Le long combat de l’inclusion

(Photo : Anthony ARROSERES)

Élise Ghienne est la gérante d’Interpretis, une Scop spécialisée dans l’interprétariat en langue des signes française qui fête cette année ses 20 ans.

En 1999, Interpretis est née d’un accident : « avant, il y avait un service d’interprètes en langue des signes française (LSF) qui existait sous forme associative, explique la gérante de cette Scop, Elise Ghienne. Mais l’association a dû déposer le bilan » à cause d’un manque de subvention. Aussi, sans se laisser décourager, les interprètes ont-ils décidé de recréer une structure sous forme de Scop, inspirés « par une personne sourde qu’ils accompagnaient et qui avait monté sa structure en coopérative ».

Bien leur en a pris : 20 ans plus tard, Interpretis est toujours là, emploie 25 interprètes et six personnes pour l’administration, et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre du million d’euros. Un résultat « constant depuis trois ou quatre ans », note la gérante, même si elle regrette qu’il ait baissé, « parce que nous avons connu jusqu’à 1,2 M€ de CA. Mais en 2015, quand Websourd a fermé [une entreprise de services dédiés aux sourds, en particulier un projet expérimental d’interprétation des appels téléphoniques par visio-conférence], on a perdu beaucoup de chiffre d’affaires, ainsi que des factures impayées, et même du capital qu’on avait investi chez eux… On a eu des moments très difficiles ! »

Mais il en fallait plus pour abattre Interpretis. Au total, ce ne sont ainsi pas moins de 13 000 heures d’interprétation en LSF qu’assure par an la Scop – celle-ci profitant en plus du fait qu’à Toulouse se trouve la seule école d’interprètes du Sud, les trois autres étant concentrées dans le nord de la France (Paris, Rouen et Lille). « On intervient pour toute la filière bilingue », de la maternelle à l’université ; sachant que pour les tout-petits, l’interprète n’intervient pas dans les classes, « mais dans les réunions pédagogiques entre enseignants sourds et entendants, ou avec les parents. On intervient un petit peu en classe dans les collèges, mais surtout à partir du lycée », explique Elise Ghienne Les interprètes travaillent aussi « pour les collectivités territoriales qui nous sollicitent pour intervenir auprès de leur public, par exemple lorsque le Département ou la Région organisent des journées thématiques avec des débats. »

Parmi les clients de la Scop, figurent aussi beaucoup d’entreprises, qui veulent favoriser « l’accessibilité des salariés sourds, notamment en les aidant à participer aux réunions importantes. Et comme il y a une grande communauté sourde à Toulouse, il y a du coup beaucoup de personnes sourdes en emploi, même si le taux de chômage reste fort chez elles ! », de l’ordre de 50 % chez les actifs entre 20 et 60 ans… Dont environ « 35 % qui ne s’inscrivent même plus au chômage, tellement ils ont subi de difficultés ! » Ce qui promet à Interpretis un avenir certain, Elise Ghienne formulant, elle, le vœu que la formation des sourds – notamment des plus jeunes – ne serve plus bientôt seulement qu’à « former des salariés, mais aussi des porteurs de projets de création d’entreprise ».