Richard ParsonsLe plus Bourguignon des Anglais

Qu’il soit chez lui ou en vacances, Richard Parsons ne peut s’empêcher de partir à la découverte des canaux. Actuellement confiné chez sa nièce en Normandie, il s’est octroyé une pause au bord de la Charente.

Difficile à l’accent et à son sens de l’humour de ne pas détecter un brin d’Angleterre dans sa personnalité. Depuis plus de 50 ans qu’il est en France, c’est bien le tourisme fluvial et la réhabilitation des canaux qu’il défend depuis son port d’attache, Venarey-Les Laumes.

Ce n’est pas la gastronomie qui nous fera dire le contraire, l’Angleterre et la France sont deux pays différents à bien des égards. Et pourtant, le passif industriel et l’utilisation des canaux à des fins commerciales montrent bien qu’il existe quand même quelques similitudes. Ce sera d’ailleurs le fil conducteur de l’histoire de Richard Parsons. Du haut de ses 82 ans, il témoigne aujourd’hui, avec un accent et un sens de l’humour propre à la Grande-Bretagne. Origi-naire de Birmingham, une ville industrielle dans le comté des Midlands de l’ouest, Richard Parsons s’est rendu pour la première fois en France à l’adolescence, un été, dans le cadre d’un échange avec une famille parisienne, pays qu’il rejoindra 15 ans plus tard pour s’y installer. Le temps, pour lui, de s’intéresser de plus près aux canaux. « En Angleterre, il y en a beaucoup, et à cette époque, il n’y avait plus de bateaux de commerce. L’administration avait décidé d’arrêter les frais, menant doucement à la fermeture des canaux, malgré un certain intérêt des Anglais pour les utiliser à des fins touristiques », se souvient-il. Journaliste de formation, Richard Parsons a décidé, à 19 ans, de s’associer à son frère aîné pour acheter un bateau. « Mon frère travaillait dans l’industrie autour de Birmingham et il a trouvé un chantier où ils réparaient des “narrowboat”.» À bord de cette péniche typiquement anglaise – plus étroite qu’une péniche française et plus adaptée aux canaux britanniques -, ils ont commencé à sillonner le Royaume- Uni. « C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que les canaux britanniques étaient en très mauvais état, se souvient-il. Mais, il existait, çà et là, des associations qui essayaient de les remettre en état malgré les interdictions de l’administration ». Investit dans cette tâche, Richard Parsons décide de passer ses week-end à la tâche pour nettoyer les canaux et réparer les écluses.

« Finalement, cette démarche associative a mené à des chantiers de réparations conséquents et au développement du tourisme fluvial en Angleterre. Grâce à ces canaux, on peut beaucoup voyager dans le pays. J’ai pu aller dans le nord de l’Angleterre et même rejoindre Londres. C’était agréable et on n’était jamais bien loin des villes et surtout des pubs… »

AU SERVICE DU TOURISME FLUVIAL

Quelques années plus tard, alors que son frère aîné a quitté l’Angleterre pour le Brésil, Richard Parsons a quant à lui intégré les bureaux londoniens de l’agence de presse Reuters. « Nous avons vendu notre “narrowboat” et je suis sûr qu’il est aujourd’hui exposé dans un musée, tellement il était vieux et typique de la navigation britannique ! », s’amuse-t-il à penser. C’est finalement pour réaliser une série de reportages que le jeune journaliste a traversé la Manche pour rejoindre la capitale française. « À chaque fois que je me rendais à La Sorbonne, je passais sur le Pont-Neuf et je me faisais la remarque qu’il y avait bien beaucoup de bateaux navigants sur la Seine. J’ai cherché à savoir d’où ils pouvaient bien venir et où ils se rendaient et je suis tombé sur un transitaire qui m’a proposé de passer le week-end sur une de ses péniches avec ses mariniers, direction l’Oise. » Une première croisière qui lui a donné une toute autre image des canaux français. « Je les imaginais tous droits et ennuyeux, mais je me suis vite rendu compte qu’on avait la possibilité de voir la vraie France, celle des villages perdus dans la campagne, s’enthousiasme-t-il. Aux écluses, nous étions accueillis, nous pouvions nous amarrer et participer à la vie des villages ». C’est en se rendant à Strasbourg que le nouvel aventurier s’est rendu compte que tous les canaux rejoignaient l’ensemble des vignobles de France, de l’Alsace au Bordelais, en passant par la Champagne, la Bourgogne ou encore la Côte du Rhône. « On n’a jamais soif sur un bateau ! »

Cette nouvelle expérience lui a donné l’envie de renouer avec ses passions de jeunesse. D’abandonner le journalisme, Richard Parsons se lance ainsi dans un projet d’entrepreneuriat. « Mon frère et moi avions hérité d’une petite somme d’argent et nous nous sommes mis d’accord pour l’investir dans un projet commun. Nous avons acheté la coque d’un bateau de transport français et l’avons transformé en bateau de croisière. Nous sommes tombés sur un artisan merveilleux à Saint-Omer, dans le Nord, qui a tout de suite cerné ce que nous voulions et après un an de travaux, nous avons pu mettre notre nouveau bateau à l’eau. » L’objectif était de proposer des croisières entre Paris et Mâcon sur le Canal de Bourgogne. Une réussite dès la première saison grâce à une large campagne de promotion dans la presse anglaise. « Étant donné qu’il fallait quatre semaines pour rejoindre Paris à Mâcon par la voie fluviale, nous proposions différents départs en fonctions des villes sur notre tracé comme Auxerre, Montbard ou encore Dijon, détaille Richard Parsons. Au tout départ, il n’y avait aucun confort à bord… Je n’ai jamais compris comment les touristes pouvaient supporter cela ». Leur atout ? La gastronomie française proposée par le chef… bien loin des habitudes alimentaires des clients britanniques et américains qu’ils accueillaient.

JUSQU’À 15 BATEAUX AU PLUS FORT DE L’ACTIVITÉ

« Maintenant, le tourisme fluvial existe et s’est développé. Mais à la fin des années 1960, les locaux se demandaient bien que faire de leurs canaux… Nous avons permis aux touristes de découvrir la France sous un autre jour, mais aussi aux locaux de rencontrer, parfois pour la première fois, des étrangers », se souvient Richard Parsons. Pour pouvoir faire découvrir la région qu’il a finalement adopté, le jeune anglais a créé une société en 1974, Continentale de croisières, qu’il a revendu en 2004. « Avant que je ne prenne ma retraite, le tourisme fluvial s’était développé à tel point que nous avions 15 bateaux pouvant accueillir chacun une cinquantaine de clients. » Depuis ce temps, Richard Parsons continue à faire vivre à sa façon, le tourisme. Il s’est finalement installé dans une maison éclusienne en location à proximité de Venarey-Les Laumes où il a transformé la maison qu’il avait acheté dans les années 1970 en gîte. Fidèle à sa passion de la navigation, Richard Parsons a même fait l’acquisition d’un bateau pour lui et sa famille. Il a ainsi déjà rejoint Dansk sur la Baltique, et quelques années plus tard, il s’est lancé le pari fou de rejoindre Moscou, depuis Venarey-Les Laumes, par voie fluviale. « J’ai dû finalement m’arrêter à Varsovie à cause d’un problème avec une rivière qui s’est avérée plus navigable… Après une année dans la capitale Polonaise, nous avons finalement fait demi-tour », explique-t-il non sans émotion. Aujourd’hui, l’Anglais le plus bourguignon de tout le Royaume-Uni se bat pour la conservation du Canal de Bourgogne. « On voit bien que le tourisme fluvial n’est plus aussi attractif qu’il y a une quinzaine d’années… Plus on attendra les bras croisés, plus cela deviendra comme en Angleterre… Sans parler des maisons éclusiennes qui sont aujourd’hui de plus en plus laissées à l’abandon. J’aimerais créer une association pour les remettre en état et leur redonner vie. »

parlonscanal.over-blog.com

Parcours

1938 Naissance, le 10 juin à Wolverhampton (Royaume-Uni).
1957 Richard Parsons achète, avec son frère aîné, son premier bateau, un “narrowboat”.
1964 Il arrive en France pour une série de reportages et pose ses bagages à Paris.
1967 Deux ans après l’acquisition d’un bateau de commerce et des travaux de réhabilitation en bateau de tourisme, il réalise sa première saison touristique.
1974 Il crée sa société de croisières fluviales, qu’il revendra en 2004.
2003 Il achète un bateau familial pour entreprendre, quelques années plus tard, une croisière depuis Saint-Jean-de-Losne jusqu’à Moscou.