L’EIRL simplifiée

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Le projet de loi Pacte prévoit plusieurs mesures pour simplifier l’entreprise individuelle à responsabilité limitée.

Les entrepreneurs individuels n’ont pas de patrimoine professionnel distinct de leur patrimoine personnel. En cas de difficulté financière, les créanciers de l’entreprise peuvent saisir les biens du patrimoine personnel tout comme les créanciers personnels peuvent saisir les biens utilisés pour l’activité professionnelle. Depuis 2003, les entrepreneurs ont la possibilité de déclarer insaisissables les biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle, qui sont ainsi protégés des créanciers de l’entreprise.

La loi 2015-990 du 6 août 2015 a renforcé la protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel en rendant la résidence principale insaisissable de plein droit par les créanciers professionnels. Les autres biens du patrimoine continuent de pouvoir faire l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité. L’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) constitue une autre solution qui peut apparaître plus simple. Ce dispositif permet à un entrepreneur individuel de déclarer un patrimoine affecté à son activité professionnelle. Ce patrimoine affecté constitue le seul gage des créanciers de l’entreprise. À l’inverse, les créanciers personnels ne peuvent saisir les biens du patrimoine professionnel. Contrairement à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limité (EURL), l’EIRL n’a pas de personnalité morale comme toute entreprise individuelle. Le patrimoine affecté est composé des biens nécessaires à l’activité professionnelle mais peut aussi comprendre des biens utilisés pour son exercice et que l’entrepreneur décide d’y affecter.

L’EIRL n’a guère connu de succès, malgré les avantages qu’elle présente, notamment la possibilité de choisir entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés et permettre une meilleure optimisation fiscale. À l’impôt sur le revenu, l’EIRL comme toute entreprise individuelle peut bénéficier du régime fiscal et social de la micro-entreprise (auto-entrepreneur), lequel permet désormais d’opter pour l’assujettissement à la TVA. Le projet de loi Pacte prévoit de renforcer l’attractivité de l’EIRL en rendant le dispositif plus simple et plus souple. Ce projet de loi a été adopté le 10 avril et les mesures concernant l’EIRL ont d’ores et déjà été adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat.

ALLÈGEMENT DES FORMALITÉS

La création d’une EIRL exige jusqu’à présent de respecter des formalités relativement exigeantes et coûteuses. L’entrepreneur doit déposer au Registre du commerce ou au répertoire des métiers une déclaration d’affectation comportant un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l’activité professionnelle, et indiquant leur évaluation en en qualité, quantité et valeur. Pour les entrepreneurs déjà en activité, cet état descriptif peut être constitué par le bilan du dernier exercice clos depuis moins de quatre mois. Les actifs dont la valeur unitaire est supérieure à 30 000 € doivent être évalués par un expert et l’affectation d’un bien immobilier doit passer par un acte notarié et être publiée au fichier immobilier. Le projet de loi Pacte prévoit de supprimer l’obligation de faire évaluer par un expert les actifs d’une valeur supérieure à 30 000 €. L’EIRL pourrait être constituée même en l’absence de tout bien affecté ce qui dispenserait d’établir un état descriptif. Ainsi un entrepreneur pourrait commencer son activité avec un patrimoine affecté nul.

Par la suite, comme actuellement, le patrimoine affecté peut évoluer et être actualisé par le dépôt des documents comptables de l’entreprise. Le projet de loi précise aussi que l’inscription en comptabilité d’un bien issu du patrimoine non affecté (ou d’un droit, d’une obligation ou d’une sûreté) emporterait affectation au patrimoine professionnel. L’affectation d’un bien par inscription dans la comptabilité serait opposable aux tiers à compter du dépôt des documents comptables au registre du commerce ou au répertoire des métiers.

Pour les entrepreneurs relevant du régime de la micro-entreprise et qui peuvent se limiter à la comptabilité simplifiée, l’actualisation du patrimoine affecté s’effectue par dépôt d’un document comptable simplifié. Les biens acquis en emploi ou remploi de biens affectés ainsi que les créances et indemnités qui remplacent des biens affectés seraient affectés de plein droit au patrimoine professionnel. Le patrimoine affecté pourrait également évoluer par « désaffectation », c’est-à-dire par retrait d’un bien affecté vers le patrimoine personnel, ce qui n’est actuellement pas possible. S’il s’agit d’un bien immobilier, le retrait devra respecter les formalités requises (acte notarié et publication au fichier immobilier, dépôt d’une attestation au Registre du commerce ou au Répertoire des métiers).

S’il s’agit d’un bien de la communauté matrimoniale ou d’un bien indivis, le retrait devra faire l’objet de l’accord exprès du conjoint ou des coindivisaires après information sur les droits des créanciers sur le patrimoine. Un document attestant l’accomplissement de ces formalités devra être déposé au registre du commerce ou au répertoire des métiers.

SANCTIONS ALLÉGÉES

L’obligation de déclaration de l’affectation est actuellement sanctionnée par son irrecevabilité. Cette sanction serait supprimée. Les sanctions applicables en cas de procédure collective seraient également allégées afin de faciliter le rebond de l’entrepreneur. En cas de procédure collective, un manquement grave aux règles d’affectation (tel un défaut de déclaration des biens affectés) peut conduire à réunir des éléments du patrimoine personnel au patrimoine professionnel visé par la procédure collective. Le projet de loi Pacte prévoit de supprimer cette possibilité de réunion des patrimoines. Enfin, l’entrepreneur peut actuellement faire l’objet d’une faillite personnelle lorsqu’il dispose des biens du patrimoine affecté comme s’ils étaient compris dans son patrimoine personnel. Cette sanction serait également supprimée.

INCITATION AU CHOIX DE L’EIRL

Le projet de loi prévoit d’inciter les créateurs d’entreprise à réfléchir sur l’intérêt de l’EIRL par rapport à l’entreprise individuelle. Lors de la déclaration de création, ils devront expressément choisir entre l’une et l’autre option, une information devant leur être communiquée sur ce choix.