L’économie circulaire comme nouveau modèle

Des acteurs de l’économie circulaire aussi variés que l’ADEME, la Région Grand Est, l’INEC ou encore GRDF étaient présents. (Photo : N.D.)

Les acteurs de l’économie circulaire se sont retrouvés lors d’une table ronde à la CCI afin d’en évoquer les enjeux, à l’échelle nationale mais surtout territoriale. Si la nécessité de repenser notre modèle est impérieuse, sa mise en œuvre rencontre encore de nombreux freins.

«L’économie circulaire, tout le monde en fait sans le savoir », énonce Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’institut national de l’économie circulaire (INEC). Si l’affirmation peut être rassurante pour anticiper les enjeux de demain, les tables rondes organisées par la CCI sur le sujet ont néanmoins permis de soulever le fait que l’application à l’échelle territoriale et nationale n’était pas évidente. Pourtant, les volontés et les initiatives sont là.
La question de l’économie circulaire, dont le but est de préserver et de mieux utiliser nos ressources, amène rapidement à considérer celles des déchets et du recyclage, dont les collectivités et les citoyens ont aujourd’hui pris la pleine mesure. « L’économie circulaire n’est pas que basée sur le recyclage, le but c’est qu’il y ait moins, voire plus du tout de déchets, et pour cela il faut insister sur les bonnes pratiques », souligne Emmanuelle Ledoux.

C’est ainsi que consciente des enjeux environnementaux, économiques, mais aussi sociétaux liés à la prévention et à la gestion des déchets, la Région Grand Est a adopté, lors de la Séance plénière du 18 octobre 2019, son Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD). « Le plan de gestion des déchets a demandé trois années de travail », indique Sabine François, directrice de la transition énergétique écologique et environnement de la Région Grand Est. « L’idée a été de travailler sur la valorisation énergétique en intervenant sur les déchets ménagers, mais également ceux des entreprises comme le BTP avec comme objectif de réduire de 30 % les déchets enfouis d’ici 2030. L’extension des consignes de tri ainsi que la tarification incitative font partie des leviers pour accélérer cette valorisation. »

17 OBJECTIFS POUR L’AGENDA 2030

Si l’échelle territoriale semble être la première strate pour penser l’économie circulaire, celle-ci s’inscrit « dans un contexte planétaire », n’a pas hésité à souligner Pauline Reuter, cheffe du service connaissance et développement durable de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement). L’agenda 2030, (programme de développement durable adopté par les 193 états membres de l’ONU) a établi 17 objectifs de développement durable touchant des domaines aussi variés que l’économie, l’écologie, la pauvreté ou encore l’éducation. « L’économie circulaire s’inscrit dans la transversalité, elle ne se traite pas que d’un seul point de vue. Nous devons passer du tout jetable au tout réutilisable », insiste Pauline Reuter. Réutiliser des matières de produits, c’est ce à quoi s’emploie l’entreprise Cristal Union dans sa bioraffinerie, qui, sur une surface de 250 hectares, traite 1 million de tonnes de blé et 3 millions de tonnes de betteraves par an. « Nous avons plusieurs niveaux de circularité », expose Jean-Marie Chauvet, directeur général de la Fondation Jacques de Bohan, dont Cristal Union est une des entreprises fondatrices. « À l’intérieur du site, tout d’abord. Une betterave est composée de 20% de sucre et de 80% d’eau, et comme nous avons besoin de cette eau quand nous traitons le blé, au lieu d’aller la forer ailleurs, nous utilisons celle de nos betteraves. À l’extérieur en suite, en valorisant les déchets organiques du territoire et de l’exploitation grâce à un méthaniseur. » Autre exemple d’économie circulaire à l’échelle d’un territoire, celle initiée par le réseau EIT Grand Est (Écologie industrielle et territoriale), réseau d’échange d’information des synergies territoriales.

LE PARTAGE DE RESSOURCES COMME LEVIER

Une des actions de l’EIT est de rassembler les entreprises lors de demi-journée, pour qu’elles puissent mettre sur la table les ressources qu’elles produisent et ensuite voir si elles peuvent les mettre à disposition les unes des autres. « Ces ressources sont diverses », détaille Clémence Rejneri, animatrice du réseau. « Elles peuvent aussi bien prendre la forme d’énergie, d’équipements, de transport, que de compétences dans tels ou tels domaines. »

Ainsi, sur une année, 700 ressources avec 400 pistes de partage ont été proposées et entre 25 et 30 synergies ont été mises en œuvre. « Concrètement, c’est une entreprise qui fait une économie de 30 000 euros de palettes avec le partage de ressources », avance Clémence Rejneri, l’objectif étant d’intégrer la durabilité dans le modèle d’affaires.

Avec 260 000 personnes le groupe La Poste est le premier employeur de France. Face aux transformations de son cœur de métier, l’entreprise a intégré l’économie circulaire dans sa stratégie de groupe de manière très poussée. « Les scellés en plastique sur les voitures sont donnés à des associations qui les revendent pour être recyclés, comme les bouchons de bouteille. Concernant les vêtements, ils ne sont pas facilement réemployables ni recyclables, compte tenu de leurs différents composants. Les matières vont cependant être traitées et des pistes de filières de recyclages créées. Par ailleurs, la Poste a mis en place, avec le service Recygo, une offre de tri, de collecte et de recyclage de papiers usagers dans les entreprises dont 706 sites sont clients », explique Fannie Derenchy, directrice économie circulaire au groupe La Poste.

Pour arriver à fédérer ces initiatives, se pose la question des moyens mis en œuvre. Etant en lien en permanence avec les entreprises, la CCI a de son côté, développé une plate- forme web (www.collectif-grandest.org) regroupant des informations mais surtout un réseau collectif mettant en relation différents acteurs de l’économie circulaire. « De ces échanges, sont nés 58 initiatives exemplaires », insiste Alexia Bisson, animatrice du Réseau à la CCI Grand Est. « C’est bien un changement de modèle d’économie dont il est question. »

Le recyclage des déchets : l’enjeu de demain

Acteur majeur de l’économie circulaire, la FEDEREC (Fédération des entreprises du recyclage) représente à l’échelle nationale plus de 1 000 entreprises spécialisées dans le secteur et 140 dans le Grand Est, soit 8 millions de tonnes de déchets recyclés à l’échelle de la Région. C’est dire si son président Grand Est, Thierry de Chirée, a une vision précise des enjeux. Et pour lui, « le problème est mondial, car lié aux problématiques économiques et géopolotiques internationales. » Trouver des solutions territoriales c’est bien, mais il ne faut pas perdre de vue que l’on agit dans un contexte d’économie globalisée.
« Quand on recycle une bouteille de verre, entre 5 et 7% sont non recyclables, c’est assez peu. Quand il s’agit d’une bouteille de plastique, c’est bien différent. Et si on pense en terme d’économie circulaire, il faut s’intéresser à la provenance des matières premières. Or, le plastique est fait à base de pétrole, et le pétrole, il vient des pays du Moyen-Orient. » La France recycle une partie de ses déchets mais elle envoie aussi une grande partie de ses déchets à traiter en Chine.
Or, le pays a décidé de ne plus prendre le plastique ni certaines catégories de papier, pour se concentrer sur le recyclage de ses propres déchets. « À ce moment-là, la France s’est retrouvée avec 700 000 tonnes de papier sur les bras », livre Thierry de Chirée. « Concernant l’exportation de métaux, les taxes votées récemment par le gouvernement de Donald Trump font qu’on n’exporte plus de métaux aux Etats-Unis. Le prix du papier a été divisé par trois quand la valeur du métal a chuté de 50 %. » Le problème est donc autant économique que politique. Selon le directeur Grand Est de FEDEREC, s’il faut réduire de moitié les déchets enfouis d’ici 2030, il faudra investir dans de nouvelles usines de combustion. « On considère qu’il y a 2 millions de tonnes de déchets qui peuvent partir en combustible solide de récupération (CSR). » Afin de limiter tous ces déchets, c’est la question de l’éco-conception qui se pose. « Il y a des produits que l’on fabrique chez nous mais qui ensuite vont être exportés pour être valorisés car il y a une problématique de coûts », souligne Thierry de Chirée.