Le plan de paysage éolien des Ardennes fait l’objet d’une mise à jour

La saturation visuelle d’éoliennes commence à poser question dans les Ardennes.

Sous l’impulsion du Préfet, la direction départementale des territoires et l’agence d’urbanisme de la région de Reims ont réalisé une étude visant à inciter les porteurs de projet à une plus grande mesure.

Il aura fallu quatorze ans, pour que sous la pression d’élus locaux et d’une partie des populations vivant dans des zones sensibles et très peuplées de mâts, le plan de paysage éolien soit à nouveau à l’ordre du jour et connaisse une seconde vie. Le premier avait pourtant été élaboré en 2007, à une époque où aucun parc n’était encore implanté dans le département!

Depuis cette période et la montée en puissance de ce type d’énergie, l’éolien a pris une dimension importante dans le décor ardennais puisqu’on recensait lors d’une mise à jour effectuée en fin 2020, 213 installations, 158 dossiers d’autorisation et 91 autres projets à l’étude. Soit un total conséquent de 463 projets. Si le nord des Ardennes a été épargné par ce phénomène en raison de la présence du parc naturel régional et de terrains vallonnés, en revanche 75% de ces implantations étaient localisées dans le sud du département avec 50% de parcs sur l’arrondissement de Rethel et 25 % sur celui de Vouziers. C’est cette situation qui a amené la Préfecture à essayer d’améliorer la première version du PPE en la remettant à jour. C’était une nécessité.

Explications du Préfet Jean-Sébastien Lamontagne : « Dans le cadre du Pacte Ardennes, on s’efforce de promouvoir l’essor des énergies renouvelables dont l’éolien fait partie. Mais il est apparu nécessaire de mettre en œuvre un développement plus mesuré, raisonné et équilibré prenant mieux en compte l’impact paysager et cette impression de saturation visuelle perceptible sur quelques territoires en raison de la densité de certains. Et si on n’y prend pas garde, le risque est de voir se développer un sentiment anti-éolien par principe. »

UN APPEL À LA VIGILANCE

L’actualisation du plan de paysage éolien, apparu utile parce que le sujet suscitait aussi de plus en plus de débats, est donc là pour fournir des critères objectifs et proposer des éléments de méthodologie afin d’envoyer un signal fort aux porteurs de projet et leur faire comprendre qu’à certains endroits bien embouteillés, il fallait être plus raisonnable voire même stopper ce mouvement.

« Cet outil d’aide à la décision se veut donc être un message important, ressemblant à un appel à la vigilance. Un avertissement est ainsi adressé aux investisseurs dont on espère qu’ils seront soucieux de l’acceptabilité de leurs projets. Mais il faut s’efforcer de trouver un message équilibré car l’éolien a son importance pour permettre la transition énergétique. Pour autant, il ne faut pas faire n’importe quoi, à n’importe quel prix », a poursuivi le représentant de l’Etat dans son propos introductif.

« Il est apparu nécessaire de préserver les paysages sensibles et assurer la qualité du cadre de vie qui sont des atouts et une source d’attractivité majeure pour les Ardennes. La volonté était donc de repartir sur des bases qui soient plus largement partagées et accorder une large place à la concertation en guidant les investisseurs dans la recherche des sites les mieux adaptés », a surenchéri Pascal Delamare, la directrice départementale du territoire.

Un des points importants sur lesquels a porté la mise à jour a été l’identification des secteurs menacés de saturation. Pour ceux-là, des critères objectifs ont été utilisés, il s’agit de « l’angle de respiration » qui correspond à un panorama à 180 degrés sans éolienne visible à partir duquel l’observateur considère qu’il ne se sent plus encerclé. Les seuils retenus à l’issue de cette démarche ont permis de cartographier les secteurs présentant la densité la plus élevée d’éoliennes. Ce document de travail référentiel a également porté sur la présentation, pour les huit entités géographiques retenues, des contraintes paysagères et patrimoniales présentes. Ainsi, lorsque la construction de nouveaux parcs est possible, des préconisations et recommandations seront formulées sur la forme, la géométrie et la taille des parcs.

PAS JURIDIQUEMENT OPPOSABLE

Mais la démarche de refonte menée par la direction départementale des territoires et l’agence d’urbanisme de la région de Reims « Développement & prospective », à laquelle les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) ont été associés, présente une portée tout de même limitée. Dans la mesure où ce plan de paysage éolien est seulement fondé sur le volet paysager et qu’en plus, il n’est pas juridiquement opposable et contraignant faute d’avoir un statut réglementaire.

Ce qui a occasionné quelques incompréhensions voir de la frustration chez les élus lors des réunions d’échanges et de concertation sur le sujet. Plusieurs de ceux-ci ont regretté qu’on n’ait pas tenu compte d’autres critères d’appréciations comme la faune et la flore. Bref, on a pu s’apercevoir que le sujet restait épineux et controversé notamment dans le Rethélois et le Vouzinois.

Seuls, les sept communautés de communes ou la communauté d’agglomération Ardennes Métropole ont donc la compétence en matière d’urbanisme pour émettre des prescriptions légales en les intégrant dans leur futur plan local d’urbanisme ou les SCOT pour en faire un cadre réglementaire encadrant le développement des éoliens sur leur territoire respectif. Plusieurs de celles-ci ont déjà fait savoir qu’elles ne s’en priveraient pas ou qu’elles y réfléchiraient. D’autres ont prévenu qu’elles afficheraient la volonté d’être plus restrictive que le plan de paysage éolien bis.

À ce jour, 51 parcs sont autorisés dont 41 en exploitation et 10 non encore construits. Treize dossiers restent, par ailleurs, en attente d’une décision de juridictions administratives. En matière de puissance exploitée, les Ardennes est le troisième département le plus producteur du Grand Est. L’élaboration ce plan de paysage éolien donnera lieu prochainement à la confection d’un guide qui sera peut-être reproduit dans d’autres départements du Grand-Est.

Les mâts de la discorde

Alors qu’EDF Renouvelables et WindVision attendent non sans espoir que la Cour d’appel administrative de Nancy mette fin à une guérilla judiciaire de 16 ans pour implanter sur six communes du sud des Ardennes le plus puissant parc éolien terrestre de France (63 turbines développant 226 MW ), dit du Mont-des-Quatre-Faux, l’hostilité reste vive sur le territoire contre les promoteurs. Riverains et associations ont ces derniers mois reposé la question de l’intégration des machines dans le paysage et de l’acceptabilité sociale des éoliennes.

À Vaux-Montreuil, Juniville, Sery, Chaumont-Porcien, Novion-Porcien Vaux-les-Rubigny, Mainbressy, Seraincourt, Remaucourt, Thin-le-Moutier et plus largement dans la Thiérache, le Porcien et les Crêtes Préardennaises, les éoliennes ne font pas l’objet d’un consensus. Les uns condamnent leur développement anarchique et leur effet d’encerclement qui défigurent les sites ; les autres fustigent la pollution visuelle, la dépréciation des biens immobiliers, les nuisances sonores et les conséquences sanitaires. Ils regrettent aussi le climat délétère créé par la multiplication des projets dans les villages. Les contestataires qui estiment que le seuil de tolérance est aujourd’hui dépassé, auraient d’ailleurs souhaité être associés et consultés pour l’élaboration du plan de paysage éolien. Faute d’avoir été conviés à la démarche, ils dénoncent aujourd’hui une manœuvre politique, en constatant que ce document n’a aucune valeur juridique et se limite à une cartographie des zones éoliennes départementales.

Maire de Sery, Sébastien Laurent avait bien avant cela résumé le malaise ambiant : « Les Ardennes ont déjà largement contribué à l’implantation de l’éolien terrestre sur le plan national, l’autorisation de nouveaux parcs entrainerait un début d’envahissement pouvant nuire au tourisme ».