Le « live » dynamise le monde des enchères

Chez Alban Gillet, commissaire-priseur à Reims, certaines ventes peuvent attirer plus de 1 000 personnes en live.

Avec le confinement du printemps 2020, les Français se sont découverts une passion pour les ventes aux enchères en ligne. Eclairage avec l’étude Chativesle à Reims.

La crise sanitaire et les différents confinements auront eu un impact sur de nombreux secteurs d’activités. Celui de la vente aux enchères est l’un d’eux. Le site Interenchères, spécialiste national de la vente aux enchères en ligne, a ainsi enregistré une progression spectaculaire des ventes « live » en 2020 (voir ci-dessous).

Pourtant il y a une quinzaine d’années, lors de leur arrivée sur le marché, les ventes en lignes ne se sont pas imposées naturellement. « Au début nous avions tendance à nous en méfier un peu », admet Me Alban Gillet, commissaire-priseur à Reims. Nouveau, pas encore parfaitement au point techniquement et encore source d’inquiétude quant aux règlements, le live s’est progressivement imposé dans les études. D’ailleurs, dès qu’il a repris l’étude Chativesle en 2012, Alban Gillet l’a rapidement instauré dans ses ventes. « Au début je réservais le live uniquement pour les ventes cataloguées, puis je l’ai progressivement étendu aux ventes spécialisées », rappelle le commissaire-priseur rémois. « Depuis que nous avons déménagé dans nos nouveaux locaux en août 2020, nous faisons toutes nos ventes du mardi en live ».

CONNEXIONS RECORDS

Aujourd’hui, les ventes aux enchères réunissent plusieurs typologies différentes de clients. Outre les acheteurs présents en salle des ventes, par téléphone ou ceux qui ont passé un ordre d’achat au préalable, nombreux sont les acheteurs potentiels présents en ligne via internet. Si elle a progressé au cours des dix dernières années, cette dernière clientèle a véritablement fortement progressé au cours de l’année 2020, dès le premier confinement.

Le confinement du printemps 2020 a fait bondir les chiffres de connexion sur le site référence Interenchères, géré par la profession et auquel sont inscrites toutes les études françaises. Des connexions records causées par un nombre de ventes en ligne en hausse et qui se traduisent aussi en augmentation de chiffre d’affaires pour les ventes. Ainsi en mai 2020, le site a enregistré un nombre record de ventes retransmises en ligne (650), en progression de +68% à mai 2019. Ces ventes ont généré 38,5 M€ de produis vendu (soit un bond de +126,4% par rapport à mai 2019 !) sachant que 70% des lots vendus l’ont été en live.

«Les personnes en ligne sur le live peuvent être de simples spectateurs ou des acheteurs qui ont déjà repéré des lots au préalable », souligne le commissaire-priseur rémois. Si pour pouvoir enchérir sur un lot il faut s’être inscrit et avoir livré une trace bancaire, il est aussi possible de se connecter librement pour suivre les enchères en direct. Une simplicité d’accès, moins impressionnante pour certaines personnes que l’accès à la salle des ventes, qui semblent à tort, aux yeux du grand public, réservées aux initiés. « Les gens n’imaginent pas que la moitié des lots des ventes commencent à 5 euros. En rendant les enchères plus accessibles au plus grand nombre, le live est vraiment un « plus » pour nous », apprécie Alban Gillet, qui propose tout au long de l’année des ventes classiques le mardi (issues de successions, de déménagements ou de lots de marchands), des ventes cataloguées d’objets d’art (quatre fois par an), des enchères de vin et de champagne deux fois par an, mais aussi des ventes Militaria, de timbres ou de jouets anciens.

Pour les commissaires-priseurs, le live présente un intérêt également car en augmentant l’affluence, les lots ont davantage de chance de trouver des acquéreurs. « En salle les gens viennent pour des lots très précis, alors qu’en live les personnes connectées peuvent se décider au dernier moment », souligne Alban Gillet, dont l’équipe met en ligne chaque objet, sa photo, son descriptif et un prix indicatif deux semaines avant la vente.

CHIFFRES D’AFFAIRES EN HAUSSE

Ces achats plus impulsifs dynamisent les ventes et qui, comme par téléphone et ordre d’achat, pimentent aussi l’activité en salle des ventes en créant une concurrence nouvelle entre acquéreurs. « Lors de notre dernière vente cataloguée, nous avions 1 000 personnes connectées pour une trentaine de personnes en salle ».

Résultat, davantage de lots trouvent preneurs et mécaniquement le chiffre d’affaires des ventes s’envolent. « Sur une vente du mardi de 350 lots, j’ai aujourd’hui une dizaine d’invendus contre une centaine auparavant. Ce sont des ventes sur lesquelles nous faisions entre 6 et 8 000 euros de chiffres d’affaires, nous atteignons jusqu’à 16 000 ou 20 000 euros aujourd’hui », admet le commissaire-priseur. Un intérêt non négligeable pour lui mais aussi pour les vendeurs, en terme commercial mais aussi en matière de gestion et de stockage.

Le live permet aussi de trouver une clientèle d’acquéreurs plus large, parfois même à l’international, et donc de permettre aux salles des ventes d’imaginer de nouvelles thématiques plus pointues. Ainsi, l’étude Chativesle proposera une vente spécialement dédiée au jazz le 17 octobre prochain, en partenariat avec ses voisins de l’association rémoise Jazzus, organisatrice du festival Sunnyside. Une date à noter dès maintenant.

Une année record

En France en 2020, les ventes live sur le site Interenchères ont généré 396 M€ de produit adjugé, soit une progression de +81% par rapport à l’année précédente.

Plus de 250 000 nouveaux enchérisseurs se sont manifestés (+37%) et 58% des lots ont été vendus en live.

Merci le confinement !

La nouvelle clientèle du live a véritablement découvert ce système à l’occasion de la crise sanitaire puisque selon Interenchères, 47% des primo-acheteurs en live lors du premier confinement n’avaient jamais acheté aux enchères et chinaient jusqu’alors dans les brocantes, les vide-greniers ou sur des plateformes d’e-commerce. Toujours selon le spécialiste, 92% d’entre eux prévoyaient d’y recourir ensuite régulièrement. Une tendance qui s’est en effet prolongée de manière durable puisque, un an plus tard, les enchères live restent très prisées.