Les acteurs de la construction sonnent l’alarme

Émile Noyer, président de la FBTP de Haute-Garonne, Stéphane Aubay, président de la Fédération des promoteurs immobiliers d’Occitanie et Philippe Pacheu, vice-président de l’USH Occitanie Midi-Pyrénées réunis le 15 octobre à Toulouse.

Les professionnels alertent les élus et l’État sur la nécessité de relancer les délivrances de permis de construire.

En juin dernier, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) d’Occitanie, la fédération du bâtiment et des travaux publics (FBTP) de Haute-Garonne et l’Union sociale pour l’habitat (USH) Occitanie Midi-Pyrénées se fendaient d’un communiqué commun pour alerter les décideurs publics sur l’urgence de relancer la construction de logements. Trois mois plus tard, « les choses n’ont pas changées », reconnaît Stéphane Aubay, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers d’Occitanie. « Nous demandions à l’époque aux élus et à l’État de lancer de grands projets structurants et d’accélérer les procédures relatives à l’acte de construire en réactivant la délivrance de nouveaux permis de construire pour que 2021 et 2022 ne soient pas des années blanches. » Force est de constater que l’alerte lancée en juin n’a pas eu les effets escomptés.

Pourtant, la situation ne cesse de se dégrader dans la métropole toulousaine. En témoigne l’effondrement des mises en vente par les promoteurs prvés sur l’aire urbaine. « En 2017, l’ensemble de la promotion privée a mis en commercialisation 9 300 logements, en 2018, 7 500, en 2019, 6 600 et le prévisionnel pour 2020, c’est environ 4 500 logements », précise Stéphane Aubay. Soit un recul de près de moitié du nombre des mises en vente en l’espace de quatre ans.

Or poursuit ce dernier, « sachant qu’il y a près d’un an de décalage entre la mise en vente d’un programme immobilier et le démarrage des travaux et qu’un logement, c’est deux emplois directs ou indirects dans toute la filière du bâtiment, cela signifie que l’on va perdre, entre 2017 et 2021, près de 10 000 emplois sur l’aire urbaine toulousaine pour toute la filière du bâtiment. »

Selon le professionnel, pour 2021, « le mal est fait : on ne rattrapera pas le retard le retard pris au cours des dernières années sur la commercialisation de nouveaux projets immobiliers. Mais on peut limiter cet impact en accélérant la délivrance de nouveaux permis de construire. »

La situation est d’autant plus irritante que « nous avons toujours des clients, poursuit Stéphane Aubay. Le logement reste un besoin vital, au même titre que la santé. Du reste, nous constatons que les investisseurs institutionnels recommencent à s’intéresser au logement et reviennent sur ce marché en région, ce qu’on ne voyait plus depuis 20 ans. » En cause dans ce regain d’intérêt : la panne enregistrée par le marché de l’immobilier de bureaux, depuis le début de la crise sanitaire. « Le problème, c’est qu’on n’a plus rien à leur vendre », déplore Stéphane Aubay.

LE PLAN DE RELANCE MUET SUR LA CONSTRUCTION

La page des élections municipales enfin tournée, les professionnels n’ont pas constaté pour autant de réelle reprise dans la délivrance des permis de construire. « Or les élus, et les services des collectivités ont un rôle essentiel à jouer pour nous accompagner dans la relance économique du pays, assure le président régional de la FPI.

Pour sa part, Philippe Pacheu, vice-président de l’USH Occitanie Midi-Pyrénées, confirme l’importance des besoins de logements sociaux dans le département où l’on dénombre 45 000 demandes de logements de sociaux insatisfaites. « Il faut produire, et produire de l’offre de logements abordables, appuie-t-il. Encore faut-il que les organismes de HLM en aient les moyens ». Au niveau national, l’USH a formulé des propositions pour favoriser les mises en chantier, réclamant notamment « un retour au taux de TVA réduit pour la construction de logements sociaux. Il est important aussi de restaurer l’APL Accession, qui permet aux ménages modestes d’accéder plus facilement à la propriété. Il faudrait également suspendre ou supprimer la réduction de loyer de solidarité (RLS). Depuis 2018, les organismes HLM se voient en effet prélever 5 % des loyers encaissés. C’est 5 % de recettes en moins pour assurer nos investissements », détaille Philippe Pacheu. À l’échelle locale, selon le vice-président de l’USH Occitanie Midi-Pyrénées, cela nécessite de « libérer rapidement le foncier », de « faire accepter la densité » et plus largement d’« instruire et délivrer très rapidement les permis de construire. Il n’y a pas de temps à perdre. » Ce qui suppose, ajoute-t-il, « une volonté affirmée des élus locaux pour construire. C’est un moteur absolument indispensable. S’il n’y a pas de volonté politique, nous n’y réussirons pas. »

Du côté des entreprises du bâtiment et des travaux publics, les préoccupations sont tout aussi prégnantes. Si l’activité a repris depuis début mai, pour ces entreprises, qui représentent 35 000 emplois dans le département, « la crise sanitaire devrait se traduire sur l’année par une perte de 15 % de leur chiffre d’affaires », pointe Émile Noyer, président de la FBTP de Haute-Garonne.

S’il se réjouit des 7,5 Mds€ fléchés, dans le cadre du plan de relance, pour la rénovation énergétique des bâtiments, « il faut que cela se traduise dans des chantiers, or cela va mettre du temps. Et puis surtout, il n’y a rien pour le logement neuf dans ce plan de relance. Il semble cependant que les collectivités annoncent une accélération des investissements. On va s’accrocher à ça. » Et alors que de nombreux plans sociaux s’annoncent du fait de l’impact de la crise sanitaire sur des secteurs clé en région, le professionnel met en avant la capacité de la filière à « rapidement former, embaucher, réinsérer, notamment des profils venus de l’industrie. Nous sommes vraiment un bras de levier très fort. Mais pour pouvoir le faire, encore faut-il que nous ayons de l’activité », conclut-il.