Les artisans du bâtiment, toujours fragiles

Roland Delzers

Roland Delzers, président de la Capeb régionale. Roland Delzers

Malgré une activité bien orientée, les artisans du bâtiment craignent pour leur avenir.

«Les entreprises et les artisans du bâtiment ont besoin d’être soutenus ».

C’est le message qu’a voulu faire passer le 20 janvier à Castelaudary Roland Delzers, président régional de la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb), syndicat patronal qui compte quelque 56 500 adhérents à l’échelle nationale et 7 000 au niveau régional. Le secteur du bâtiment compte 62 624 entreprises en région dont 58 437 sont des entreprises artisanales. De TPE pour l’essentiel puisque 97 % des PME emploient moins de 10 salariés et les trois quarts (74 %) n’ont pas de salarié du tout. Les entreprises artisanales du bâtiment, qui représentent de l’ordre de 90 000 actifs, ont généré en Occitanie en 2 018 près de 8 Mds€ de chiffre d’affaires.

ACCÈS AUX MARCHÉS

Malgré ce poids conséquent dans l’économie régionale, les artisans du bâtiment ont le sentiment de « ne pas être entendus ». Car si depuis trois ans, l’activité a repris dans le secteur, les entreprises restent « fragilisées » par les huit années de crise qui ont précédé.

Alors qu’au national, l’activité a progressé au troisième trimestre de 2 % en volume, selon le Cerc Occitanie, en région sur la même période, l’activité du BTP est restée bien orientée, les carnets de commandes offrant une bonne visibilité. Malgré des difficultés de recrutement qui persistent, les effectifs ont progressé et des embauches sont programmées, les chefs d’entreprise anticipant une hausse générale de l’activité.

Pas de quoi pour autant rassurer les représentants de la branche professionnelle qui pointent plusieurs sources d’inquiétude. Notamment les difficultés d’accès aux marchés publics pour les TPE, la concurrence que leur livrent les micro-entreprises de plus en plus nombreuses, la réforme intervenue dans le domaine de la formation et de l’apprentissage notamment. Des préoccupations dont la Capeb, par la voix de son président, s’était ouverte publiquement en juin dernier à l’occasion de l’assemblée générale du syndicat à Montpellier, réunion à laquelle avait participé la présidente de Région, Carole Delga.

RÉGLEMENTATION INADAPTÉE

Six mois plus tard, Roland Delzers tire à nouveau le signal d’alarme. « Nos entreprises ont de plus en plus de difficultés à accéder aux marchés de la rénovation énergétique des bâtiments, détaille-t-il, du fait de la réforme du label RGE (NDLR, Reconnu Garant de l’Environnement). Selon la réglementation, pour bénéficier d’aides publiques, la personne qui fait réaliser des travaux de rénovation énergétique doit en effet avoir recours à une entreprise qui possède cette mention. La réforme prévoit un renforcement des moyens de contrôle et une intensification de la lutte contre la fraude en la matière. « Nous avions un audit par an. Désormais ce seront six contrôles par an ! Or, les contraintes sont les mêmes qu’il s’agisse d’une grosse entreprise avec bureau d’étude ou d’une petite structure, et ça, ce n’est pas normal », s’insurge le président régional de la Capeb. De manière plus générale, poursuit Roland Delzers, « on va vers une réduction de l’accès à nos marchés. Parce que la réglementation administrative n’est pas adaptée aux entreprises de petite taille. Elles ne sont pas structurées pour remplir des dossiers administratifs de plus en plus complexes. Certains artisans renoncent ainsi à répondre aux marchés publics aujourd’hui complètement dématérialisés parce qu’ils ne maîtrisent pas totalement la technique… »

APPRENTISSAGE EN RECUL

L’autre source d’inquiétude pour Roland Delzers, c’est la réforme, entrée en vigueur en septembre, de l’apprentissage, celui-ci constituant une voie d’accès privilégiée aux métiers du bâtiment. Or, si le nombre global d’apprentis a augmenté selon le gouvernement, la Capeb fait un autre constat. « Le nombre d’apprentis de niveau V et IV, c’est-à-dire CAP, BEP et Bac professionnel, a baissé dans nos métiers. Ce qui nous inquiète beaucoup, affirme Roland Delzers, parce que si le gouvernement renonce à poursuivre ses efforts en matière de promotion de l’apprentissage et à encourager les jeunes à aller vers ces filières, nous aurons de plus en plus de mal à recruter. Aujourd’hui, les entreprises ont toutes des difficultés à trouver des personnes qualifiées, notamment dans les métiers du gros œuvre, maçonnerie et charpente. Et plus le territoire est rural, plus ces difficultés sont grandes. »

Dernier point de friction, pour le patron de la Capeb régionale, c’est le nombre grandissant de micro-entreprises. Bénéficiant d’une franchise de TVA, elles constituent pour le professionnel une concurrence déloyale. « Or, le phénomène a pris une ampleur énorme : aujourd’hui, au sein des chambres de métiers, 90 % des créations d’entreprise se font sous ce régime-là », s’inquiète Roland Delzers, qui espère être non plus seulement écouté mais entendu.