Aurélie BressonL’entrepreneuse bien dans ses baskets

S’imposer en tant que jeune femme dans un univers encore très masculin n’a pas été mince affaire : « J’avais régulièrement des remarques sur le fait que j’étais une femme de moins de 30 ans ».

Ancienne miss Haute-Saône, la jeune femme mène un combat depuis plusieurs années pour promouvoir le sport féminin.

Déjà enfant, Aurélie Bresson ne tenait pas en place. « À l’âge de huit ans, mon quotidien était rythmé par les compétitions de gymnastique et les concerts des Enfants de l’Espoir, la chorale bisontine dans laquelle j’étais inscrite. Petite, j’étais déjà très active et curieuse. J’observais tout ce qui m’entourait », se remémore la jeune femme qui a grandi à Roye près de Lure en Haute-Saône. Son voyage, en juillet 1998 en Bosnie-Herzégovine, « tout juste après la guerre du Kosovo » constitue un évènement marquant de son enfance : « c’est un évènement puissant de ma vie. Nous étions partis de Besançon avec un bus à moitié rempli de fournitures récoltées. Le voyage était très long car ponctué d’arrêts en Suisse, en Italie… Nous sommes arrivés sur le camp de réfugiés de Sarajevo où on devait loger à deux heures du matin. Je me rappellerai toujours de l’accueil qui nous avait été réservé. On aurait dit que nous étions des rock stars. Du haut de mes dix ans, voir toute cette misère, la ville criblée de balles, les femmes qui allaient chercher de l’eau au puit, nous dormions sur des paillasses, nous étions réveillés à quatre heures du matin par des hélicoptères, m’a transformée. Je suis rentrée de ce voyage métamorphosée, ça a vraiment changé ma manière de voir les choses. »

C’est alors une jeune fille très discrète qui fait son entrée au collège : « j’étais tout le temps en jogging, j’avais un appareil dentaire. J’étais le garçon manqué de service. J’étais très réservée voire effacée. J’étais bonne élève mais pas la meilleure. Tout comme à la gym d’ailleurs, je n’ai jamais rêvé de devenir championne olympique. » Très impliquée dans les associations et clubs dans lesquels elle est inscrite, elle lance, à seulement 14 ans, le journal des choristes. « Je ne m’imaginais pas journaliste, je voulais être architecte pour bâtir », livre-t-elle. Pourtant, c’est une autre voie qu’elle finit par choisir : « après le bac, je suis entrée à l’IUT Info- Com pour étudier la communication. Parmi mes camarades, Marion Limal, Cécile Grundisch et les sœurs Morel, également joueuses de handball à Besançon. Très vite, ce qui m’a surpris c’est le nombre de sacrifices qu’elles faisaient pour leur sport alors qu’elles n’en vivaient pas. Elles étaient tout de même en D1 Féminine à Besançon ! Je trouvais ça injuste ». Elle poursuit son cursus à l’IUT puis arrête la gym, conseillée par son père qui juge son apparence trop masculine. À son insu, ce dernier l’inscrit d’ailleurs à un concours de beauté pour désigner Miss Besançon. « Je rentrais de l’IUT, mon père m’a tendu L’Est Républicain dans lequel figuraient les photos des 57 candidates à Reine de Besançon. Et la 53e, c’était moi. Et là, il me dit tout sourire : « Maintenant tu as dix jours pour trouver une robe ». Je n’en revenais pas. Sur le coup j’étais presque en colère, mettre une robe, c’était hors de question. J’étais à mille lieues de tout ça moi : j’étais hyper complexée, on n’aurait vraiment pas misé sur moi », sourit-elle. Soudainement parachutée au rang de canon de beauté local, la jeune fille se laisse finalement prendre au jeu. Elle se présente à l’élection vêtue d’une robe marron très sobre et d’une paire de talons, prêtés par la mère d’une amie. « Toutes les autres filles avaient des froufrous, des hauts chignons,j’y étais allée simplement. Mon seul atout c’était de ne pas avoir peur du public. Il faut dire que j’avais l’habitude entre les compét’ et les spectacles de la chorale ! » Son naturel fait la différence puisqu’elle est élue deuxième dauphine. « À partir de ce moment-là, ça a été la déferlante. On me proposait de participer à des tas d’évènements, du carnaval de Besançon au Salon du chocolat, du mariage, c’était fou. J’ai très vite rencontré Anne-Laure Vouillot (l’actuelle déléguée régionale du comité Miss France, Ndlr) qui m’a suggéré de me présenter aux élections de miss. Selon elle, j’avais mes chances pour Miss Haute-Saône. Je me suis donc lancée et le 14 juin 2008, jour de mes 20 ans, j’ai été élue. Quel cadeau d’anniversaire ! C’était assez inattendu car j’avais les cheveux courts, je détonnais dans l’univers des Miss. » Pendant un an, la belle enchaîne alors défilés, représentations lors d’évènements divers et sillonne les routes de ses terres d’origine. « C’était une belle expérience. Cette année-là, je suivais une licence à Nancy, mes parents venaient de s’installer à Metz donc je faisais de nombreux allers-et-retours pour assister aux manifestations locales. Il n’y avait pas un week-end sans un évènement, c’est ce qui m’a poussé à arrêter la chorale, sans quoi j’aurais eu du mal à tout concilier. J’adorais rencontrer des personnes différentes, c’est d’ailleurs ce que j’ai le plus aimé durant mon année de règne en tant que MissHaute-Saône.» Elle décide cependant de s’arrêter au département. « Je voulais m’arrêter là. Être élue miss a été une aventure formidable qui m’a permis de me révéler en tant que femme, de m’affirmer mais j’avais avant tout participé pour m’amuser et passer à des étapes supérieures me faisait un peu peur. J’ai cependant continué à faire un peu de mannequinat, dans lequel je me suis plus épanouie », lâche-t-elle. La même année, elle suit un stage au service communication du club de Metz Handball. Alors qu’elle épluche la presse pour réaliser une revue de presse, elle constate que malgré l’arrivée d’Allison Pineau au Metz Handball, il n’y a aucune trace de cette actualité dans les médias. « Ça a fait tilt ! Je me suis dit qu’il fallait lancer un média exclusivement dédié au sport féminin. Ça n’existait pas !»

Elle laisse l’idée de côté quelques temps, continue ses études et un après, son physique avantageux et son amour pour le sport la conduisent à travailler sur le Tour de France. «J’ai fait ça pendant six ans, c’était un super job étudiant. Au début, je conduisais la caravane publicitaire sur les routes de France, c’était très épuisant mais très chouette aussi, ça me rappelait les tournées que l’on pouvait faire lorsque j’étais à la chorale. En 2010, on m’a proposé d’être hôtesse protocolaire pour l’enseigne Carrefour pour, entre autres, remettre le maillot à pois. Mes copines du Tour m’ont immédiatement encouragée. Ce rôle reliait un peu tout ce que j’aimais faire, le sport, le contact humain, la communication… » En parallèle, Aurélie Bresson poursuit ses études et entame, en 2011 sa dernière année de master en communication à Paris. « Je suivais les cours à l’Institut supérieur de communication et publicité (Iscom) et j’étais en alternance à la direction de la communication de la SNCF. Très vite après l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé dans des agences de presse avant de me retrouver au chômage et de songer sérieusement à créer mon entreprise pour lancer le magazine. J’ai eu l’idée du nom (Les Sportives) en prenant ma douche ! Au début c’était vraiment de la débrouille, presque artisanal puisque je faisais la mise sous pli moi-même sur un coin de la table de mon salon ! », dévoile-t-elle. Malgré cela, la jeune femme se heurte aux préjugés sexistes encore bien ancrés : « le plus compliqué a été de rassembler des financements, surtout à Paris. J’avais régulièrement des remarques sur le fait que j’étais une femme de moins de 30 ans, on ne me prenait pas tellement au sérieux. J’ai alors décidé de me tourner vers la Franche-Comté où les banques et les mécènes étaient au rendez-vous. Leur soutien a été décisif. D’ailleurs, le siège social des Sportives est basé en Haute-Saône », note-t-elle fièrement. Sa rencontre avec la sociologue du sport et militante pour la promotion du sport féminin, Béatrice Barbusse, est également déterminante : « Elle m’avait expliqué que personne n’avait encore lancé de tel média mais que ça pouvait marcher. Sa devise, Ne pas faire sienne les limitations des autres” est d’ailleurs devenue mon mantra ! C’est notamment grâce à elle que je ne me suis pas découragée malgré les nombreux freins. »

Le magazine, tiré à 20.000 exemplaires et distribué dans de nombreux points de vente notamment en Belgique et en Suisse, sort donc officiellement le 8 avril 2016. « Lors du lancement, le secrétaire d’État en charge des sports, Thierry Braillard, Béatrice Barbusse, Nathalie Iannetta (conseillère du président Hollande pour les dossiers liés au sport lors de son mandat) avaient répondu présent. Je ne m’attendais pas à un tel engouement. »

Multipliant les cordes à son arc, la jeunefemmearécemmentétérecrutée au sein de l’agence de communication Thalamus. « C’est à cette agence que j’avais choisi de confier le développement digital du magazine en janvier 2019. Travailler pour cette agence me permet de retrouver mes premières amours, les relations presse. Il était important pour moi que je conserve un emploi en parallèle des Sportives, cela permet de garder un peu de distance ». Aujourd’hui, Les Sportives génèrent huit emplois en plus d’une dizaine de contributeurs. « C’était un beau pari même si nous n’avons pas été épargnés par la crise sanitaire qui nous a poussés à abandonner la vente en kiosques. On peut désormais se procurer le magazine en ligne ou en abonnement. »

PRÉSIDENTE DE LA FONDATION ALICE MILLIAT

En octobre 2020, la Franc-comtoise a été désignée présidente de la Fondation Alice Milliat, première fondation créée et consacrée au sport féminin en Europe et abritée par la Fondation du sport français. « La Fondation a été créée en 2016, presque en même temps que le magazine. C’est un réel honneur d’avoir la chance de la présider pour deux ans », note la jeune femme qui intervient notamment auprès d’étudiants en management des organisations du sport. Un moyen selon elle, « d’accompagner le changement de mentalités auprès de futurs managers dans les domaines du sport, qui sont encore majoritairement des hommes ».

Parcours

1988 Naissance, le 14 juin à Besançon.
2007 Elle est élue deuxième dauphine de Miss Besançon.
2008 Le jour de ses 20 ans, elle est couronnée Miss Haute-Saône.
2009 Elle débute ses missions en tant qu’hôtesse sur le Tour de France.
2016 Sortie du magazine Les Sportives, le 8 avril.
2020 Elle est désignée présidente de la Fondation Alice Milliat.