Le fondateur de l’Institut Sapiens était à Troyes pour évoquer la façon dont le digital creuse les inégalités au lieu de les combattre.
Économiste, auteur et fondateur de l’Institut Sapiens, un « think tank » qui compte une antenne à Troyes, Olivier Babeau a donné une conférence au centre de congrès de l’Aube pour évoquer “Comment le digital fait exploser les inégalités”. Un thème qu’il évoque longuement dans son dernier livre Le nouveau désordre numérique . Loin des promesses qu’il laissait entrevoir à l’orée des années 2000, Internet a engendré des dérives qu’il pointe du doigt. « Les réseaux sociaux qui devaient organiser le débat ont fini par le tuer parce qu’on s’y invective au lieu de discuter », estime-t-il. Même constat autour de l’information qui devait trouver sur le web un nouveau lieu d’expression. « Internet a fait disparaître l’information véritable en laissant la place aux fake news et aux complotistes », ajoute- t-il en rappelant qu’aujourd’hui, près de 10 % des Français croient toujours que la Terre est plate. Internet a contribué aussi à créer des entités économiques nouvelles à la puissance inégalée et qui ne cessent de croître. « Sur internet, le premier rafle la mise et restera toujours le meilleur par un effet auto-réalisateur », souligne Olivier Babeau en évoquant la puissance des « Gafa ». « Il est question d’uberisation mais il faudrait plutôt parler de plateformisation », ajoute le fondateur de l’Institut Sapiens, en faisant allusion au plus grand diffuseur d’information qui ne produit aucun contenu, à la première compagnie de taxi au monde qui ne possède aucun véhicule, ou encore au leader mondial de la réservation hôtelière, propriétaire d’aucun hôtel.
LES DIFFÉRENCES SE CREUSENT
Dans le numérique, il existe aussi des « techno-leaders et des techno-largués ». Près d’un Français sur quatre n’est pas à l’aise face à l’ordinateur. Un handicap insurmontable alors que le digital est omniprésent dans le milieu professionnel comme dans la vie de tous les jours. Voilà comment le digital favorise les inégalités sociales. L’auteur montre du doigt d’autres inégalités. « On pensait que le numérique allait abolir les frontières et les distances, or c’est le contraire qui se passe », constate-t-il. Sur le principe, internet devait permettre de travailler depuis n’importe quel endroit. Dans les faits, l’emploi se concentre dans les grandes agglomérations et les espaces ruraux continuent de se vider en France. Dans ces grandes agglomérations où tout le monde veut vivre, le prix de l’immobilier explose créant des inégalités face à l’accès au logement. La liste des dérives du digital est encore plus longue. Impossible même de savoir jusqu’où elle ira. « La croissance de la puissance des ordinateurs est exponentielle », prévient Olivier Babeau. Comment réagir face à cela ? « D’abord en retrouvant le sens de la mesure, ensuite en faisant preuve de réflexion face à tout ce qu’on peut trouver sur internet », fait-il remarquer. La régulation pourrait aussi devenir un enjeu fondamental pour éviter d’autres dérives. « Mais je ne suis pas technophobe, bien au contraire, la technologie est source de progrès pour l’humanité », conclut-il encore.
