Le monde judiciaire se mobilise pour les entreprises

Alors que le tribunal de commerce, comme l’ensemble des tribunaux de Dijon, a fermé ses portes dès les premières mesures annoncées par le Gouvernement, le personnel continue à travailler aux côtés des greffiers et des administrateurs et mandataires judiciaires.

Un seul mot clé, “l’urgence”. En ces temps de guerre, l’ensemble du monde judiciaire ne traite plus que des urgences pour pouvoir se mobiliser au mieux pour les entreprises et limiter la crise économique et sociale qui pourrait en découler. « Comme tout le monde aujourd’hui, nous avançons à petit pas au rythme des annonces et des recommandations qui nous sont faites, confie Jérôme Prince, président du tribunal de commerce de Dijon. Ici, le greffe s’est mis en état de marche avec une permanence physique de deux à trois personnes et une grande partie du personnel est en télétravail pour pouvoir suivre les dossiers. Une partie travaille au niveau du RCS (Registre du commerce et des sociétés, Ndlr) et nous nous sommes calés, sur demande de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, sur le principe de l’urgence extrême. » En effet, le tribunal de commerce, comme l’ensemble des tribunaux de Dijon, a pris le parti de fermer ses portes dès les premières mesures annoncées par le Gouvernement. « Nous avons bien sûr arrêté l’ensemble de nos audiences physiques pour respecter les mesures sanitaires en vigueur, explique-t-il. Tout ce qui concerne les contentieux n’est pas urgent, il n’y a donc pas d’activité. Au niveau des référés, on regarde ce qui pourrait arriver et quel est le niveau d’urgence d’un référé. Enfin, pour ce qui est de la prévention, nous nous sommes organisés pour recevoir les demandes des sociétés. » Autant de démarches qui dépendent finalement de l’appréciation du tribunal de commerce dont son président confie toutefois : « aujourd’hui, et nous vivons au jour le jour, nous sommes à un rythme très réduit puisqu’avec toutes les mesures prises par le Gouvernement, le temps est plutôt aux entreprises de faire avec ces mesures qui sont plus efficientes que de faire un mandat ad hoc avec un mandataire qui ne fera certainement pas mieux que ce que nous mettons sur la table aujourd’hui ». Toute une panoplie a priori qui pourrait tout de même ne pas empêcher certaines entreprises à se retrouver en difficulté… « À ce moment-là, peut-être qu’un mandataire ad hoc sera en effet utile pour faire le pont entre la société et les banques, Bpifrance, etc. Aujourd’hui, tout est organisé pour que ce soit fluide », complète le président du tribunal de commerce de Dijon.

MAINTENIR L’ACTIVITÉ EN LIGNE ET À DISTANCE

Dans un récent communiqué, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et Infogreffe évoquaient l’importance de maintenir l’activité des greffes à distance en donnant des chiffres nationaux : 12.000 formalités dématérialisées ont été traitées, 60.000 mises à jour du RCS ont été enregistrées et 2.000 mails et 750 appels téléphoniques ont été traités par le service client d’Infogreffe, rien que sur la première semaine de confinement. « Nous devons utiliser les outils digitaux à disposition, explique Jérôme Prince. Il y a notamment le site tribunaldigital.fr qui permet de faire des demandes dématérialisées pour saisir le tribunal de commerce et suivre les dossiers et procédures en cours. Il y a infogreffe.fr qui permet aussi aux chefs d’entreprises et aux professionnels d’avoir un contact avec les greffes. Et nous sommes en train de mettre en place des systèmes de visioconférence pour pouvoir, par nécessité, ouvrir des procédures ». Enfin, les chefs d’entreprises peuvent aussi obtenir gratuitement et à tout moment leur Kbis numérique en ligne sur monidenum.fr.

UN NUMÉRO VERT POUR LES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES

De son côté, le Conseil national des administrateurs et des mandataires judiciaires a mis en place lundi 23 mars un numéro vert : 0 800 94 25 64. « Nous sommes des groupes de 20 à 40 administrateurs et mandataires judiciaires à assurer des permanences de deux jours à tour de rôle et nous recevons des appels de toute la France. Nous recevons près de 300 appels par jour, explique Jean-Joachim Bissieux. Les chefs d’entreprises qui nous appellent ont surtout besoin d’être informés, accompagnés et conseillés ». Pour ce mandataire judiciaire dijonnais, « beaucoup de chefs d’entreprise âgés entre 40 et 50 ans, dans la force de l’âge, vont préférer liquider pour mieux repartir plutôt que de se placer en redressement ou de devoir emprunter alors qu’ils venaient de réussir à stabiliser leur activité ».

De son côté, le président du tribunal de commerce s’inquiète surtout du contrecoup. « En sortie de crise, un certain nombre de sociétés va devoir payer des charges à nouveau sans recette alors que le commerce ne repartira pas immédiatement. » Lui- même chef d’entreprise, Jérôme Prince confie aussi penser à ses juges qui, pour 27 d’entre eux, sont aussi chefs d’entreprises. « Plus le confinement durera, plus nous aurons des difficultés et des défaillances d’entreprises. Mais d’un autre côté, le problème sanitaire est là, et ne vaut-il mieux pas régler le problème du virus pour que les sociétés repartent plein pot… ».