pilotis, réalisé par Pace Architecture et Cical Synergies, dont les premières études ont débuté en 2017, devrait être achevé au cours du second semestre 2022.
Outre la complexité de ses spécificités techniques, le projet devait également s’intégrer dans la zone Unesco autour de l’Avenue de Champagne, ainsi que dans le périmètre de la Tour de Castellane, surveillé par les Bâtiments de France. Le verre, le métal et la brique vont en constituer les matériaux à même de respecter les codes traditionnels tout en s’adaptant à la modernité de production du Champagne. Hubert de Billy : « Nous allons faire du beau et de l’utile, dans le respect de l’entité Pol Roger, de l’intégration dans la ville, et de ces “ paysages culturels évolutifs vivants ” dont fait partie la Champagne dans son classement au Patrimoine mondial de l’Unesco. »
1 850 000 BOUTEILLES
Cette priorité donnée à l’outil de production va donc permettre à la Maison Pol Roger de poursuivre sa progression régulière et raisonnée, de l’ordre de 3 à 5 % par an depuis une dizaine d’années, passant de 1,3 million de bouteilles en 2009 à 1,85 million l’an dernier (pour un chiffre d’affaires 2019 de quelque 42 M€). Progression qui va certes enregistrer un coup d’arrêt en 2020 en raison de la crise économique liée à la crise sanitaire de la Covid-19. Mais la baisse de résultat, estimée entre 20 et 30 % à l’issue du confinement, a été revue à la… baisse avec une reprise des commandes depuis le printemps, notamment sur de « petits marchés » où les ventes se comptent plutôt en centaines de bouteilles ! Bref, une perspective de résultat à -12 voire -15 % apparaît aujourd’hui plus réaliste.
Pour l’heure, 220 hectares de raisins ont été « rentrés » aux dernières vendanges, c’est-à-dire de quoi élaborer ces « vins floraux, élégants et subtils qui tirent leur quintessence de longs vieillissements sur lies » et assurent la réputation du Champagne Pol Roger.
Trois nouvelles cuvées d’exception
Entre 9 et 10 millions de bouteilles reposent dans les caves de Pol Roger, attendant patiemment d’être commercialisées. Le brut réserve y peaufine son style durant 4 années, tandis que la cuvée Sir Winston Churchill s’y concentre pendant 10 ans. Trois nouvelles cuvées d’exception sont aujourd’hui proposées aux amateurs :
Le brut millésimé 2013 vient d’être présenté en Angleterre en… visioconférence ! 60 % pinot noir, 40 % chardonnay, la précision de ce brut est la caractéristique de cette année 2013. Ampleur, caractère, puissance en bouche, ce millésime affiche un gros potentiel de vieillissement. 65 €.
Le blanc de blancs 2013 – dont Damien Cambres, le chef de cave, s’amuse à remarquer qu’il s’agit actuellement de la dernière année de vendange effectuée au mois d’octobre -, conjugue finesse et précision, avec déjà des arômes de fruits secs et de beurre frais. Dosé à 7g/l. 85 €.
La cuvée Sir Winston Churchill 2009, dont la composition exacte (pinot noir largement majoritaire et chardonnay) n’est jamais révélée, au nez ouvert et puissant, aux notes d’épices poivrées et de noisette, puis de miel quand le vin s’est épanoui dans le verre. Une cuvée à la forte personnalité, fidèle à l’image de celui qui lui a donné son nom. 210 €.