L’économie régionale garde le sourire (malgré tout)

Stéphane Latouche, le nouveau directeur de la Banque de France d’Occitanie. Photo: S.C.

Dans un contexte de ralentissement graduel de l’économie en France et en Europe, la région Occitanie a néanmoins bien résisté en 2018. Industrie, BTP, services marchands ont ainsi connu une belle croissance, et les entreprises envisagent cette année d’accroître leurs investissements productifs.

« Même s’il est encore trop tôt, pour moi qui viens d’arriver, pour me prononcer sur le tissu économique en Occitanie, je dois dire que j’ai été très agréablement surpris par les chiffres » de l’année 2018, reconnaît le nouveau directeur régional de la Banque de France, Stéphane Latouche. Alors si bien sûr, l’Occitanie n’a guère à voir avec son ancienne affectation – les Hauts-de-France – « ce qui me surprend ici, et c’était la même chose “là-haut”, c’est le poids des métropoles. Il y a à Toulouse un extrême dynamisme que confirment les chiffres », contrairement à des villes comme « Cahors, Montauban, Auch ou Tarbes » pour lesquelles il ne dira rien, de peur de paraître « stigmatisant ou désagréable », « mais c’est notre rôle que nos métropoles irriguent mieux » l’économie des autres territoires.


Et pour savoir où porter le fer, la Banque de France a, depuis longtemps, l’habitude d’interroger un panel d’entreprises régionales, afin d’analyser l’évolution de leur chiffre d’affaires, tout comme leurs investissements, leurs embauches de l’année passée, ainsi que leurs prévisions pour celle à venir. Un exercice traditionnel auquel s’est donc prêté pour la première fois Stéphane Latouche le 13 février dernier, à partir des réponses adressées par 2 400 entre- prises d’Occitanie. Lesquelles représentent, tous secteurs confondus, un tiers du PIB de la région (soit 48 Mds€ de chiffre d’affaires) et 200 500 salariés. Premier enseignement : dans un contexte « de ralentissement global en France, en Europe et dans le monde, l’économie occitane résiste assez bien », se félicite le directeur régional de la Banque de France. Ainsi, l’industrie a vu son chiffre d’affaires progresser de 2,6 % et « ce qui est une bonne surprise, il devrait se maintenir à 2,3 % » ; même si l’on est loin des résultats atteints en 2017, « qui était une année exceptionnelle ». Au contraire, « mais ce n’est pas un scoop », le secteur du textile et de l’habillement « reste en souffrance », avec un recul du chiffre d’affaires de 20 % pour les vêtements, détaille Pascal Robert, chargé de mission pour l’économie à la Banque de France d’Occitanie. « Ce qui entraîne le reste de la filière, alors qu’au contraire, l’industrie du cuir et du textile technique tirent la croissance de cette branche vers le haut ».

« Mais la très bonne surprise vient de la bonne tenue des services marchands, avec une hausse de 4,4 % de leur chiffre d’affaires, avec même une prévision d’accélération de la croissance en 2019 ». En particulier, souligne Stéphane Latouche, « le secteur des transports et des services aux entreprises se porte très, très bien et qui est passé relativement bien au travers des mouvements sociaux actuels ». Dans le BTP, l’année 2018 aussi « a été belle » avec une augmentation de l’activité moyenne de 3,9% – dont 6% pour les seuls travaux publics – « même si les chefs d’entreprise commencent à “consommer du carnet” de commandes, ce qui aura des conséquences cette année » avec un ralentissement de la croissance attendu à 2,2 %.

Concernant les emplois, ils ont progressé de 4,8 % dans les services, de 4,1% dans le BTP et de 2% dans l’industrie. Dans ce dernier secteur, observe Stéphane Latouche, « l’emploi se maintient très bien, grâce à un effet des industries de transport. C’est l’autre bonne surprise de ces chiffres » pour ce haut fonctionnaire qui ne peut s’empêcher de les comparer, « déformation professionnelle » oblige, avec les Hauts-de-France dont il était auparavant responsable, « une région fortement industrielle qui détruit des emplois encore cette année » du fait qu’elle est animée par une industrie automobile dont les cycles de production sont plus courts que ceux de l’aéronautique en Occitanie. Tandis qu’au contraire, « cette croissance de l’emploi industriel se poursuivrait en 2019, dans des proportions certes moindres ». Les services marchands ne sont pas en reste, puisque là aussi les recrutements ont crû de 5,5 %. Au final, « c’est une entreprise sur deux de notre panel qui a augmenté ses effectifs. C’est remarquable ! Surtout quand on connaît les difficultés du marché de l’emploi… », souligne Stéphane Latouche.

Enfin, toujours au registre des bonnes nouvelles, l’investissement dans le BTP et les services a fortement augmenté en 2018, tandis que dans le secteur industriel, il s’est stabilisé – sachant que dans la région Occitanie, « 75 % de l’investissement total est le fait des entreprises industrielles » ; mieux, ces dernières « nous annoncent une croissance à deux chiffres de leur investissement cette année ». En effet, ajoutent en chœur Stéphane Latouche et Pascal Robert, « il y a une vraie volonté, de la part des industriels de la région, d’investir cette année dans des équipements de production et dans la capacité, la modernisation » de leurs locaux. à la différence toutefois du secteur agroalimentaire qui, après un premier recul de ses investissements en 2018, devrait le confirmer en 2019 ; « un signe inquiétant pour la compétitivité de cette filière », estime Pascal Robert, qui rappelle qu’il s’agit « du premier employeur dans la région. à l’inverse, les investissements devraient se faire plus fort dans les transports et l’industrie aéronautique « après deux années de pause pendant lesquelles les entreprises avaient adapté leurs outils à l’évolution des cadences de production demandées par Airbus ; et dans la perspective du passage à une nouvelle croissance de la cadence à partir de 2020, les entreprises préparent leur nouvel outil industriel pour pouvoir s’adapter », explique Pascal Robert.

Mais toutes ces bonnes nouvelles pourraient être ternies par une seule : « la dégradation de la rentabilité des entreprises », observe le chargé de mission, même s’il « ne s’agit là pas d’une donnée, mais d’une opinion », tient aussitôt à souligner Stéphane Latouche. Ainsi, « on voit bien qu’il y a urgence à restaurer les marges des entreprises après des hausses importantes de prix des matières premières qui n’ont pas été forcément répercutées, et on va avoir des annonces d’augmentation des prix de vente dans tous les secteurs », prévient-il. Pour preuve, « une entreprise sur deux du panel prévoit une amélioration de sa rentabilité en 2019, principalement du fait de cette revalorisation du prix ».

Qui est le nouveau directeur de la Banque de France occitane ?

Stéphane Latouche remplace depuis le 1er février Maxime Maury, parti à la retraite.

Âgé de 54 ans, Stéphane Latouche se définit comme « un pur produit Banque de France ». Originaire de Bordeaux, il a commencé sa carrière au sein de la banque centrale en 1990 après un master en droit public et en économie à Sciences Po Bordeaux. « J’ai démarré à l’imprimerie de la Banque de France à Clermont-Ferrand, où j’ai passé six ans, puis j’ai dirigé un centre informatique à Lyon », explique le successeur de Maxime Maury. À partir de 1998, Stéphane Latouche devient conseiller financier pour le ministère de l’Économie et des Finances, détaché à l’étranger : pendant quatre ans, il sera ainsi basé au Caire et travaillera à « l’analyse du risque pays pour le Proche et le Moyen-Orient ». En 2002, envoyé à Mexico, il accomplira la même tâche pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. « Une parenthèse pendant laquelle je n’ai fait que de la macro-économie », se rappelle-t-il, avant de revenir « dans le réseau de la Banque de France comme directeur à Bourges, pour le Cher » puis à Arras dans le Pas-de-Calais, à chaque fois pendant environ trois ans. En 2012, Stéphane Latouche fait un court passage d’un an à Bordeaux, comme adjoint au directeur régional de l’Aquitaine, avant d’obtenir en 2014 la direction régionale de la Banque de France à Lille, qu’il a quittée il y a peu pour rejoindre celle d’Occitanie.