Jean-François NicoulesLe rallye de la vie

Cet ancien chef d’entreprise dans le secteur immobilier, devenu bénévole, est désormais au volant de Patrimoine, en pleine phase d’accélération. 

Un homme « très discret », peu habitué à « se mettre en avant » et qui « a toujours fait le choix de rester en retrait ». C’est ainsi que se décrit Jean-François Nicoules. À lire son palmarès sur le terrain de la compétition automobile, on serait tenté d’en douter, tant l’homme, né à Albi il y a 62 ans, collectionne depuis plusieurs années les premières places. « Je préfère faire que dire », explique pourtant celui qui vient de prendre la présidence de Patrimoine, un acteur essentiel du logement social en région, lequel gère un parc de plus de 18 000 lots, dont plus de 13 000 logements familiaux. Un parc qui a augmenté de 26 % en cinq ans pour répondre à la demande de logements toujours très dynamique en Occitanie. Le nouveau président de Patrimoine est loin d’être un novice en la matière. Comme le montre son parcours.

Né au sein d’une famille d’origine aveyronnaise, d’un père, « patron de banque, pendant très longtemps président des amicales aveyronnaises d’Albi », et d’une mère sans profession, Jean-François Nicoules a fait ses études à Albi et, Sud-Ouest oblige, pratiqué le rugby, avant d’intégrer une école de commerce à Bordeaux, « qui n’existe plus aujourd’hui. Pensez donc, c’était il y a 45 ans, je suis un vieil homme », plaisante-t-il, avant d’ajouter « j’avais la bosse du commerce, le virus du business ». En 1981, il entre dans la vie active comme directeur des ventes chez un grand équipementier automobile français. Cette première partie de carrière le fait « circuler un peu partout, en France et en Europe. Je recrutais les équipes de vente, les formais, les encadrais, les motivais. J’essayais d’être un bon tracteur pour ces gens. Depuis, ce mode de management très participatif ne m’a jamais quitté », affirme-t-il. 

En 1985, le futur pilote de rallye amateur négocie son premier virage professionnel. « Je suis rentré chez un pétrolier indépendant français. Nous vendions du carburant sans marque aux grandes surfaces », détaille-t-il. Mais cinq ans plus tard, alors que s’amorce le krach immobilier des années 1990, second changement de voie, décisif : « je suis revenu sur mes terres pour créer une société immobilière. » 

Ce nouveau virage est « un peu dû au hasard », se remémore le dirigeant. « Au sein du groupe pétrolier pour lequel je travaillais, j’avais eu à recycler le foncier de réseaux de stations-service. J’avais créé cette activité et cela me plaisait beaucoup, à savoir transformer ces fonciers, après démolition, en immeubles, en locaux commerciaux. Je m’étais pris de passion. » 

Jean-François Nicoules bâtit sa société immobilière à sa façon, « atypique pour l’époque puisque je l’ai voulu complément “tous métiers”». Entre 1990 et 2005, le groupe prospère, employant près de 70 collaborateurs. « À l’époque, sur la région Midi-Pyrénées, en termes de chiffre d’affaires, nous étions les seconds, derrière Bragato, les deux plus gros. Et on faisait tout : transaction immobilière, administration de biens (location, gestion, syndic). Et comme je n’avais pas suffisamment de marchandises à vendre ou à louer, je me suis mis à en fabriquer ! Je suis donc devenu en même temps lotisseur, promoteur, constructeur… » La mayonnaise prend, tant et si bien que le groupe commercialise une centaine de terrains à bâtir et autant de logements neufs ou rénovés par an. « Mais à l’époque, il n’y avait pas la concurrence qu’on connaît aujourd’hui, admet-il. Et puis les promoteurs ne faisaient pas tous ces métiers, c’était le début de la défiscalisation ». Quinze ans s’écoulent jusqu’à ce que Jean-François Nicoules décide de vendre « le groupe en bloc ». « J’avais souvent été approché par les gros de la région et jusqu’à présent, j’avais toujours souhaité rester un des plus gros parmi les petits. Je n’avais pas l’ambition de m’afficher sur la place. Je suis un petit dormeur et un gros travailleur : je préférais aller au charbon et faire grossir ma machine. Et en 2005, je n’étais pas vendeur. C’est l’acheteur qui est venu toqué à ma porte. » 

Mais outre l’importance des sommes en jeu, à l’époque, « je me trouvais à faire un bilan de vie, se souvient-il, sans parler de l’âge. Mes études n’étaient pas extraordinaires mais je les ai faites, j’avais fait mes classes dans deux grosses boîtes dans lesquelles je montais en grade tous les ans. Je réussissais tout ce que j’entreprenais et quand je me suis lancé dans l’immobilier, je ne pensais pas, en 15 ans, bâtir ce que j’ai bâti, un groupe avec de bonnes valeurs. Pour autant au bout de 15 ans, j’avais fait le tour du truc ! » 

À 48 ans, Jean-François Nicoules prend donc sa retraite ! « J’ai considéré que j’avais beaucoup reçu et qu’il fallait que je donne. Dès ce moment-là, je suis devenu un bénévole », explique-t-il. L’ex-dirigeant d’entreprise pousse alors la porte du tribunal de commerce d’Albi, et devient juge consulaire, manière pour lui d’ « apporter modestement mon expérience ». Une fonction qu’il occupe pendant 11 ans, avant de l’abandonner il y a trois ans, faute de temps – « un crève-cœur ». Mais on ne ressort pas indemne d’un si long et prenant mandat. « Cela m’a beaucoup apporté et en même temps cela m’a beaucoup fait souffrir, reconnaît-il. Je suis capable d’être très dur pour moi-même, mais en même temps, je suis un peu une éponge : la souffrance de l’autre – parce qu’on rencontre des cas terribles – me faisait souffrir. » 

En 2006, un nouveau challenge s’annonce pour Jean-François Nicoules, entré comme administrateur au sein de Midi Habitat, une Société anonyme coopérative d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété fondée en 1929. Basé à Albi, ce groupe immobilier régional « éthique » est à la tête de plusieurs entités aux activités complémentaires (foncier, habitat social, syndic, services…), un vrai « couteau suisse » du logement. Un ensemble qui pèse près de 270 personnes pour un résultat de l’ordre de 25 M€. En 2008, l’homme prend la présidence du groupe Midi Habitat et intègre les conseils d’administration de ses différentes filiales dont Patrimoine, « le plus gros morceau ». « Aujourd’hui, cet ensemble est une belle machine de guerre ! », affirme celui qui vient de passer la présidence du groupe Midi Habitat à Pascal Barbottin, DG de Patrimoine, pour se consacrer presque exclusivement à cette dernière et au GITeS (groupement interquartiers de tranquillité et de sûreté). Depuis 12 ans, Jean-François Nicoules navigue ainsi dans un vaste territoire, entre Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, et un ensemble de marques, ce qui l’amène aussi souvent à Paris… « tout cela en étant bénévole, s’amuse-t-il. Ça occupe ! » 

Depuis la création du GITeS, il y a deux ans, Jean-François Nicoules en a également assuré la présidence. Cette société, constituée par Patrimoine et la SA Les Chalets (un autre important acteur du logement social et de l’accession à la propriété en Occitanie) « pour assurer auprès de notre parc locatif, dans les quartiers difficiles, de la veille technique et la tranquillité résidentielle », fonctionne avec un budget de 2 M€ et emploie 35 personnes aujourd’hui – d’anciens gendarmes, policiers, pompiers, qui ne mènent aucune action de police, « chacun son métier ». Une innovation « qui donne du sens à mon bénévolat » dont n’est pas peu fier le président de Patrimoine, la dernière enquête menée auprès des locataires ayant révélé un taux de satisfaction de plus de 95,7 %. « Cela marche tellement bien que deux autres bailleurs sociaux viennent de nous rejoindre, Cité Jardins et ICF Habitat », ajoute-t-il. 

Ses ambitions à la tête de Patrimoine ne sont pas moins élevées. L’entreprise s’est engagée à livrer 2 000 logements supplémentaires d’ici 2022 et à hausser ses moyens dans le domaine de la réhabilitation de logements (80 M€ devraient être fléchés vers cet objectif ). « Nous sommes un modèle dans l’environnement professionnel et nous souhaitons le rester. » 

Le dirigeant, qui dit-il « travaille autant que lorsqu’il œuvrait pour son propre compte », garde un peu de temps pour ses autres centres d’intérêt, « en premier lieu la famille, en second les amis », et le sport automobile, une « grosse » passion qui l’anime depuis toujours. Propriétaire de plusieurs véhicules de collection des années 1955 à 1975, il participe à de nombreuses courses historiques en France et en Europe. En septembre dernier, avec son fils pour copilote – « un grand bonheur » de partager avec lui cette passion –, il s’est hissé pour la 4e fois en tête du classement VHRS (rallyes historiques de régularité sportive) du Tour Auto, mythique rallye de voitures anciennes, au volant d’une Ford Mustang de 1965, après trois victoires sur Alpine, et en octobre il figurait sur le podium du tour de Corse à bord d’une Ford Escort RS2000 ayant appartenu à Ari Vatanen, aux côtés cette fois de son ami Guillaume Ancelin. 

Ce supporteur du Stade Toulousain est aussi un passionné de littérature – « Vu que je ne dors pas, je bouquine », s’amuse-t-il – et du bassin d’Arcachon, où, confie-t-il, il va se ressourcer trois mois de l’année. « C’est pas mal pour remplir une vie de vieil homme ! ».

Parcours

1958 Naissance à Albi
1976 Intègre une école de commerce à Bordeaux
1981 Devient directeur des ventes chez un équipementier automobile
1985 Rejoint un groupe pétrolier français
1990 Fonde un groupe immobilier
2005 Revend son groupe en bloc
2006-2018 Exerce la fonction de juge au tribunal de commerce d’Albi
2006 Entre au conseil d’administration de Midi Habitat dont il devient président en 2008
2020 Prend les commandes de Patrimoine, filiale de Midi Habitat