Élise Ghienne est la gérante d’Interpretis, une Scop spécialisée dans l’interprétariat en langue des signes française qui fête cette année ses 20 ans.
En 1999, Interpretis est née d’un accident : « avant, il y avait un service d’interprètes en langue des signes française (LSF) qui existait sous forme associative, explique la gérante de cette Scop, Elise Ghienne. Mais l’association a dû déposer le bilan » à cause d’un manque de subvention. Aussi, sans se laisser décourager, les interprètes ont-ils décidé de recréer une structure sous forme de Scop, inspirés « par une personne sourde qu’ils accompagnaient et qui avait monté sa structure en coopérative ».
Bien leur en a pris : 20 ans plus tard, Interpretis est toujours là, emploie 25 interprètes et six personnes pour l’administration, et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre du million d’euros. Un résultat « constant depuis trois ou quatre ans », note la gérante, même si elle regrette qu’il ait baissé, « parce que nous avons connu jusqu’à 1,2 M€ de CA. Mais en 2015, quand Websourd a fermé [une entreprise de services dédiés aux sourds, en particulier un projet expérimental d’interprétation des appels téléphoniques par visio-conférence], on a perdu beaucoup de chiffre d’affaires, ainsi que des factures impayées, et même du capital qu’on avait investi chez eux… On a eu des moments très difficiles ! »
Mais il en fallait plus pour abattre Interpretis. Au total, ce ne sont ainsi pas moins de 13 000 heures d’interprétation en LSF qu’assure par an la Scop – celle-ci profitant en plus du fait qu’à Toulouse se trouve la seule école d’interprètes du Sud, les trois autres étant concentrées dans le nord de la France (Paris, Rouen et Lille). « On intervient pour toute la filière bilingue », de la maternelle à l’université ; sachant que pour les tout-petits, l’interprète n’intervient pas dans les classes, « mais dans les réunions pédagogiques entre enseignants sourds et entendants, ou avec les parents. On intervient un petit peu en classe dans les collèges, mais surtout à partir du lycée », explique Elise Ghienne Les interprètes travaillent aussi « pour les collectivités territoriales qui nous sollicitent pour intervenir auprès de leur public, par exemple lorsque le Département ou la Région organisent des journées thématiques avec des débats. »
Parmi les clients de la Scop, figurent aussi beaucoup d’entreprises, qui veulent favoriser « l’accessibilité des salariés sourds, notamment en les aidant à participer aux réunions importantes. Et comme il y a une grande communauté sourde à Toulouse, il y a du coup beaucoup de personnes sourdes en emploi, même si le taux de chômage reste fort chez elles ! », de l’ordre de 50 % chez les actifs entre 20 et 60 ans… Dont environ « 35 % qui ne s’inscrivent même plus au chômage, tellement ils ont subi de difficultés ! » Ce qui promet à Interpretis un avenir certain, Elise Ghienne formulant, elle, le vœu que la formation des sourds – notamment des plus jeunes – ne serve plus bientôt seulement qu’à « former des salariés, mais aussi des porteurs de projets de création d’entreprise ».