Antoine MaquetLe street artist fait le mur

Antoine Maquet devant une de ses œuvres à Charleville-Mézières.

L’Ardennais de 36 ans s’est taillé une solide réputation de muraliste en réalisant des fresques murales colorées.

Ses fresques sont aujourd’hui visibles à Charleville-Mézières, un peu partout dans les Ardennes et même au-delà, le street artist du collectif Creative Color a su imposer sa griffe. « Je suis issu d’un milieu assez simple et modeste, mon père travaillait comme employé à la sécurité sociale et ma mère était artiste et faisait de la peinture à l’huile. Ce qui explique probablement que, dès l’enfance, je dessinais déjà beaucoup ».

Après ses années au collège Rimbaud, Antoine Paquet, s’est donc tout naturellement dirigé vers la Belgique pour y suivre durant six ans des études à l’Athénée Royal d’Izel à Chiny puis à l’école supérieure des arts Saint-Luc de Liège. « C’est là que je me suis révélé en tant qu’artiste en me familiarisant aux divers matériaux et à toutes les techniques de dessin pures et dures. A l’encre de chine, au crayon ou par le croquis ». L’Ardennais continue sa formation sur le terrain en commençant par un stage en publicité qui lui permit de toucher à l’infographie et à la direction artistique.

PARIS, LA MARTINIQUE ET LES ARDENNES

En 2004, le Carolo entame son parcours professionnel artistique en trouvant un premier emploi à Paris. « J’ai alors travaillé cinq ans comme graphiste-illustrateur pour une entreprise qui s’appelait Cocktail et avait de gros comptes dans la capitale. Une étape importante car cette montée sur Paris m’a ouvert au dynamisme de la capitale ».

Démarché ensuite par une entreprise, baptisée Corida, qui avait son siège en Martinique, Antoine prend la direction de ce département d’outre-mer. « Durant un an et demi, au Lamentin, le poumon économique de l’île, j’ai exercé comme graphiste- illustrateur pour Corida Antilles, l’une des dix plus grosses agences de publicité martiniquaises, où j’ai encore appris pas mal de choses. C’est là-bas, par exemple, que j’ai réalisé en étroite collaboration avec mon directeur artistique la mise en page et la conception de storyboards (scénarimage) et de croquis préparatoires à la promotion publicitaire ».

Retour ensuite en métropole par la case Ardennes, en 2014. Antoine Maquet décide de voler de ses propres ailes et s’associe avec son ami de longue date, Mehdi Amghar, toujours son collègue aujourd’hui, dans la société Creative Color. « Nous avons développé un collectif de décoration en tout genre. Sa vocation est la décoration intérieure, le décor événementiel, la fabrication d’enseignes mais aussi la réalisation de fresques murales grands formats ou d’illustrations liées à l’art contemporain ». La clientèle de l’agence est très large. Elle va des particuliers aux professionnels en passant par les collectivités, le tissu associatif, les structures scolaires ou des centres sociaux. « C’est vraiment très éclectique d’autant qu’on a ajouté à notre panel des graffitis, autrement dit des peintures réalisées sur des murs, des monuments ou des objets parfois situés sur l’espace public pour lesquels nous utilisons la bombe aérosol ». C’est d’ailleurs, ce dérivé du street art qui a permis à Creative Color de se faire connaitre du grand public. Notamment lorsque Antoine et Medhi se sont lancés, en 2016, durant six mois dans l’exposition éphémère, « Home Two », au sein d’un lieu voué à la destruction et situé dans le quartier populaire de Manchester, à Charleville. « Lorsque le centre social de Manchester nous a fait cette proposition qui survenait après une opération similaire que nous avions effectuée à Toul, on a invité notre petite communauté d’artistes pour montrer ce qu’on savait faire dans le domaine. On a, donc, investi une tour entière dans laquelle chaque artiste avait la liberté de s’exprimer dans des pièces d’un immeuble appelé à disparaître. Lors de cette action, on a réussi à obtenir des accords de partenariat avec Habitat 08 qui a parfaitement joué le jeu et des entreprises de peinture comme RBN (Les Mazures), la Seigneurie Gauthier (Charleville-Mézières) et la société parisienne All City pour étoffer notre budget. Le retentissement de cette manifestation nous a offert par la suite des nouveaux débouchés ».

NOTORIÉTÉ GRANDISSANTE

Après ce chantier phare, les deux graffeurs ont été retenus par Boris Ravignon, maire de Charleville, pour réaliser deux fresques murales imposantes, « Ophélie » en 2017 et « Ma bohème » en 2018, dans les rues Michelet et Gonzague. Des fresques colorées accompagnées de poèmes de l’artiste carolo qui constituent les premières étapes du parcours Rimbaud alliant poèmes et créations artistiques: « On nous a laissé carte blanche et ce fut une belle réussite ».

Conscient de l’étonnement et de l’admiration provoqués par ce travail au sein de la population, Florian Lecoultre, le maire de Nouzonville, prête à son tour une façade de maison aux deux artistes pour laisser libre cours à l’exécution d’une fresque contemporaine – deux belles blondes très esthétiques – qui égaie une commune ayant beaucoup souffert de la désindustrialisation. Pari gagné là aussi.

METTRE DE LA COULEUR

Orzy devrait bientôt suivre le mouvement via Habitat 08 en mettant de la couleur dans son quartier. Fonctionnant sans faire de démarchage commercial, Creative Color se développe essentiellement via le bouche à oreille et de belles références : l’habillage mural du Musée Guerre et Paix de Saulces-Monclin, une fresque à Lumes et l’agencement intérieur de plusieurs restaurants (Le Grillardin, La Fabrik, l’Imprévu, L’art du Sushi, « Chez maman » et la Cantina), la déco de lofts ou d’espaces de loisirs comme le bowling ou la salle de musique du Forum, etc. Les deux artistes étendent leur influence en s’adaptant aux demandes des clients.

« Il nous arrive aussi d’exporter notre savoir-faire sur les régions périphériques, par exemple pour la salle de concert de la Cartonnerie (Reims), des maisons de Champagne ou des boulangeries. Et aussi en Belgique, dans l’Aisne ou encore à Paris. Par contre, ce métier est beaucoup dépendant de la météo et il faut donc avoir une activité indoor suffisante en hiver. C’est d’ailleurs pourquoi, à l’avenir, pour grandir un peu plus, l’idéal serait de s’appuyer sur un apporteur d’affaires pour étoffer encore notre business plan ».

Aussi bien décorateur d’intérieur qu’artiste peintre ou muraliste, Antoine se sent bien dans ce métier : « On part souvent, en amont, sur des projets conçus sur ordinateur que l’on soumet aux clients avant de partir sur la réalisation avec des pinceaux pour les techniques traditionnelles et la bombe à peinture pour les projets grand format et plus durables. Par- fois, on reprend des codes de métiers déjà existants comme la peinture en lettres qu’on remet au goût du jour ou en utilisant des techniques plus modernes ».

Parcours

1983 Naissance le 8 février à Charleville-Mézières.
1998 Opte pour l'étude de l'art en Belgique.
2004 Premiers emplois à Paris.
2012 Départ à la Martinique où il a lié le plaisir et le métier.
2014 Retour dans les Ardennes pour développer Creative Color.