Jean-François BattestiLe sens du partage

Jean-François Battesti

À la tête de RH Partners Toulouse, il vient de prendre la présidence de Réseau Entreprendre Occitanie Garonne, un groupement de chefs d’entreprise qui accompagnent bénévolement créateurs, repreneurs et dirigeants sur la voie de la croissance.

Récemment, Jean-François Battesti a entrepris de « faire le ménage » dans sa vie professionnelle, parmi les nombreux réseaux auxquels il a appartenu. L’ancien président des DCF, ex-élu consulaire, membre du Medef, a ainsi décidé de ne garder que deux engagements : auprès de l’Association Progrès du Management, un mouvement de dirigeants qu’il a rejoint il y a une vingtaine d’années, et de Réseau Entreprendre Occitanie Garonne dont il est membre depuis 2013 et à la présidence duquel il vient d’être élu. Le patron de RH Partners Toulouse, un cabinet de conseils en ressources humaines qu’il a fondé en 1984, n’est pas, avoue-t-il, et malgré ses fonctions, « un homme de réseau naturel ». « Je ne trouve du plaisir et du bonheur que dans des environnements authentiques et pour une cause en lien avec mes propres valeurs », plaide-t-il.

Ce « Toulousain pur sucre », « de souche mi-occitane mi-corse », diplômé de l’école de commerce de Toulouse, aujourd’hui TBS, a fondé son entreprise à 30 ans tout juste. La concrétisation d’une aspiration ancienne, puisque, explique ce fils d’un chirurgien-dentiste et d’une commerçante, « qui avait l’habitude d’entendre parler d’échéances et de fins de mois », a « été assez tôt, dès le lycée, attiré par l’entrepreneuriat », synonyme pour cet esprit « indépendant », d’« autonomie ».

« J’ai démarré mon entreprise de conseil en recrutement, rue Bayard dans un deux-pièces cuisine : j’ai pris mon attaché-case, mon téléphone et j’ai prospecté », explique Jean-François Battesti qui, avant de franchir cette étape, a été consultant junior puis confirmé dans une société de conseil en organisation pour des entreprises du BTP puis directeur marketing dans une chaîne de magasins. C’est au cours de cette première expérience professionnelle qu’il a appris à « recruter, animer, former ». En 1984, il devient ainsi le premier franchisé d’un réseau de cabinets de conseils en recrutement qui comprendra jusqu’à 24 franchisés. Mais rapidement, 12 d’entre eux font sécession dont Jean-François Battesti, qui cofonde le réseau de sociétés de conseils en ressources humaines RH Partners. Il en deviendra rapidement l’un des actionnaires majoritaires et présidera à sa destinée pendant une vingtaine d’années. L’enseigne, qui a élargi ses missions à la gestion de carrière, au conseil RH et à l’accompagnement des transformations, se positionne sur le management intermédiaire et les dirigeants de haut niveau et embrasse tous les segments de marché, de la TPE au grand groupe, tous secteurs d’activité confondus. En 2016, les fondateurs historiques cèdent la marque à l’ensemble du groupe, Jean-François Battesti demeurant le propriétaire et le patron de l’unité de Toulouse.

Ce parcours linéaire n’a pourtant rien d’un long fleuve tranquille. « Nous sommes passé d’un écosystème artisanal à un environnement très digitalisé », confirme le dirigeant qui énumère les « ruptures technologiques » qui en quelques années ont bouleversé son métier. Depuis l’avènement d’internet et l’émergence des CVthèques et des jobboards, en passant par l’arrivée sur le marché « des mastodontes de l’intérim quand Borloo, en 2005, a cassé le monopole de l’ANPE » et des cabinets anglo-saxons « qui ont débarqué avec un modèle économique différent : la rémunération au résultat »… Au point que « nous nous sommes demandé si nous n’allions pas mourir. » Pour résister aux vagues successives, le cabinet intègre les nouveaux outils à son offre de services et surtout s’appuie sur ses valeurs : l’expertise, le sur-mesure. « Le client est au centre de notre démarche. Nous avons exclu totalement de faire du négoce, de nous installer dans une gestion de flux qui consiste à brasser beaucoup d’offres, de recrutements potentiels. Ce n’était pas l’ADN de nos consultants. »

Quid de l’IA dont on dit qu’elle va bouleverser le secteur ? « Il est hors de question de prendre le message à la légère, assure Jean-François Battesti. Oui, on travaillera avec des outils d’IA. L’interrogation est cependant la sui- vante : jusqu’où ira l’IA pour remplacer le jugement humain? Tant que l’on restera sur des critères formels, l’IA sera beaucoup plus rapide et plus exhaustive que nous. Mais là où nous devrions avoir un peu de temps devant nous, c’est dans l’appréciation de la personnalité, des savoir-être, de la motivation. Nous avons des convictions, mais nous sommes cependant très à l’écoute sur ces sujets, nous nous interrogeons. Le propre de l’intelligence, c’est de douter. Si on n’a que des certitudes, on meurt. »

Il y a deux ans, le cabinet qu’il dirige, identifié comme « un gros acteur régional » avec sa quinzaine de consultants, a fait sa mue. « Je suis revenu très retourné d’une séance de l’APM où un polytechnicien nous a fait travailler sur les transformations de soi, des espaces de travail, des modes de management. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose, que je n’avais pas créé une boîte pour, 30 ans après, la trouver cristallisée. J’ai voulu tout “bouléguer” comme on dit chez nous, donner un coup de pied dans la fourmilière. J’ai réuni mes troupes et je leur ai dit : “imaginez l’espace de travail, on rase tout et on recommence. Qu’est-ce que vous voulez ?” La seule indication que j’avais donnée c’était que je n’aurai plus de bureau. Je voulais de la transversalité, de l’oxygène, de la luminosité, du mode projet. Or nous sommes dans des métiers assez verticalisés : nous travaillons avec des sachants qui ont quelquefois des ego très forts, et manager des personnalités, ça nécessite de laisser la place. Mon rôle de manager, ce n’est pas d’imposer et de dire aux gens ce qu’ils doivent faire, c’est d’impulser à travers une vision ou un certain nombre de choses qu’on coconstruit ensemble, c’est de laisser de l’espace. Je donne deux ou trois règles du jeu, mais à l’intérieur desquelles vous faites ce que vous avez envie de faire. Et ça marche bien ! »

Outre l’APM, cette association très active de chefs d’entreprise qui se réunissent autour de thématiques de progrès et qui constitue pour lui « une respiration », le dirigeant trouve aussi l’inspiration au sein de Réseau Entre- prendre, ce groupement composé de dirigeants qui accompagnent bénévolement des créateurs, repreneurs ou de chefs d’entreprise en croissance. Cet autre réseau « où il fait bon vivre » prône selon lui « trois valeurs fabuleuses. La première fait écho à mon métier : l’important c’est la personne. On s’attache à des créateurs, repreneurs ou développeurs d’entreprises. Ce qui est important c’est bien sûr le projet mais avant tout la personne, ce qu’elle a au fond d’elle-même et sa capacité à être ou devenir un entrepreneur. Les deux autres sont la gratuité et la réciprocité. C’est peut-être la plus marquante pour moi qui suis dans une entreprise commerciale. Là, on parle de don. Or quand on accompagne quelqu’un gratuitement, ça peut créer un lien de dépendance et peut-être aussi d’assistance. » D’où l’importance pour lui de permettre aux personnes accompagnées de rendre à d’autres, « par réciprocité de services ». Question de dignité pour Jean-François Battesti qui cite André Mulliez, le fondateur du réseau, lequel estimait que cette réciprocité permettait à chacun de devenir « le maillon d’une chaîne plutôt qu’un cul-de-sac. C’est à la fois philosophique et très humaniste. Je trouve qu’il n’y a rien de plus beau, lorsqu’on est un chef d’entreprise un peu installé, de pouvoir en aider d’autres. C’est bien de ne pas avoir d’autre objectif que celui-là, c’est très respirant. Et puis on rencontre de très belles personnes : souvent on apporte, mais on reçoit énormément. J’en suis à mon troisième accompagnement et je repars à chaque fois avec plein d’idées ! »

Alors que Réseau Entreprendre Occitanie Garonne, fort de 150 membres, s’apprête à donner un coup d’accélérateur à ses nouveaux programmes d’accompagnement Booster et Ambition qui vont mobiliser un plus grand nombre de bénévoles, le président fait gentiment passer le message puisque sa priorité, pour 2020, sera justement « de mobiliser les troupes ». Un gros travail en perspective « pour partager le sens de cet accompagnement. » « Ça me permet de trouver de nouvelles sources d’inspiration ou d’innovation et de rester jeune ! », affirme-t-il.

Parcours

1953 Naissance à Toulouse
1976 Diplômé de l'école de commerce de Toulouse, actuelle TBS
1984 Cofonde le réseau de cabinets de conseil en ressources humaines RH Partners
2019 Est élu président de Réseau Entreprendre Occitanie Garonne