Les co-productions, vecteurs de reconnaissance

Exemple récent de co-production : l’opéra La Finta Pazza, réalisé avec l’opéra royal de Versailles.

Depuis plusieurs années, l’opéra de Dijon s’implique de manière croissante dans des démarches de co-production. L’intérêt est économique mais le but est aussi d’accroître le rayonnement culturel de l’institution et de la ville.

Présenté du 5 au 10 février au Grand Théâtre de Dijon, l’opéra La Finta Pazza de l’italien Francesco Sacrati est une œuvre remarquable sur bien des points mais il en est peut-être un qui a échappé au grand public. Cette réalisation résultait d’une co-production entre l’opéra dijonnais et l’opéra royal du château de Versailles. Ces co-productions s’imposent de plus en plus dans le paysage lyrique local, notamment depuis l’arrivée aux manettes de Laurent Joyeux, l’actuel directeur général et artistique de l’Opéra de Dijon. À cela, plusieurs raisons. D’une part, on comprend aisément l’intérêt économique de la mutualisation d’une production pour des œuvres qui mobilisent d’importants moyens financiers. Mais la co-production est aussi un outil de rayonnement culturel, qui contribue à faire reconnaître la valeur de l’opéra dijonnais dans un paysage national et international et, par ricochet, représente une belle carte de visite pour la ville et sa région.

MISE EN COMMUN

« Lorsque je suis arrivé, précise Laurent Joyeux, il n’y avait quasiment pas de co-productions. L’intérêt de ces dernières, c’est qu’elles permettent de mettre en commun des ressources financières, bien sûr, mais aussi des savoir-faire, des expertises ». Sauf que co-produire ne se décide pas d’un claquement de doigts. Il faut savoir que les programmations se font quatre ans à l’a-vance, les discussions avec d’éventuels partenaires s’inscrivent donc dans un temps long. « Si l’on veut un projet partagé, construit, poursuit le directeur, les discussions doivent être entamées très en amont ». Laurent Joyeux, à son arrivée à Dijon, était déjà porteur de tels projets, convaincu qu’il était de l’intérêt des co-productions : « On ne peut plus aujourd’hui produire de l’opéra seul. Cela coûte trop cher. Il faut partager les coûts, mais ce n’est pas l’unique raison: produire un spectacle, investir, pour ne le présenter qu’à Dijon, c’est un peu dommage. Mettre en place une politique de co-production, c’est aussi avoir la possibilité de faire tourner les spectacles sur plusieurs lieux. C’est également l’occasion de faire connaître nos savoir-faire à l’extérieur et d’accueillir ici ceux des autres. J’y ai vu tout de suite le moyen de faire rayonner l’opéra de Dijon et de donner une image positive de la ville à l’extérieur ».

Pour que des co-productions s’instaurent, il fallait d’abord que l’opéra local apparaisse sur les « radars » du monde lyrique. Laurent Joyeux a donc fait entrer la structure dans la Réunion des opéras de France (ROF), un réseau national qui fédère aujourd’hui 32 maisons d’opéra, scènes ou festivals lyriques, ainsi que dans Opéra-Europa, organisation des compagnies et festivals d’opéras professionnels en Europe, dont le siège est en Belgique, à Bruxelles. « La seconde étape, poursuit le directeur de l’opéra de Dijon, aura été de participer à des co-productions pour se faire connaître, car personne ne savait de quoi nous étions capables. Nous avons d’abord accueilli des productions d’autres maisons, en injectant de l’argent et en recevant ces productions. Ce fut le cas par exemple, avec Dardanus, de Rameau, présenté en 2009 et pour lequel nos avons travaillé avec l’opéra de Lille ». Autre exemple de ces premiers pas dans les co-production : Orlando de Haendel, en 2010, co-produit avec le Théâtre des Champs-Élysées et, là encore, l’opéra de Lille. Par la suite, l’implication dijonnaise dans ces productions mutualisées n’a cessé d’augmenter. Pour le Mithridate de Mozart, co-produit avec le Théâtre des Champs-Élysées en 2016, l’atelier de l’opéra de Dijon a construit l’intégralité des décors. «Mais depuis plusieurs années, souligne Laurent Joyeux, nous co-produisons des spectacles qui tournent. Cette année, par exemple, en début de saison, nous avons eu Jenufa, de Leos Janacek, qui a aussi été présenté, en janvier, au théâtre de Caen. En mai 2018, nous avions aussi produit Pygmalion de Rameau, qui a tourné, depuis à l’opéra de Lille, puis au Luxembourg et à Caen également ».

LES CHŒURS VOYAGENT

Pour Nabucco, de Verdi, co-produit avec Lille, le chœur de l’opéra de Dijon est monté dans la capitale du nord et lorsque l’opéra a été présenté à Dijon, en novembre dernier, c’est le chœur lillois qui s’est déplacé en Bourgogne. Concernant La Finta Pazza, cité au début de cet article, l’œuvre a été présentée à Versailles en février. Pour finir, Les Boréades de Rameau, que les Dijonnais vont pouvoir découvrir sur la scène de l’Auditorium du 22 au 28 mars, partiront ensuite en Allemagne, à Berlin, en 2020. Aujourd’hui, Dijon est reconnue comme un partenaire valable dans les co-productions. « Nous avons été reconnus, en 2018, Théâtre lyrique d’intérêt national par le ministère de la Culture, souligne Laurent Joyeux, notamment parce que nous participons, d’une manière originale à la création d’opéras sur le territoire national. C’est le cas de peu de maisons d’opéra ! » Comme le montre l’exemple des Boréades, ces co-productions peuvent aussi conduire au-delà des frontières françaises. Simon Boccanegra, présenté il y a un an à l’Auditorium de Dijon, résultait d’un travail mené en collaboration avec l’opéra de Klagenfurt en Autriche, pays, où il sera joué très prochainement. « C’est une réalité, poursuit Laurent Joyeux, nous sommes aujourd’hui plutôt à une échelle européenne et pour nous, c’est l’avenir, ne serait-ce qu’en matière de savoir-faire. Accueillir un metteur en scène allemand nous ouvre les portes de ce pays. De toute façon, depuis son origine, l’opéra est un art éminemment européen… » En termes de ressources, ces co-productions sont aussi très importantes pour l’opéra de Dijon : l’an passé, elles ont représenté près de 500.000 euros de recettes (sur un budget global de 10 millions d’euros). L’enjeu maintenant, est de maintenir ce rythme de croisière et de faire tourner les productions dijonnaises.