« Les bailleurs ont aussi leur part de responsabilité »

Le maire de Reims Arnaud Robinet veut ouvrir le débat sur la légalisation du cannabis tout en affirmant des positions claires en matière de sécurité.

Le maire de Reims Arnaud Robinet commente la rentrée mouvementée dans sa ville, les questions de sécurité, ses prises de position sur la légalisation du cannabis et fait le point sur les grands projets rémois.

Six mois après sa réélection au premier tour des Municipales, le maire de Reims revient sur un début de deuxième mandat marqué par le confinement. Outre une gestion du quotidien compliquée, sur fond de Covid-19, Arnaud Robinet concède ne pas avoir “de visibilité à 48 heures”. Ce qui ne l’empêche pas d’assurer la continuité des projets et de prendre des positions marquées et remarquées sur des sujets tels que la sécurité ou la légalisation du cannabis.

Où en sont les grands projets rémois ? Ont-ils pris du retard en raison de la crise sanitaire ?

L’avantage d’avoir été une équipe sortante réélue est d’avoir pu, malgré le confinement, assurer une continuité dans la poursuite des projets et des différents dossiers. Néanmoins les chantiers du Complexe aqualudique et de l’Arena ont pris quelques mois de retard, qui correspondent aux mois de confinement. Les lancements d’autres projets ont également pris du retard en raison de l’arrêt de certaines procédures administratives.

Mais ce qui touche au quotidien, comme la voirie par exemple, a été lancé normalement.

D’autres dossiers en cours comme ceux de Port Colbert ont eux aussi été ralentis, mais à votre initiative cette fois…

En effet, nous avons mis halte à certains projets, dont nous avions parfois appris l’existence et la commercialisation par la presse. Si je comprends bien la position des promoteurs, il n’est pas question d’avoir une bétonisation à outrance du Port Colbert. Nous voulons travailler ce secteur de façon intelligente pour en faire un lieu agréable.

L’objectif est de tourner Reims vers l’eau, de se réapproprier les berges du canal. Nous voulons donc nous donner du temps pour construire un projet cohérent, disposer d’une vision globale du secteur et cadrer tout cela. Reims a toujours été une ville d’expérimentation au niveau architectural et je veux qu’elle le demeure au XXIe siècle. Donc, si nous disposons d’un foncier suffisant, je souhaite que la collectivité puisse expérimenter en termes architectural, urbanistique, environnemental…

Comment cela se traduit-il ?

Nous avons lancé trois accords-cadres en juillet dernier aussi bien au Conseil municipal qu’au Conseil communautaire. Des équipes d’urbanistes notamment vont y répondre. Pour la partie Port Colbert, qui comprend aussi le secteur VMC et Bois d’amour, pour le projet des Berges de Reims, qui va du Pont de Venise au Centre des Congrès et enfin l’accord-cadre de la continuité de Reims Grand Centre, qui inclut la Voie des Sacres, allant de la Cathédrale à Saint-Remi. Les équipes seront choisies d’ici quelques semaines.

Est toujours également en cours le projet des Magasins Généraux avec l’ESAD et NEOMA entre autres, un secteur aménagé par Kaufman&Broad, qui est assez végétalisé. Sur les autres friches industrielles je préfère que l’on se donne le temps de réfléchir à des projets qui correspondent mieux aux attentes de nos concitoyens aujourd’hui et de la société.

Quant au projet Rives de Vesle, il est pour le moment suspendu à un recours déposé par un riverain.

Vous avez fait les gros titres de la presse nationale avec une prise de position très remarquée en faveur de la légalisation du cannabis…

Je n’aborde pas ce sujet de façon sécuritaire. Je souhaite juste que soit ouvert le débat sur les conséquences de la légalisation du cannabis.

Par légalisation, j’entends le contrôle de la vente et même de la production.

Ce que je vois c’est que nous sommes le pays le plus répressif en la matière en Europe. Et de façon paradoxale, le nombre de consommateurs augmente chaque année et nous sommes aussi le pays en Europe où il y a le plus de consommateurs. Entre 11 et 12% de Français consomment chaque année. Il faut aussi cesser de croire que les consommateurs sont uniquement les jeunes en bas des immeubles, cela touche tout le monde et tous les quartiers. On voit aussi que les actes de violence que l’on a connu ces dernières semaines sont directement liés au trafic.

Ne craignez-vous pas une récupération politique de vos propos ?

Non, je suis même plutôt ravi que des élus prennent la parole pour s’emparer eux aussi de la question, comme Boris Ravignon, le maire de Charleville-Mézières, par exemple. Ce que je dis c’est que l’on mène la même politique depuis 50 ans, alors essayons autre chose. Parlons de la légalisation : elle permettrait de contrôler le produit en tant que tel et son taux de THC. Cela permettrait aussi des rentrées fiscales pour l’Etat – qui pourra d’ailleurs les reventiler vers la prévention et vers la police pour la lutte contre les trafics de drogues dures – et mettre fin au financement de certains réseaux. Aujourd’hui on se voile la face, on pratique la politique de l’autruche depuis plusieurs années, on laisse le trafic proliférer et on achète la loi du silence. En tant que pharmacologue j’ai aussi pleinement conscience que le cannabis n’est pas un produit anodin. Mais pourquoi ne pas contrôler cette production et cette vente ?

Reims a aussi marqué la rentrée pour de tristes faits divers liés à la violences de jeunes auteurs…

Là aussi il faut avoir un discours de vérité. J’agis sur les compétences qui sont les miennes, à savoir la Police Municipale. On augmente les effectifs, on fait de la vidéo-protection, on ne peut pas aller au-delà de nos compétences malheureusement. Derrière, il faut aussi que la justice fasse son travail. Quand je vois ce qu’il s’est passé le week-end dernier (l’agression de joueurs de football au Creps de Reims, NDLR).

Il faut que chacun paie, que la Justice soit exemplaire sur le sujet et qu’on responsabilise les parents lorsque les auteurs sont mineurs.

Au risque de choquer, il faut dire qu’on récolte aussi ce qu’on pourrait appeler la politique de peuplement de nos bailleurs sociaux, qui ont accueilli tout le monde, venant d’Ile de France notamment, sachant que les loyers sont payés par la CAF. Ils ont leur part de responsabilité et ils le savent. Sauf qu’aujourd’hui, on en voit les conséquences : une non-mixité, une non-intégration dans le quartier, des confrontations entre communautés…

Derrière il y a aussi la question de l’éducation. Je ne parle pas de l’école qui est là pour instruire et les professeurs font un admirable travail. C’est la question de la responsabilisation des parents qui est en cause.

La question des quartiers reste présente en toile de fond de ces affaires…

On entend encore aujourd’hui que les quartiers sont abandonnés, c’est faux ! Droite comme gauche, que ce soient les gouvernements ou les municipalités, ce sont des millions voire des milliards d’euros qui ont été consacrés aux quartiers. Un gros travail est fait par l’Education nationale et par les associations. Les quartiers ne sont pas abandonnés. Mais il y a malheureusement des gamins qui sont aujourd’hui en marge de la société. Les maillons manquants sont les parents et in fine, au bout de la chaîne, la Justice. Il y a une certaine forme d’impunité qui n’est pas acceptable aujourd’hui.

De quel pouvoir dispose réellement le maire de Reims en matière de sécurité ?

Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur a accepté que Reims, comme Nice, puisse expérimenter l’élargissement des compétences de la Police Municipale. Nous travaillons dessus aujourd’hui pour augmenter les effectifs et notamment ceux de l’Unité de Nuit. Notre Police Municipale va être présente 24h sur 24 et 7 jours sur 7 avec un gros travail d’ilotage. Mais je ne peux pas mettre des policiers municipaux sur les terrains de football le week-end ni en bas de chaque immeuble.

Nous allons aussi expérimenter un commissariat mixte Police Municipale et Police Nationale dans le quartier de l’Europe. J’essaie de me battre pour en obtenir un second dans le quartier des Châtillons. Face à tout ce qui arrive aujourd’hui il faut dire “stop”.