Philippe GuillotLes autres champs de la conduite

En juin dernier, Philippe Guillot était présent au circuit de Dijon Prenois, au volant d’un 44 tonnes, à l’occasion du centenaire de l’entreprise Berthier, qui commercialise des camions de la marque Renault.

Après des années passées comme chauffeur routier salarié, il a progressivement développé une activité de formateur. Il n’apprend pas aux autres à conduire des camions mais il leur fait découvrir les subtilités de nouveaux modèles ou intervient sur des thématiques de conduite économique. Une manière différente de vivre une passion qui ne s’est jamais démentie.

Scène d’apparence surréaliste au sortir d’un virage du circuit de Dijon-Prenois : nous nous faisons dépasser par… un bus, avant d’entamer une montée qui révèle avant tout l’immense force tranquille de notre véhicule. Je ne suis pas au volant d’un coupé sportif affoleur de compte-tours mais très confortablement assis dans la cabine d’un poid-lourd chargé à 44 tonnes. Aux commandes de cet « appartement » roulant, Philippe Guillot me détaille, avec une certaine gourmandise, le plaisir de conduire cet engin aussi puissant que sophistiqué, mais qui n’a évidemment rien d’une voiture de course. Si ce chauffeur était sur le circuit ce jour-là, ce n’était pas dû au fait qu’il avait perdu son chemin, mais simplement parce qu’il officiait comme conducteur-démonstrateur dans le cadre du centenaire du groupe dijonnais Berthier. L’entreprise, qui distribue des camions de la marque Renault, l’avait sollicité afin de faire découvrir, en conditions réelles, les qualités des tout derniers produits de la marque aux clients potentiels. Profitant de l’occasion pour découvrir un peu du quotidien d’un routier dans son outil de travail, j’ai, du même coup, fait la connaissance de Philippe Guillot et surtout découvert à cette occasion sa profession : formateur de conduite.

BONNES PRATIQUES

Attention toutefois : notre homme n’enseigne pas la conduite de camion en tant que telle. Ses élèves ont déjà leur permis et sont souvent des chauffeurs avec plusieurs années d’expérience derrière eux. Lui intervient, à la demande d’entreprises de transport routier, ou de sociétés de commercialisation de poids-lourds, sur des thématiques précises liées à l’exercice du métier de routier, ou pour initier des chauffeurs aux subtilités d’un nouveau modèle. Cette activité, Philippe Guillot l’assure de manière indépendante, à travers sa structure PGFormation, basée dans le village de Cheminot, en Moselle, entre Metz et Nancy. «J’interviens beaucoup, explique-t-il, sur de la conduite dite “rationnelle”, c’est-à-dire la manière de sensibiliser les professionnels de la route aux bonnes pratiques permettant, notamment, de faire des économies de carburant, en adoptant un comportement souple, en anticipant les choses, ce qui permet aussi d’améliorer la sécurité. Sur ces questions, on pense d’abord à la consommation mais, en ce qui me concerne, j’ai une approche plus globale qui consiste à partir de la prise en main du véhicule, de son utilisation ». Ces “mises en main”, il les accomplit également dans le cas de véhicules neufs en montrant aux utilisateurs les meilleurs possibilités d’utiliser des camions devenus de plus en plus «pointus » techniquement. Une fonction pour laquelle il est mandaté par les distributeurs. Être formateur indépendant, Philippe Guillot y songeait depuis plusieurs années mais franchir ce pas résulte aussi d’une longue histoire d’amour avec les camions. Comme beaucoup d’enfants, c’est vers l’âge de 10 ans qu’il a commencé à se passionner pour ces engins.

« Le début de ma vie professionnelle s’est passé à l’armée, rappelle-t-il. Mon père était militaire et j’ai suivi sa voie, pendant trois ans, au sein d’un régiment dans lequel j’étais mécanicien, dépanneur, déjà en lien avec les poids-lourds ». Après cette période militaire relativement brève, il retourne dans le civil et intègre une entreprise de transport, comme chauffeur. Il passe par plusieurs structures, en en retirant à chaque fois du positif, faisant du national et de l’international. Cette période, à la charnière des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, il l’évoque avec un brin de nostalgie, décrivant un monde professionnel plus humain, entre collègues ou avec les clients, qu’aujourd’hui. « À présent, note-t-il, nous avons aussi un contexte réglementaire beaucoup plus cadré qui n’est pas forcément une mauvaise chose car, à l’époque, on faisait parfois n’importe quoi… ». En 1991, il rencontre une personne dans le monde du transport qui lui fait comprendre que même en étant un bon chauffeur, il pouvait peut-être élargir son champ de compétences.

Au début des années 2000, tout en restant conducteur, il évolue vers des fonctions de relation-clients, de gestion de planning d’autres conducteurs, d’exploitation. « En 2000, j’ai basculé de la conduite vers l’exploitation, même si on ne lâche pas le volant comme ça ! Je suis toujours resté un peu chauffeur… ». C’est aussi dans ces années-là qu’il réalise que des besoins se font sentir dans les entreprises de transport, sur les questions de conduite rationnelle dont l’importance, en lien direct avec les prix du carburant, monte en puissance. « Il fallait former les gens et je me suis tout de suite senti attiré par ces fonctions». Philippe Guillot est foncièrement pédagogue et cela correspond aussi à sa vision du métier : « j’ai toujours pris grand soin de mon matériel, j’avais du plaisir à rouler tout en restant vigilant sur ma consommation ». Incontestablement, il était l’homme de la situation. Début 2003, il se paye une formation de formateur en entreprise avec l’organisme Apprendre et se former en transport et logistique (Aftral). « Ce fut une véritable ouverture pour moi, précise-t- il, ne serai-ce que devoir réaliser un mémoire, le présenter dans un amphi, c’était nouveau et cela m’a apporté beaucoup. Je me suis alors découvert des capacités pédagogiques que je ne soupçonnais pas ».

« UNE PÉRIODE TRÈS HEUREUSE »

Il repart ensuite dans la conduite, se retrouve à gérer une structure entière, avec les véhicules, les chauffeurs, les bâtiments… Une expérience forte sur un plan professionnel, mais qui le mène aussi à l’épuisement. Il prend alors du recul et retourne dans un poste, au sein d’une entreprise de Haute-Saône. Là, il est à la fois responsable technique sur les véhicules, formateur de conduite en charge de l’intégration des nouveaux chauffeurs, il conduit lui-même un peu. Poursuivant son parcours, il passe ensuite par les transports Lamy, dans le Jura, avant de repartir à Metz en 2007, au sein de la société Stef. Il y reste jusqu’en 2013 et ne fait que de la formation : « ce fut une période très heureuse de ma vie professionnelle, j’ai adoré travailler de cette façon. Ces années passées chez Stef m’ont fait grandir d’un point de vue humain, j’étais un peu le moteur d’une équipe où il n’y avait pas que des conducteurs. Dans ma fonction, j’essayais de montrer à toutes les composantes d’une entreprise de transport les difficultés de chacun. J’étais à la charnière de tout… ». Fin 2015, il répond à l’annonce d’une société lyonnaise, qui travaille beaucoup avec Renault Trucks et qui recherche un formateur dans le but de développer l’activité sur la conduite rationnelle. Là encore, pour lui, c’est une révélation : « je n’étais plus un simple utilisateur de camion, je devais en vanter les mérites. Pour moi la perspective changeait. Mais mon expérience fait que lorsque je vais chez un client transporteur, j’ai le même langage que lui, je cherche à comprendre ses préoccupations, et ça, c’est apprécié du constructeur ». Cette période a débouché sur un véritable partenariat qui a été pour beaucoup dans le choix de Philippe Guillot de créer sa propre société de formation, née en mars dernier.

Parcours

1967 Naissance, le 28 juillet à Viry-Châtillon (Essonne).
1985 Il intègre l'armée pour trois ans.
1988 Il devient chauffeur routier.
2000 Tout en conservant une activité de chauffeur, il évolue vers des fonctions de gestion d'exploitation.
2003 Il se forme pour devenir formateur en entreprises de transport.
2007 Chez Stef, à Metz, il assume à plein temps des fonctions de formateur.
2019 Il crée sa structure de formation indépendante en mars.