L’économie haut-garonnaise, à l’heure de la reprise

Selon Stéphane Latouche, directeur régional de la Banque de France et Philippe Robardey, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, les indicateurs économiques dans le département s’améliorent doucement… mais sûrement.

La chambre de commerce et d’industrie de Toulouse Haute-Garonne a publié le 9 mars les résultats de son enquête de conjoncture annuelle réalisée avec le soutien de la Direction régionale de la Banque de France. 1 816 entreprises du département ont été interrogées, totalisant près de 87 000 salariés, soit 22 % des effectifs salariés des entreprises relevant du Registre du commerce et des sociétés (RCS). L’enquête couvre quatre secteurs d’activité : l’industrie, le commerce, les services ainsi que le BTP et l’immobilier.

Ces résultats sont dans la lignée de ceux présentés à l’échelle de l’Occitanie par Stéphane Latouche, directeur régional de la Banque de France, le 11 février dernier (lire la Gazette du Midi du 22 février 2021 n° 8770), qui, après avoir fait état de reculs très marqués des niveaux d’activité l’an dernier : de l’ordre de -16 % dans l’industrie, -11 % dans les services et -7 % dans le BTP, pointait depuis un net rebond de l’activité dans de nombreux secteurs, à l’exclusion de l’aéronautique – où l’activité plafonne encore à 30 % ou 35 % des niveaux d’avant crise – et des secteurs affectés par des mesures de fermeture administrative.

REBOND EN ORDRE DISPERSÉ

En Haute-Garonne, Philippe Robardey, président de la CCI de Toulouse, fait un constat très semblable. « L’année 2020 marque un coup d’arrêt à une croissance continue de l’économie de notre département », déplore-t-il. Les chiffres d’affaires enregistrés l’an dernier sont en effet en très net repli, de l’ordre de 15,7 % dans le département, deux tiers des entreprises annonçant des baisses d’activité. Un mauvais score qui s’explique par « l’exposition de l’industrie haut-garonnaise à l’aéronautique », détaille Philippe Robardey, un secteur durement frappé par les difficultés que connaît le transport aérien. Nonobstant, la baisse des effectifs en Haute-Garonne est restée « limitée » l’an dernier. Elle s’établit à -2,6 % sur l’année. Ce grâce aux amortisseurs mis en place par le gouvernement, l’intérim jouant très souvent le rôle de « variable d’ajustement » au sein des entreprises.

Quid de 2021 ? « Les réductions d’effectifs salariés se poursuivront encore cette année, annonce Philippe Robardey, parce que les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) initiés en 2020 et début 2021 vont se dérouler sur une période assez longue, de plus de six mois. » Les effectifs salariés devraient ainsi chuter de 0,5 % cette année. Plus globalement, le tissu économique devrait retrouver le chemin de la croissance 2021. « On considère cependant que près de 15 % des entreprises haut-garonnaises ont d’importantes difficultés, note également Philippe Robardey. 53 % des chefs d’entreprise tablent ainsi sur un rebond d’activité en 2021, qui pourrait atteindre +5,1 %. Un rebond relativement homogène sur l’ensemble des secteurs. « Ce qui signifie qu’il va nous manquer 11 points de croissance pour retrouver le niveau d’activité de 2019 », constate le président de la CCIT. Les TPE et PME (jusqu’à 49 salariés), ont été dans l’ensemble moins affectées que les grandes entreprises par la crise de la Covid-19 – elles ont ainsi connu des reculs d’activité de 8,7 à 11,7 % l’an dernier. En 2021, elles tablent, elles aussi, sur des hausses de chiffre d’affaires de 1,9 à 6,2 %, ainsi que de leurs effectifs, qui pourraient s’accroître de +0,5 à +1,4 %. Si elles paraissent ainsi moins pénalisées, 20 % des TPE-PME témoignent toutefois de difficultés de trésorerie.

NOUVELLES BAISSES D’EFFECTIF

Après un recul d’activité de 19,4 % l’an dernier, le secteur des activités BtoB qui agglomère l’industrie, les services aux entreprises et le commerce de gros, s’attend à un net rebond d’activité, de l’ordre de 5,4 % au global, une embellie qui pourtant ne devrait pas se traduire par des hausses d’effectif. Le secteur est plombé par le poids de l’aéronautique dans l’industrie haut-garonnaise. Laquelle a connu l’an dernier un recul historique d’activité de plus de 25 % et des pertes d’emplois de près de 8 %. Les industriels du département prévoient une hausse des chiffres d’affaires à hauteur de 6,2 %, mais de nouvelles destructions d’emplois. Les effectifs dans ce secteur d’activité devraient ainsi fondre cette année de 3,9 %. Les services aux entreprises et le commerce de gros, mieux orientés, tablent sur des croissances respectivement de 5 et 3 % corrélées par des hausses d’effectifs de plus de 1 %.

L’AÉRONAUTIQUE MISE SUR LE PLAN DE RELANCE

Alors que l’IATA (Association internationale du transport aérien) ne prévoit de retour à la situation d’avant crise qu’à l’horizon 2024 voire 2025, les industriels du secteur aéronautique préparent l’avenir. « Les hypothèses actuelles tablent sur le maintien de la production à court terme qui pourrait légèrement augmenter fin 2021, précise la CCIT dans son enquête de conjoncture annuelle. Sans reprise nette avant 2022, les cadences restent suspendues au trafic aérien domestique de quelques zones géographiques au niveau mondial. […] À moyen terme, l’enjeu est de maintenir le niveau d’activité de 2020 des constructeurs et de préparer la remontée progressive des cadences de la supply chain ». Le plan de relance, qui mise « sur des avions propres en rupture technologique », préfigure, lui, l’avenir de la filière à plus long terme, en permettant « la décarbonation de la flotte mondiale en accord avec les enjeux de transition écologique et les exigences des compagnies aériennes ». Dans ce contexte, la confiance des dirigeants de ces entreprises qui tirent habituellement l’économie départementale, s’est effondrée, enregistrant un recul de 40 points sur un an. « Les acteurs de la filière sous perfusion restent extrêmement prudents », ajoute la CCIT dans son enquête.

COMMERCES ET SERVICES MIEUX ORIENTÉS

En recul de 2,4 %, le secteur des activités BtoC, qui regroupe le commerce de détail et les services aux particuliers, devrait connaître une hausse d’activité cette année (+1,7 %) et des effectifs (+0,8 %). Les scénarios de croissance sont cependant très divers selon les branches. Le commerce de détail alimentaire, l’équipement du foyer et les grandes surfaces devraient boucler l’année à un niveau supérieur à 2019 tandis que le commerce-réparation automobile et l’équipement de la personne devraient évoluer un cran en dessous. Les dirigeants des entreprises des services aux particuliers s’attendent eux à un net regain d’activité, de l’ordre de 8 % cette année, malheureusement non corrélée par une hausse des effectifs, lesquels devraient fondre de 0,5 %. Après un recul d’activité de 43,2 % enregistré en 2020, le secteur des cafés, hôtels, restaurants (CHR), qui mise sur une levée des contraintes administratives, espère un retour à meilleure fortune cette année. Les chefs d’entreprise du secteur anticipent une hausse de près de 15 % de leur activité. Dans ce secteur qui a perdu plus de 10 % de ses effectifs, les créations d’emploi ne sont cependant pas au rendez-vous en 2021. Au contraire, dans ces entreprises à la situation financière très fragile, les effectifs pourraient reculer encore cette année, de 2,4 %. À noter que le solde d’opinions des dirigeants sur l’avenir du secteur des CHR est clairement négatif, à -15 points.

Dans le dernier secteur sous revue, le BTP et l’immobilier, la crise a effacé « six années de croissance continue », note Philippe Robardey. Dans les trois branches qui composent le secteur (bâtiment, travaux publics et immobilier) les reculs d’activité atteignent 8 à 10 % l’an dernier, corrélés par des baisses d’effectif de 2 % en moyenne. Compte tenu des incertitudes sur le niveau de reprise, les chefs d’entreprise du secteur tablent sur une reprise prudente de l’activité en 2021. Ils s’attendent à une hausse des chiffres d’affaires de 4,7 % (+5,1 % dans le bâtiment contre +4 % dans les TP) alors que les effectifs devraient continuer de décroître. Ils pourraient en effet reculer de 1,2 % sur l’année.

Plus généralement, les entreprises du secteur voient se profiler un trou d’air au premier semestre en Haute-Garonne et une reprise au second trimestre. Deux tiers des dirigeants du bâtiment, des TP et de l’immobilier se disent ainsi malgré tout optimistes.

« Notre économie a subi les effets de la pandémie mondiale qui ont été amplifiés par ceux de la crise aéronautique. L’enjeu de la reprise, c’est quand, combien et avec quel effet sur l’emploi, assure Philippe Robardey. Les chefs d’entreprise nous ont livré leurs hypothèses qui nous paraissent raisonnables, compte tenu de la connaissance que nous avons des perspectives à ce jour. Ce qui est clair c’est que les entreprises doivent passer le cap, conscientes, pour la plupart, de ne pas retrouver les niveaux d’activité de 2019. Il manque en macro 11 points de croissance pour retrouver la situation d’avant crise, c’est donc assez important pour notre territoire. »