Leur système d’analyse du regard des pilotes d’avion améliore leur formation et diminue les risques d’accident.
Camarades de promotion à l’Isae-Supaéro, Thibaut Wenger et Thomas Bessiere ont créé leur société, Hinfact, en octobre 2018 après un an de mûrissement. Leur produit ? Un logiciel d’analyse qui, couplé à une caméra d’eye tracking et nourri des données du simulateur de vol, permet de suivre le regard des pilotes d’avion en formation, et donc de détecter où ils portent les yeux sur le tableau de bord du cockpit, pendant combien de temps, avec quelle intensité… Et donc, pour leurs instructeurs, d’identifier les carences d’attention de leurs élèves ; d’autant plus utile que, pendant ces séances d’entraînement qui durent en général entre trois et quatre heures, l’examinateur, assis au fond du cockpit derrière les deux apprentis pilotes, peut difficilement voir où ces derniers regardent, sans oublier qu’il est occupé à surveiller leurs gestes et leurs réactions tout au long du scénario de vol. « L’instructeur peut voir si les élèves actionnent tel ou tel bouton, mais il est incapable de savoir s’ils ont par exemple, pendant l’atterrissage, regardé la vitesse depuis 30 secondes ; alors que c’est une erreur qui peut être dramatique, comme on l’a vu dans plusieurs accidents au cours des dernières années », observe Thomas Bessiere. Aussi, « pendant le vol, notre application nous permet de donner plusieurs informations à l’instructeur : là où le pilote regarde, les aires auxquelles il devrait faire attention, tout comme cela servira ensuite au cours du débriefing pour revenir sur certains moments », explique Thibaut Wenger. « Mais on ne viendra jamais juger de la performance du pilote : c’est un simple outil au service de l’instructeur, qui est adaptable à n’importe quel cockpit ou eye tracker ».
C’est pourquoi les deux jeunes hommes, au-delà des écoles d’aviation, visent le marché des compagnies aériennes, car ces dernières « capitalisent beaucoup sur le retour d’expérience en vol. Leurs pilotes échangent beaucoup » sur les incidents. D’ailleurs, après un premier contrat signé avec le ministère de la Défense, celui-ci pourrait être renouvelé ; tout comme Hinfact est en discussion avec « une grande compagnie aérienne française pour lancer un projet de démonstration de concept, ainsi qu’avec un grand constructeur aéronautique ». L’application, ajoute Thomas Bessiere, « peut servir aussi aux ergonomes » qui conçoivent les cockpits « car c’est souvent très compliqué pour eux de comprendre quel impact aura une modification » de leur design, « alors qu’ici, tout sera fait de manière automatique, on pourra comparer deux situations identiques » mais avec des cockpits différents.
Hinfact compte aboutir en juin prochain à un MVP (minimal valuable product, un produit à mi-chemin entre la preuve de concept et sa version industrialisée) après le recrutement de trois développeurs dans les deux prochains mois.