Pierre-Yves CharloisLes ficelles du métier

Pierre-Yves Charlois.

Le 9 novembre, le festival mondial de marionnettes de Charleville-Mézières vivra une nouvelle étape de son histoire. Pierre-Yves Charlois qui a déjà touché à toutes les formes du spectacle vivant succèdera à Anne-Françoise Cabanis à la tête de l’évènement ardennais.

L’intéressé qui avait l’habitude de venir dans la capitale de la Marionnette depuis de nombreuses années, a été officiellement désigné directeur du festival le 24 août dernier.

« Je me suis dis que c’était une évidence de candidater à quelque chose qui me correspondait bien. J’ai toujours rêvé de diriger un festival de dimension internationale, qui se construit toute l’année avec de nombreux partenaires. Alors, j’ai rédigé ma lettre de motivation, ficelé un projet d’une douzaine de pages à partir de la note d’orientation fixée par l’association organisatrice et présenté mon projet à l’oral devant un jury. J’ai été choisi et on s’est ensuite mis d’accord sur une date de prise de fonction. » Roselyne Bachelot ayant donné son agrément, Pierre-Yves Charlois deviendra le 9 novembre, à 43 ans, le nouveau directeur du festival carolomacérien.

« J’aurai trois semaines de tuilage en compagnie d’Anne-Françoise Cabanis, directrice actuelle du festival pour mieux m’imprégner de ce rôle et vite entrer dans le grand bain. Pour mieux connaître les choses de l’intérieur, je rencontrerai ensuite les salariés, les bénévoles et l’équipe des Petits Comédiens de Chiffons. En espérant qu’on sortira bientôt de la crise sanitaire… »

Quid de sa ligne directrice ?

« Ce que je veux faire, c’est ce que je sais faire : travailler en coopération avec les gens et tout cela dans la continuité. Faire communauté avec les artistes, les bénévoles et les acteurs du territoire, pour arriver à un modèle de pôle artistique et culturel du XXIe siècle. Je sais aussi qu’en dehors du festival, il y a un autre grand chantier avec la Cité des Arts de la Marionnette ».

Fils d’un couple de médecins qui, depuis leur retraite, ont ouvert des chambres d’hôtes à Sarlat (Périgord), Pierre-Yves Charlois a vite eu la fibre artistique grâce à des parents qu’il accompagnait dans les musées ou lors de différents spectacles.

« J’ai pratiqué le piano dès l’âge de cinq ans, joué au rugby à l’US Métro de poussins à cadets, fait beaucoup de dessin et monté à 14 ans avec mon frère, un groupe de rock funk baptisé « Les bons tuyaux », un ensemble faisant référence à Huggy de Starsky et Hutch mais qui n’avait aucun instrument à vent », se rappelle l’ancien chanteur et guitariste.

Après avoir réussi en 1995, un bac économie et social au lycée Descartes à Antony (92), le Francilien intègre les facultés de Sceaux et Panthéon-Sorbonne, obtient une maîtrise d’économie internationale puis un DESS administration et gestion de la musique.

« J’ai validé ce diplôme en 2001 lors d’un stage aux Eurockéennes de Belfort passé aux côtes de Christian Alex, devenu depuis directeur artistique du Cabaret vert. »

Ce premier poste coïncida avec un ouragan qui avait obligé Jean-Paul Rolland à interrompre la première soirée de cette 13e édition. « On avait évacué le site et hébergé les campeurs désemparés dans des gymnases avoisinants. Une sacrée entrée en matière. Mais malgré ces aléas, ce premier contact avec le monde du spectacle m’a tout de suite donné envie d’encadrer un festival. »

Celui qui avait auparavant vécu de plusieurs petits boulots (vendeur de disques au BHV, facteur, guichetier à la Poste, moniteur de colonie et vendeur de beignets sur la plage) devient ensuite Tour Manager de Juan Rozoff, surnommé « le Prince français » et qui ouvrit la voie à FFF, Sinclair et Malka Family.

« Je devais assurer le bon déroulé de la tournée automnale. À savoir la feuille de route des artistes, leur hébergement sur place, l’organisation des navettes et la récupération des cachets à l’issue des concerts ».

CADRE AU SEIN DE DEUX INSTITUTIONS PARISIENNES

Après une brève expérience de quatre mois comme administrateur de Slam production à laquelle il mit fin « pour incompatibilité d’humeur », Pierre-Yves a la chance d’être embauché à la Cité de la Musique comme délégué de production. Il pilote une cinquantaine de concerts par saison à la Porte de Pantin.

« À 23 ans, j’étais tout feu, tout flamme à l’idée de devenir cadre au sein d’une institution disposant d’importants moyens et en étant en contact avec d’énormes stars : le violoncelliste américain Yo-Yo Ma, l’orchestre de Paris, Zebda et différents staffs. J’étais la courroie de transmission au milieu de tout cela après avoir négocié pied à pied les conditions des contrats avec les managers. J’ai aussi coordonné la première biennale d’art vocal. Ce fut un moment vraiment très formateur. J’ai adoré cette expérience dont je me suis servi ensuite ».

Après deux ans et demi de vie professionnelle, cet amoureux de la nature éprouve alors le besoin de prendre le sac à dos et de partir six mois en Afrique et en Argentine. « D’abord au Sénégal et en Mauritanie puis en Argentine via la Cordillère des Andes, une courte incursion en Bolivie puis un séjour de sept semaines en Patagonie. C’était fou de découvrir ces paysages fabuleux ».

À son retour en France, il enchaîne avec un poste de délégué à la programmation des concerts à l’auditorium du Louvre. Une belle retombée.

« Dotée d’une extraordinaire acoustique, cette salle de musique de chambre de 450 places m’a amené à être très branché quatuor à cordes, trio, piano solo. Je faisais des auditions et repérages d’artistes et m’occupais de la production de stars comme les pianistes russe et italien Boris Berezowsky et Mauricio Pollini, spécialiste de Chopin. Le Louvre étant alors dans un souhait de rajeunir son public, on a organisé des concerts de musiques actuelles, ce qui m’a permis d’y faire venir Daniel Darcq, s’amuse-t-il, et des spectacles déambulatoires dans les galeries. J’ai aussi participé à la venue de Pierre Boulez dans le cadre des opérations Le Louvre invite ».

LA BRETAGNE AVANT LES ARDENNES

Après cet apprentissage dans de grosses machines parisiennes « extrêmement performantes à tous les niveaux de métiers » au cours duquel il apprit l’exigence mais où il est aussi compliqué de progresser, Pierre-Yves Barlois découvre un autre pan du métier, en 2008. Il devient conseiller artistique axé sur l’international puis directeur adjoint de l’Office de diffusion et d’informations artistiques de Normandie à Rouen.

« Cette agence relevait de politiques publiques culturelles émanant de cinq départements (Seine Maritime, Eure, Calva- dos, Orne et Manche) et des régions Basse et Haute Normandie plus les villes de Rouen, Le Havre et de Caen entrées elles aussi dans le tour de table. Je me suis retrouvé au milieu de ce triangle pour travailler en étroite concertation avec toutes ces entités. Une vraie mission de service public qui m’a ouvert à tous les champs du spectacle vivant : théâtre et danse et musique contemporaine, marionnette, cirque, musique classique, vocal et de chambre ».

La continuité de ce riche parcours mène Pierre-Yves Charlois, de 2013 à 2020, en Bretagne où, en tant que directeur adjoint, il eut la mission de développer tous les outils de l’établissement public de coopération culturelle « Spectacle vivant en Bretagne » qui préexistait sans que sa feuille de route soit clairement définie. « J’accompagnais les artistes implantés sur place à sortir de la région ».

Et à partir du 9 novembre, ce jeune « quadra » aux solides acquis va faire escale dans les Ardennes pour diriger l’un des plus gros évènements culturels du nord-est.

Parcours

1977 Né le 24 octobre à Clamart (Hauts-de-Seine).
2001 Obtient un DESS administration-gestion de la musique à Paris 4 La Sorbonne.
2003 Part six mois en Afrique et en Argentine.
2008 Arrive à l’Office de diffusion et d’information artistique de Normandie, à Rouen.
2020 Choisi par les Petits Comédiens de Chiffons comme directeur du festival mondial des théâtres de marionnettes.