Yann CabrolLe sens du service public

Ce quadragénaire est, depuis un an, à la tête de l’aua/T l’agence d’urbanisme et d’aménagement Toulouse aire métropolitaine, à laquelle il apporte un nouveau souffle. Passionné par le sens du service, il œuvre en parallèle dans le milieu associatif.

C’est le sens du service et de l’action publique qui a régi le parcours de Yann Cabrol, directeur général de l’aua/T, l’agence d’urbanisme et d’aménagement Toulouse aire métropolitaine depuis 2019, succédant à Jean-Marc Mesquida après un quart de siècle d’activité. Lui qui a fait l’essentiel de sa carrière à l’aua/T où il est entré en 2002 comme stagiaire, apporte aujourd’hui, un nouveau souffle à cette association de collectivités locales. En parallèle, il poursuit son engagement associatif dans le scoutisme, un univers qui l’a profondément marqué durant sa jeunesse. Cet enfant curieux préfère l’école de l’aventure et l’action à la discipline. « L’école ne m’aimait pas beaucoup et je lui rendais bien », sourit le quadragénaire qui, après avoir essuyé quelques difficultés au début de sa scolarité, révèle ses talents à l’université. Le bas S en poche, il s’oriente vers des études de géographie et d’aménagement du territoire à Toulouse. L’étudiant, toulousain pure souche, obtient un stage dans une collectivité et s’attelle à la définition du périmètre du pays du Grand Auch, une expérience qui trace alors le sillon de son parcours professionnel. Outre le diagnostic du territoire et les analyses cartographiques, c’est surtout les rencontres marquantes avec les élus qui confirment son intérêt pour les collectivités et son envie de travailler dans la sphère publique. « Je portais alors un regard différent sur l’élu local, sur son engagement et sa grande proximité de terrain », se souvient-il.

Diplômé en aménagement et développement territorial à l’IUP de Toulouse II, Yann Cabrol poursuit ses études et obtient un DESS en management et gestion des entreprises et organisation des services publics à Science Po Bordeaux. « Je voulais acquérir une connaissance de l’organisation, des RH et de l’entrepreneuriat », détaille-t-il. Le double diplômé fait la fierté de son père, dessinateur industriel, en décrochant cet autre sésame.

Il intègre ainsi l’aua/T comme stagiaire. « Pour certains, c’est un ovni dans une organisation territoriale, tandis que d’autres parlent d’une forme d’exception culturelle. Pour moi, cette association de collectivités locales qui œuvre pour la sphère publique tout en ayant un statut de droit privé, m’a toujours attiré, de par la grande diversité de profils et de métiers qu’elle concentre, ainsi que les défis qu’elle tente de relever. Nous rassemblons des ingénieurs des transports, des sociologues, des géographes, des environnementalistes, des économistes, des architectes, etc., qui accompagnent les collectivités notamment en matière de planification et qui font converger leurs savoir-faire en vue d’une meilleure connaissance des dynamiques territoriales », explique son directeur général.

Embauché en CDD à la fin de son stage, il saisit pourtant une autre opportunité et rejoint AID Observatoire, un cabinet de conseil lyonnais spécialisé en aménagement commercial. « Ce fut une nouvelle expérience enrichissante. Sur le plan personnel, tout jeune marié, je découvrais une autre agglomération dynamique, et professionnellement, je planchais sur un autre pan de l’aménagement du territoire. Je rencontrais de nombreux élus, tout en me déplaçant très fréquemment sur l’ensemble de l’Hexagone. J’ai accompagné de nombreuses collectivités et CCI pour la mise en œuvre du plan d’action Fisac, le remembrement commercial en quartier prioritaire, la revalorisation des centres-bourgs, etc. », explique-t-il.

Ce détour de trois ans à Lyon prend fin lorsqu’en 2005, l’aua/T crée un poste en aménagement commercial que Yann Cabrol saisit sans hésiter. Pour ce jeune papa dont les déplacements pèsent sur la vie familiale, « c’était l’occasion d’apporter ma pierre à l’édifice au sein d’une structure pour laquelle j’avais toujours une attache forte, et ainsi de développer une nouvelle dimension qui émergeait progressivement. Différents textes de lois incitaient alors les collectivités à prendre en compte cette question d’aménagement commercial, notamment le développement des grandes surfaces. Localement, cette question était encore quasiment inexistante », souligne-t-il. Au sein de la direction de la planification, il continue de développer son expertise sur les questions d’aménagement et de coopération territoriale telles que, notamment, « la mise en place d’une conférence de l’urbanisme commercial (CUC) et un travail mené sur des questions liées à la politique du logement (Programme local de l’habitat) », avant de devenir, en 2014, responsable du pôle planification et grands territoires. Il porte avec ses équipes une réflexion sur un plan d’urbanisme à grande échelle et à horizon lointain, de 15 à 20 ans.

Entre-temps, un autre virage marque sa carrière, celui d’une réflexion commune à l’échelle de l’aire urbaine qui réunit à l’époque 342 communes.

« C’était la première fois que les maires s’unissaient pour inventer l’avenir du territoire. » En découlera le dispositif Inter-SCoT, regroupant aujourd’hui quatre SCoT (schéma de cohérence territorial), en Haute-Garonne. « La complexité de la gestion de sujets multi-acteurs, multi-territoires, et multi-échelles a été un vrai défi, et l’est encore. Plusieurs problématiques se posaient comme la gestion de la force d’attractivité du territoire et l’accueil des nouveaux habitants toujours plus nombreux, la qualité de vie, l’extension des aménagements et la préservation des espaces, le développement des transports en commun, devenu une question centrale pour les élus, etc. ».

Yann Cabrol poursuit son ascension et devient, en 2017, directeur des coopérations territoriales. Il met alors un point d’honneur à ce que l’aua/T accompagne davantage les agglomérations moyennes notamment en matière de développement économique et de planification locale, via les plans locaux d’urbanisme intercommunaux-habitat (PLUiH). « L’agence a collaboré avec d’autres Scot et s’est aussi rapprochée d’élus de villes moyennes, telle qu’Albi, Montauban, Auch, Foix, Tarbes, etc., qui se questionnaient sur leurs PLUiH et la reconquête de leur centre-ville. Depuis quelques années nous renforçons nos partenariats. Aujourd’hui, nous couvrons un espace de près de 1 500 communes », détaille le directeur.

En 2019, il ouvre un nouveau chapitre au sein de l’agence. Même s’il lui a fallu du temps pour se décider, Yann Cabrol prend la direction générale de l’aua/T . « J’ai déposé mon dossier deux semaines avant la clôture des candidatures. Poussé aussi par mon entourage professionnel, j’ai fini par me dire que je pouvais apporter un souffle nouveau », avoue-t-il, avant de poursuivre « Je souhaite déployer trois innovations : partenariale, à savoir consolider la façon de travailler avec les membres ; territoriale en se réinterrogeant sur nos métiers pour se réinventer autour des projets urbains, architecturaux, économiques, etc. ; et enfin, managériale pour insuffler une nouvelle organisation interne tournée vers le mode projet. »

Au sein de cette feuille de route, une thématique lui tient particulièrement à cœur, celle de la santé. « La question est de mieux appréhender la santé dans les projets urbains dès cette année. À travers par exemple, les matériaux utilisés, les conditions de vie à l’intérieur des bâtiments, le rafraîchissement de l’espace public tout en se focalisant sur les problèmes sanitaires liés au pollen, l’accès facilité aux transports en commun tout en se préoccupant de la pollution environnementale et sonore, etc. L’objectif est de plancher sur les déterminants (environnement, bâtiment, question sociale, etc.) et de conditionner le bon état de santé des populations. »

La crise actuelle, au-delà des difficultés – attente de validations, gel des recrutements et report des municipales qui ont un impact fort sur l’agence notamment sur les budgets à venir, sachant qu’elle bénéfice actuellement d’une enveloppe de 5,5 M€ – interroge, selon lui, sur des problématiques profondes. « Nous entendons beaucoup parler d’autonomie des territoires, de l’importance de la relocalisation mais je reste vigilant sur ce point. Il ne faut pas tomber dans le piège du repli. L’enjeu, dans un avenir à moyen terme, est pour moi celui de la réindustrialisation des territoires et du desserrement économique », pointe-t- il.

Parallèlement, l’agence s’investit également de plus en plus autour des enjeux de transition énergétique et d’adaptation climatique. « La question de prospective est essentielle. Il faut émettre différents scénarios pour mieux se préparer à demain et aux éventuelles catastrophes, autant sanitaires que naturelles, et avoir une vision à long terme. Il faut admettre que l’on est vulnérable et s’adapter en conséquence ! », explique ce père de quatre enfants, qui espère accompagner le changement de l’aua/T en interne et en externe en rappelant aux élus que « la politique publique concerne toutes les strates de la population. Et que les questions des solidarités territoriales qui émergent actuellement auraient tout intérêt à perdurer après la crise ».

Parcours

1978 Naissance à Toulouse
2001 Diplômé en aménagement et développement territorial à l'IUP de Toulouse II
2002 DESS en management et gestion des entreprises et organisation des services publics à Science Po Bordeaux. Stage à l’aua/T. CDI dans un cabinet de conseil à Lyon spécialisé en aménagement commercial
2005 Retour à Toulouse avec sa famille. Prend le poste de chargé d’étude en aménagement commercial au sein de l’aua/T
2014 Devient responsable du domaine planification et grands territoires
2017 Accède au poste de directeur des coopérations territoriales
2019 Nommé directeur général de l’aua/T