Les déchets recyclés en service

Un nouveau bâtiment de 25 000 m2 devrait sortir de terre en 2022 dédié aux nouvelles activités de Cler Verts.

Donner de la valeur ajoutée aux déchets recyclés sur son site niché à Bélesta-Lauragais, tel est le nouveau mantra de Cler Verts, l’un des premiers acteurs du recyclage de la région.

L es déchets ne prennent pas de vacances. Spécialisée dans la collecte et la valorisation de déchets organiques, Cler Verts investit 2,8 M€ pour développer et diversifier les activités de sa plateforme multifilières de Bélesta-Lauragais. Un coup de pouce impulsé notamment par les dispositifs mis en place dans le cadre du Plan de relance : l’entreprise qui a déposé un dossier (aide maximale de 800 000 €), rentre dans le palmarès des sept entreprises occitanes lauréates du fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires. « Nous ne connaissons pas encore le montant alloué à notre activité, mais nous sommes ravis de cette nouvelle. L’enveloppe globale s’élève a priori à 5,2 M€ pour l’ensemble des entreprises », souligne Jean-Luc Da Lozzo, fondateur et président du groupe Cler Verts. Le montant restant encore inconnu sera doublé par un deuxième tour de table – la première levée de fonds ayant atteint 2,15 M€ en 2014 notamment auprès de Multicroissance, société de capital-investissement de la Banque Populaire, et de Grand Sud- Ouest Capital – et d’un investissement bancaire pour appuyer les axes de développement de l’entreprise. « Nous espérons lever 4,5 M€ en vue de créer cinq nouveaux sites dans le Sud avec des plateformes multifilières en capacité de gérer tous les déchets des territoires. De fait, nous nous faisons accompagner depuis plusieurs mois par une banque d’affaires parisienne afin d’élargir le panel d’investisseurs », détaille-t-il.

En attendant la levée de fonds, la PME a de la suite dans les idées. Sa nouvelle ambition : créer de nouveaux produits à partir des matières recyclées sur son site, histoire de boucler la boucle.

L’entreprise a démarré en 2003 avec le compostage des végétaux, puis a élargi son activité en 2008 au recyclage des déchets de bois, avant de se diversifier dans la production d’énergie via la construction d’une usine de méthanisation. L’entreprise transforme ainsi les déchets organiques des entreprises et des collectivités, récoltés auprès de 500 clients chaque mois, pour les transformer en fertilisants naturels, sous forme d’énergie, de panneaux de bois (envoyé dans une usine landaise) et de combustibles. Au total, ce sont 70 000 tonnes de déchets valorisés par an, dont 35 000 tonnes de bois transformés et de nombreux déchets alimentaires recyclés. « Il ne faut pas voir le déchet comme une fin d’activité mais comme le début d’autre chose », explique le dirigeant qui voit plus loin.

LE BIOCHAR, PROJET CIBLÉ

L’entreprise planche sur trois axes: d’abord, formuler des supports de culture à partir des rendements de compost qu’elle produit, destinés aux jardineries régionales et au maraîchage. « Ces derniers attendent une offre locale pour réduire notamment les coûts de transport et l’empreinte carbone, ce qui n’est pas encore le cas puisque pour l’heure, les supports de cultures conditionnés proviennent des Landes et de la vallée du Rhône. Notre objectif est de produire 5 000 tonnes par an. » Le deuxième projet en vue concerne la construction d’une unité de production de biochar, un charbon d’origine végétale obtenu par pyrolyse de la biomasse végétale, généralement des déchets de scierie, à plus de 500 degrés. « Ce matériau poreux peut servir de détenteur d’eau et permet de fixer les micro-organismes qui sont des éléments essentiels à la fertilité du sol. Ainsi, le biochar permet de prévenir les attaques fongiques et d’accroître le rendement ». De fait, l’entreprise s’est adjoint les conseils du Pr Bruno Glaser, spécialiste européen de la biogeochimie des sols et des sciences de la nutrition (université Martin-Luther de Halle-Wittenberg en Allemagne) pour préciser l’efficacité du produit et a visité des entreprises allemandes en avance sur ce sujet, alors qu’un nouveau règlement européen sur les matières fertilisantes et supports de culture doit être adopté en 2021 (NDLR, Le règlement (CE) n°2003/2003, ne devrait impacter les produits qu’au printemps 2022). Cler Verts saute sur l’occasion pour s’infiltrer sur ce marché de niche, ce matériau étant peu présent en France. L’entreprise compte en produire 300 tonnes par an « qui seront commercialisées pures ou qui entreront dans des formulations de supports de culture à 10 % ». Outre ce projet « coup de cœur » selon les mots du dirigeant, Cler Verts souhaite valoriser les coproduits de l’agroalimentaire végétaux. « C’est dommage de ne rien en faire. Après séchage, ces matières, qui ont une teneur en protéine élevée, peuvent compléter l’alimentation animale, d’autant que l’enjeu dans le secteur de l’élevage pour dépendre moins du soja, par exemple, provenant de l’Amérique du Sud, est fort. Nous pouvons contribuer à une meilleure autonomie dans le domaine de l’alimentation animale ». Là encore, l’entreprise vise le marché local.

25 000 MDÉDIÉS

Afin de lancer l’ensemble de ces activités, un nouveau bâtiment de 25 000 m2 devrait sortir de terre en 2022. « Le permis de construire devrait être déposé fin décembre. Il s’agit de l’extension de notre site actuel, un foncier acquis en 2014, sur lequel nous avions l’intention d’installer des agro-activités, ce qui n’a pas pu aboutir. Nous avons donc changé d’optique. »

En marge, l’entreprise exploite également sur ce même terrain, une activité agricole, « 30 hectares de céréales certifiés AB » qui sert de démonstrateur, le sol étant fertilisé à partir des matières recyclées. « Nous avons métamorphosé le sol par le compost et de nouvelles pratiques culturales. Le but est d’aller de l’assiette au champ. Nous allons par ailleurs compléter notre offre régionale avec des cultures plus exotiques comme des graines de chia dès le printemps prochain ». Aussi, l’entreprise projette d’étoffer son élevage de brebis passant de 19 à 200 sujets.

L’entreprise, pourvoyeuse de 53 emplois, qui a généré 5,1 M€ de chiffre d’affaires l’an dernier et qui a connu une baisse de 25 % d’activité pendant le premier confinement, devrait revenir à l’équilibre en fin d’année. Elle projette de recruter neuf équivalents temps plein pour supporter le démarrage de ces nouvelles activités d’ici deux ans.