Le monde du spectacle en suspens

Tous les festivals estivaux de la région ont été annulés à l’image de La Magnifique Society ou du Cabaret Vert.

Les établissements culturels et évènementiels ont fermé leurs portes le 17 mars, lendemain de l’annonce des mesures de confinement obligatoires. Depuis, spectacles, concerts et salons ont été annulés, laissant artistes, exposants et spectateurs dans l’expectative.

Au début des mesures de confinement, les établissements culturels n’osaient croire à une annulation pure et simple de la saison. Pourtant au bout d’un mois, ils ont dû se rendre à l’évidence : le covid-19 a mis un coup d’arrêt définitif à la saison 2019-2020. La plupart des festivals estivaux ont été annulés. Dans la région, les plus emblématiques, la Magnifique Society ou le Cabaret Vert n’ont pas échappé à la règle.

UN FESTIVAL À 6,3 MILLIONS D’EUROS DE BUDGET ANNULÉ

Concernant ce dernier, la Préfecture des Ardennes a estimé qu’il ne paraissait pas envisageable d’autoriser l’évènement aux dates prévues (20 au 23 août), compte-tenu des risques que pouvait engendrer un tel rassemblement (102 000 festivaliers en 2019). Un coup dur pour les organisateurs qui, s’ils vont pouvoir amoindrir l’impact financier de cette décision grâce aux assurances et placer leurs 13 salariés en chômage partiel, doivent toutefois combler une ardoise de 500 000 euros malgré le maintien déjà acquis des subventions de la ville de Charleville-Mézières et de la communauté d’agglomération pour l’édition 2020. Le budget du festival s’élève en effet à 6,3 millions d’euros dont 2,6 de billetterie lors de l’édition record de 2019. La Magnifique Society est elle, « reportée » en 2021. Reportée, car les organisateurs espèrent pouvoir de nouveau accueillir certaines têtes d’affiche prévues en 2020 comme le jazzman Herbie Hancock. « Les billets de l’édition 2020 seront valables pour celle de 2021 pour ceux qui veulent nous soutenir. Mais les spectateurs souhaitant être remboursés, peuvent l’être jusqu’au 17 octobre », indique Damien Mahoudeaux, responsable de la communication de la Cartonnerie.

DES JAUGES AU TIERS PLEINE

Côté salle de concert, la Cartonnerie, a elle aussi mis un terme à sa programmation. Mais loin de céder à la morosité, l’équipe cherche des solutions pour réinventer les événements et prépare activement la saison 2020- 2021. « Certains artistes nous soutiennent, à l’image d’IAM, qui ont fait partie des premiers à voir leur date annulée au mois de mars. Leur concert sera le premier à être programmé au mois de septembre ». La grande question réside dans les modalités d’accueil que devra mettre en place la structure. « On travaille en bonne intelligence, la préoccupation numéro un est de ne pas faire prendre de risques, ni à nos salariés, ni aux spectateurs. » Si la question sanitaire est prise en compte, les impératifs économiques sont aussi importants. « La grande salle est faire pour accueillir 1 200 personnes, mais faire espacer les spectateurs d’un mètre cela semble compliqué, et il n’est pas sur qu’un artiste accepte de jouer dans de telles conditions…», s’interroge Damien Mahoudeaux. Pour le théâtre de Charleville-Mézières, le TCM, cette problématique est incontournable.

« La jauge est de 650 personnes, indique sa directrice Anaïs Testart, mais pour respecter les gestes barrières, nous ne placerons qu’une personne sur deux et un rang sur deux, cela revient à remplir le tiers de la salle. » Au total, cinq spectacles ont été reportés et trois annulés. « Si les mesures sanitaires ne sont pas assouplies d’ici le début de la nouvelle saison, cela va être une catastrophe pour beaucoup de monde. Comme nous sommes un théâtre à l’italienne, sur 500 places, on ne pourrait en remplir qu’une centaine », estime Christian Dufour, directeur du théâtre le Salmanazar à Épernay.

PAS DE DRIVE IN POUR LES ÉVÉNEMENTS

Nombreux sont les professionnels qui se demandent comment concilier l’esprit même d’un spectacle avec les nouvelles conditions sanitaires imposées. La convivialité, l’échange, la « fièvre communicative » entre le public et l’artiste font partie de la saveur d’un spectacle. « Certains artistes ont annoncé ne pas vouloir jouer dans des conditions sanitaires où les salles seraient à moitié-pleines avec un public masqué, ces conditions faisant perdre tout le sens et l’esprit d’une représentation », confie Christian Dufour. « On réfléchit à de nouvelles formes artistiques mais nous ne mettrons pas en place des choses comme les drive-in voiture, ce n’est pas dans l’esprit de ce que nous défendons, dans nos valeurs », soutient le responsable de la communication de la Cartonnerie. Afin de « sauver » la saison 2019-2020, l’équipe pense ré-ouvrir des ateliers ou des résidences d’artistes, mais sous un mode nouveau, « non plus à 10 dans une toute petite salle ». La rentrée est néanmoins préparée avec des groupes de nouveau « bookés ».

Pour autant, la profession est en attente de mesures fortes de la part du Gouvernement et plus encore du Ministre de la Culture, Franck Riester. « Pour l’instant, c’est encore très flou. On le voit avec l’exemple de la fête de la Musique qui a été annoncée comme ayant lieu mais sous des formes différentes sans qu’il ait été précisé de quelle manière elle pouvait être envisagée », note Damien Mahoudeaux.

Financièrement, la structure n’est pas en danger dans la mesure où elle est soutenue à un tiers par la collectivité un autre tiers par des partenaires privés et enfin grâce à de l’auto-subvention à savoir, la billetterie. Elle a pu ainsi honorer ses engagements auprès des intermittents. Au TCM, la saison 2020-2021 « est bouclée depuis mars », car le travail de réservation des compagnies se fait une année à l’avance. Pour l’année à venir, 45 spectacles et 70 représentations sont d’ores et déjà prévus. « Pour le moment on envisage différents scénarios mais nous nous efforçons de rester optimiste », livre Anaïs Testart. « Pour nous qui fonctionnons essentiellement sur abonnement, est ce que les gens seront prêts à revenir dans des conditions particulières dès septembre ? Je suis raisonnablement optimiste », se veut rassurant Christian Dufour.

L’ÉVÉNEMENTIEL SE RÉINVENTE

Tout aussi touché de plein fouet par la crise, le secteur de l’événementiel se réinvente. Reims Events a par exemple vu son chiffre d’affaires tomber à zéro sur la période mars / mi-septembre, pourtant riche en salons et expositions. Organisateur et créateur d’évènements, la structure aux 45 salariés a vu son activité stoppée net sur les deux espaces dont elle a la gestion : le parc des expositions et le Centre des Congrès. « Une quarantaine d’évènements ont été annulés, ce qui représente une chute de 65% de notre chiffre d’affaires », indique ainsi son directeur général, Laurent Blaya. La première des mesures a pourtant été « de prendre des nouvelles des partenaires et clients, de s’assurer des paiements en temps et en heure des collaborateurs. » Avec l’annulation des événements, de nouvelles mesures sanitaires ont été décidées par le Gouvernement, Reims Events a donc dû réfléchir à leur mise en œuvre. « Nous avons participé à de nombreuses réunions et nous nous affairons désormais à bâtir un plan de relance.» De nouvelles manières de travailler ont ainsi été initiée comme la création de « e-événements », permettant de réunir plus 2 000 participants en même temps. « Nous mettons à disposition un studio TV dans lequel un nombre limité de personnes seraient présentes et, grâce à des caméras, le séminaire serait retransmis en direct avec possibilité d’échanges, de vote, de quizz ». Concernant l’année 2020-2021, 25% des congrès et séminaires ont été reportés. « Pour la partie salon, on ne s’avance pas pour septembre. Nous allons déjà reprendre nos marques cet été. On a concentré nos efforts sur les mois d’octobre et novembre en espérant que la situation se soit apaisée d’ici là », confie Laurent Blaya. Ainsi, les deux premiers grands événements annoncés sont le salon Habitat et jardin les 17 et 18 octobre ainsi qu’une grande première dans la région, les Beer days, 3 jours consacrés à la bière en terre de champagne, aux micro-brasseurs et artisans les 29, 30 et 31 octobre. « La grosse soirée se déroulera le 31 octobre, avec plusieurs surprises. »