« Le PGE fonctionne bien et les banques jouent le jeu »

Alors que l’État met en place les dispositifs destinés à soutenir l’économie, les établissements bancaires sont plus que jamais invités à accompagner les entreprises. Entretien avec Nicolas Resseguier, directeur départemental Marne de la Banque de France.

Quelles seront les conséquences de la crise sanitaire sur la croissance économique française ?

Le confinement de la population, entré vigueur en France le 17 mars, aura des répercussions majeures sur la croissance économique française. Il ressort notamment de l’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France (réalisée du 27 mars au 3 avril auprès de 8 500 entreprises) que l’économie française a tourné fin mars aux deux tiers de son rythme normal. Chaque quinzaine de confinement « coûte » environ 1,5 % de perte de PIB annuel. L’effet global de la crise sanitaire sur la croissance économique de l’année 2020 dépendra de plusieurs facteurs : la durée de la période de confinement et le caractère plus ou moins progressif de sortie du confinement, le dynamisme de la reprise à la fin de la période de confinement, et l’évolution de l’épidémie chez nos partenaires économiques.

Dans quelle mesure l’intervention de l’État pour aider l’économie est-elle nécessaire ?

Afin d’aider les entreprises à traverser la crise sanitaire, les États ont donc pris des mesures d’urgence d’une ampleur exceptionnelle. En France, les pouvoirs publics se sont engagés à préserver l’emploi avec le recours au chômage partiel. Ce dispositif inédit permet aux salariés placés en activité partielle de recevoir une indemnité prise en charge par l’État à hauteur de 4,5 fois le Smic. En cas de baisse significative de leurs chiffres d’affaires, les entreprises peuvent également bénéficier du report de leurs échéances sociales et fiscales, et d’une aide du fonds de solidarité. Enfin, l’État se porte garant pour les crédits souscrits par les entreprises jusqu’à 300 Mds€. L’objectif de ces mesures est d’éviter ce que les économistes appellent les « effets d’hystérèse », qui se prolongent dans le temps, comme l’éviction trop longue du marché du travail ou la faillite d’une entreprise, qui rendent ensuite particulièrement difficiles le retour aux niveaux antérieurs d’emploi et d’activité.

Comment fonctionne le PGE (Prêt garanti par l’État) aujourd’hui, après un mois de confinement : les dossiers refusés sont-ils nombreux ? Les banques sont-elles en droit de refuser de monter un dossier de PGE pour leurs clients ?

Il est aujourd’hui difficile d’obtenir le nombre des refus. Selon les banques interrogées, les taux de refus s’échelonnent entre 1% et 10% du nombre de dossiers déposés, ce qui constitue un écart important. En cas de refus, il est important que la banque motive sa décision auprès de son client. Les refus sont essentiellement adressés aux entreprises en difficultés, qui disposent de fonds propres négatifs ou inférieurs à la moitié de leur capital social.

Si dans la réglementation du PGE il est bien spécifié que les banques ne peuvent pas prêter aux entreprises qui sont dans cette situation, il est nécessaire d’avoir une approche plus large de la notion de fonds propres : ainsi, les banques doivent désormais inclure dans les fonds propres les comptes courants d’associés. Une telle mesure devrait réduire le nombre de refus : car si ceux-ci sont adressés à des entreprises aux fonds propres négatifs, notre raisonnement est de regarder de plus près la viabilité de la structure. Si elle est viable, il faut tout mettre en œuvre pour la sauver.

Estimez-vous que les résultats du PGE sont satisfaisants ?

Il est en effet important de préciser que le PGE fonctionne plutôt bien et que les banques jouent le jeu. Par ailleurs, le PGE doit répondre aux besoins de trésorerie liés à la crise. Il ne doit pas être un effet d’aubaine pour les entreprises notamment dans le cadre d’un rachat de crédit. Le montant maximum du PGE est de trois mois de chiffre d’affaires de l’entreprise, pouvant être scindé en plusieurs parties.

Il faut également ajouter que si l’entreprise fait intervenir plusieurs banques, le PGE est partagé entre les établissements, en fonction des flux de l’entreprise envers les banques et non en fonction des encours de crédit existants. Les critères de répartition sont déterminés selon les mouvements de trésorerie. Le PGE n’est pas un outil de conquête de marché pour les établissements bancaires, mais un dispositif de survie pour les entreprises.

Quelle est la démarche à suivre pour les entreprises en cas de refus ?

Globalement, lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés avec un ou plusieurs établissements financiers (banques, crédit bailleurs, sociétés d’affacturage, assureurs-crédit, etc.), elle peut saisir le médiateur du crédit.

Comment fonctionne la médiation du crédit ?

La médiation du crédit est un dispositif public qui vient en aide à toute entreprise qui rencontre des difficultés avec un ou plusieurs établissements financiers (banques, crédit bailleurs, sociétés d’affacturage, assureurs-crédit, etc.), notamment dans le cadre de l’obtention du PGE.

Elle est présente sur l’ensemble du territoire, grâce à l’action de 105 médiateurs du crédit qui sont les directeurs de la Banque de France en métropole.

Au niveau national, après 731 entreprises éligibles à la médiation du crédit en mars, ce sont 645 entreprises qui ont été éligibles entre le 6 et le 10 avril. Les entreprises con- cernées sont quasiment exclusivement des TPE (six salariés en moyenne) dont la situation est généralement dégradée et qui peuvent être confrontées à des refus de prêts garantis par l’État (PGE). Les montants cumulés de crédits demandés atteignent 112 M€ sur les cinq jours. La médiation est toutefois saisie de quelques dossiers pour des montants plus significatifs (une dizaine de dossiers pour environ 54 M€), ce qui donne un montant de crédits d’environ 11,6 M€ par jour et un encours moyen de 92 100 €.

Certains dispositifs ont aussi été assouplis en direction des chefs d’entreprise dans cette période de crise sanitaire…

En effet, pendant toute cette période le dispositif de diagnostic d’entreprise baptisé Opale peut désormais être effectué gratuitement par les entreprises, en ligne ou avec l’aide et l’accompagnement d’un conseiller de la Banque de France.

Comment envisagez-vous les prochaines semaines ?

L’un des messages qui est envoyé aujourd’hui par les autorités est de favoriser la reprise du travail et de l’activité, dans le respect des règles sanitaires et de sécurité bien évidemment. L’objectif étant pour les entreprises de générer de l’activité et du chiffre d’affaires, en étant inventives (services à domicile, à emporter, drive…).

À la différence de la crise financière de 2008, aujourd’hui les outils ne sont pas abîmés, ils sont juste gelés. Il faut donc les maintenir pour qu’ils soient prêts à redémarrer lorsque viendra la reprise. Nous sommes donc raisonnablement confiants pour la suite.