Le masque français chahuté par la mondialisation

La secrétaire d’État est venue à Troyes dans une usine qui s’est montée en quelques semaines seulement pour répondre aux besoins des personnels soignants.

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, était en visite à Troyes pour faire le point avec les acteurs de la filière qui notent la baisse des grosses commandes.

La fabrication de masques peut-elle devenir une activité pérenne pour les entreprises du Grand Est ? Venue dans l’Aube visiter « l’usine de campagne » lancée par BioSerenity à Troyes, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, aura soufflé le chaud et le froid. La situation d’urgence et des tensions d’approvisionnement passées, le retour aux conditions de marché vont amener à forcément une redistribution des cartes. Les industriels aubois de la filière textile, quasiment tous reconvertis avec succès dans la fabrication de masques lavables, en ressentent déjà les effets. Parmi les dix entreprises auboises certifiées auprès de la Direction Générale de l’Armement, certaines annoncent déjà l’arrêt progressif de la fabrication de masques. C’est le cas des plus grandes : Lacoste, Petit Bateau et le Coq Sportif. En revanche, la situation est différente pour les PME telles que Chanteclair et l’Atelier d’Ariane qui ont investi et embauché pour atteindre des capacités de production importantes, 450 000 masques par semaine pour la première et un million hebdomadaire pour la seconde. « Depuis le déconfinement, les gros volumes ne sont plus là », constatent les dirigeants réunis à la préfecture de l’Aube pour une table ronde en présence d’Agnès Pannier-Runacher. Les raisons sont multiples, comme la baisse des commandes des collectivités et des entreprises et la concurrence accrue de masques importés à moindre coût, notamment d’Asie. « Nos industries textiles ont été formidables et c’est maintenant aussi aux consommateurs français de prendre leurs responsabilités dans leurs choix », plaide la secrétaire d’État qui met en avant la norme française garantissant les qualités de filtration et de réutilisation de ces masques lavables. Chanteclair et d’autres, comme Tismail, comptent sur l’engouement pour le made in France et la vente en ligne pour toucher le grand public. Au cours de cette visite, il aura beaucoup été question de chiffres et de modèle économique. « Nous avons mis en place les ingrédients pour une relocalisation de la production en Europe, sans balayer pour autant la mondialisation », explique-t-elle.

AMORTISSEMENT INDUSTRIEL RAPIDE

Exemple avec les commandes massives que le gouvernement passera, jusqu’à la fin de l’année, avec quatre nouveaux fabricants de masques chirurgicaux destinés aux personnels soignant, dont BioSerenity fait partie à Troyes. « Avec un prix unitaire de 47 centimes, l’industriel va pouvoir amortir très rapidement son investissement et pouvoir ensuite mieux faire face à la concurrence internationale », analyse Agnès Pannier-Runacher, qui souhaite également que ces achats tiennent compte de l’impact environnemental des transports ou encore du coût social. La bataille s’annonce rude car le masque chirurgical chinois se négociait à six centimes avant l’arrivée du Covid qui a fait exploser les prix. En clair, chaque acteur devra trouver un modèle économique indépendant car l’État ne soutiendra pas indéfiniment la nouvelle filière française de production de masques. La secrétaire d’État précise par exemple que le fait de proposer des masques lavables 50 fois met le coût d’usage à 10 centimes, avec un avantage environnemental supérieur. En attendant, les onze lignes de la nouvelle usine troyenne de BioSerenty entrent progressivement en production en fonction de l’avancement du plan de recrutement de 150 personnes. L’objectif de fabrication quotidienne de 500 000 masques devrait rapidement être atteint.