Le vaccin, condition sine qua non, pour la reprise économique

Le monde de l’entreprise ne voit la sortie de crise que grâce à la vaccination massive de la population.

La reprise économique semble conditionnée à la réussite de la campagne de vaccination contre la Covid-19. La France ne fait pour l’instant pas partie du podium de tête, avec la semaine dernière, 45 000 personnes vaccinés contre plus de 400 000 pour son voisin allemand et plus d’1,5 million pour Israël. Devant la polémique qui enfle, avec en tête les élus dont le Président de la Région Grand Est, Jean Rottner, le Gouvernement a décidé de reprendre la main.

«La stratégie vaccinale a été réorientée ces derniers jours », a déclaré Pierre N’Gahane, préfet de la Marne, lors d’une conférence de presse conjointe avec le délégué territorial de l’ARS Grand Est, Thierry Alibert. Sous-pression, les services de l’État devaient en effet faire face à la polémique qui monte, portée par les chiffres extraordinaires des vaccinations aussi bien au niveau international qu’européen, mais aussi venant de ses propres représentants, Jean Rottner en tête, qui a dénoncé avec fracas « un scandale d’État » conséquence « d’une forme d’impréparation, d’irresponsabilité ».

L’objectif est aujourd’hui double :

« Accélérer le processus de vaccination en touchant un maximum de personnes et collaborer avec les élus locaux pour organiser le déploiement de la vaccination dans les territoires », précise Pierre N’Gahane. En continuant de filer la métaphore guerrière d’Emmanuel Macron qui martelait « être en guerre » contre le coronavirus, le préfet a lui, répété à plusieurs reprises que la mission était « d’armer les centres de vaccination ». C’est pourquoi une première salve de doses de vaccin Pfizer/BioNTech est arrivée au CHU de Reims, devant servir à vacciner en priorité les professionnels de santé (médecins, infirmiers, aides-soignants, etc.) mais aussi les aides à la personne, de plus de 50 ans et « à risques ». Cette première phase concernant les personnels médicaux et la vaccination dans les 49 EHPAD du département (qui eux se fournissent en vaccins, non pas au CHU mais dans leur officine de référence) est pour l’instant la seule à être concrètement organisée. Pour les personnels de santé, la vaccination s’effectue dans un des quatre centres de vaccination du Département (la Maison médicale pour Reims, les trois autres sont encore à déterminer pour Châlons-en-Champagne, Épernay et Vitry-le-François).

VOLONTÉ D’APPORTER EXPERTISE ET LOGISTIQUE

Si seuls les soignants sont pour l’instant ciblés, la phase 2 concernera les personnes âgées de plus de 75 ans, puis les personnes âgées de plus de 65 ans et atteints de pathologies. Mais face à ce constat et au calendrier édicté par les services de santé de l’État qui ne prévoient pas une vaccination massive de la population générale avant l’été, les organismes professionnels montent au créneau, le MEDEF en tête. « Aujourd’hui, nous avons besoin d’un discours de vérité pour ne pas recommencer l’épisode de la gestion des masques », souligne Christian Brethon, président du MEDEF de la Marne. « La sortie de la crise économique dans laquelle s’enfoncent les entreprises ne pourra se faire que si la campagne de vaccination s’intensifie. Or, dans le discours du Premier Ministre de ce soir (jeudi, ndlr), on a l’impression que l’on se dirige déjà vers des difficultés d’approvisionnement de vaccins ! »

Les organismes professionnels ainsi que les élus insistent sur leurs connaissances, leurs capacités logistiques et leur volonté d’être pro-actifs. « Au niveau du Département, nous sommes prêts à apporter notre expertise ainsi que tout le soutien nécessaire à la campagne de vaccination en mettant à disposition des locaux ou des véhicules », annonce-t-on du côté du Département de la Marne. « Le Gouvernement doit nous faire confiance et s’appuyer sur nous », interpelle Christian Brethon. « Nous pouvons porter un discours, au sein de nos entreprises, pour inciter les salariés à se faire vacciner, dans la mesure où près de 60% des Français sont aujourd’hui réticents. En outre, les grands groupes disposent d’une infirmière, d’un service de médecine du travail qui peuvent être mis à contribution aussi. »

DÉCENTRALISATION DES DÉCISIONS

Car il semblerait que la logistique fasse partie des freins à l’extension de la vaccination et la longueur du calendrier, qui ne prévoit pas les phases 3 et 4 avant l’été 2021. « Il est inconcevable de dire aux restaurants et aux hôtels qu’ils vont devoir rester fermés encore des mois durant. » La France est en effet le premier pays au monde en terme de visites de touristes, de grands pans de son économie reposent dessus, comme localement celui du champagne. Un calendrier plus précis est ainsi appelé des vœux de tous. « Pour l’instant, les discussions avec les services de l’Etat ne font qu’esquisser une collaboration avec les collectivités et les EPCI, mais rien de concret n’est encore sur la table alors qu’il y a urgence », insiste-t-on au Département. « Si on nous donne un cahier des charges, on pourra y répondre de façon rapide et efficace, mais il nous faut des informations. » Même son de cloche pour le président de la Région Grand Est (voir par ailleurs).

Le président du MEDEF réclame en chœur avec les élus, un calendrier précis et différents scenarii si la campagne de vaccination ne décolle pas, pour raison d’approvisionnement notamment, les commandes s’effectuant au niveau européen. « On appelle à une décentralisation des décisions, une concertations avec les élus locaux et les organismes professionnels. On parle d’un comité de 35 citoyens tirés au sort pour s’exprimer sur la campagne de vaccination, mais on ne consulte même pas les parlementaires et les corps intermédiaires ! »

D’autant que la poursuite de la crise, sappe le moral et la confiance des entreprises. Or, « une entreprise qui n’a pas confiance, ni dans la situation économique ni dans la parole des institutions, non seulement elle n’investit pas mais en plus, elle perd son optimisme et sa volonté d’entreprendre », s’inquiète Christian Brethon.

JEAN ROTTNER : « S’EN SORTIR LE PLUS VITE POSSIBLE »

Après avoir dénoncé un « scandale d’État » sur France 2 le lundi 4 janvier, Jean Rottner déplorait lors d’une visite à Châlons-en-Champagne l’absence de dialogue entre le ministère de la Santé et les élus locaux. Le président de la Région Grand Est, à l’initiative d’un courrier commun avec François Baroin (président de l’Association des Maires de France), Renaud Muselier (président des Régions de France) et Dominique Bussereau (président de l’Assemblée des Départements de France), regrette que sa missive envoyée le 19 novembre soit à ce jour restée sans réponse. « Je ne remets pas en question les choix vaccinaux mais je veux savoir comment rendre service quand la vaccination commencera pour le grand public », se disant favorable à une mobilisation du privé et de la médecine du travail notamment, auprès des collectivités. « Nous demandons à être associés car nous pouvons apporter un certain nombre de solutions », rappelle-t-il, déplorant une « information descendante » de l’Etat vers les collectivités au lieu d’une véritable concertation. Sollicité par des élus locaux, des chefs d’entreprises et des médecins, Jean Rottner se dit prêt à apporter des compétences, voire à acquérir des doses de vaccins en direct auprès des laboratoires. « Nous pouvons mettre en place un système de transport à la demande. Des maires sont prêts ». Avec un mot d’ordre : l’anticipation. « Il faut anticiper dès aujourd’hui car tout cela s’organise », se défendant de toute stratégie politique : « L’objectif, c’est de s’en sortir le plus vite possible ».