Le levier franco-bourguignon de la stratégie alpine de l’UE

Le 4 février 2020, la France a récupéré la présidence de la Suera, en présence de Marie-Guite Dufay (région BFC), Renaud Muselier (région PACA), Fabrice Pannekoucke et Laurent Wauquiez (région AuRA) et Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires.

La région Bourgogne Franche-Comté possède des atouts qui peuvent ensemble contribuer à un vrai effet de levier d’intelligence territoriale pour les dynamiques européennes unies dans la diversité. Encore faut-il pouvoir trouver de vrais et bons projets qui se font souvent attendre et notamment dans la stratégie alpine européenne que préside la France encore en 2021.

Dans sa volonté de développement interrégionale, l’Union européenne a encouragé depuis 2016 une stratégie alpine macrorégionale (plus connue sous l’acronyme Suera ou encore Eusalp) intéressant cinq États de la Commission européenne que sont la France, l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, la Slovénie, et deux États membres, la Suisse et le Liechtenstein, regroupant 48 régions dont Auvergne- Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Bourgogne Franche-Comté, couvrant 80 millions d’habitants, soit 16 % de la population de l’UE, afin de traiter, ensemble des aspects liés au transports, à l’économie, l’emploi, l’agriculture, le tourisme, la démographie et le développement urbain, conditionnés au climat et au relief de montagne. Avec ses trois régions, la France assurait la présidence de cette Stratégie de l’UE pour la région alpine en 2020 et est reconduite exceptionnellement en 2021 à travers sept priorités surtout tournées vers la transition écologique pour lutter contre le changement climatique, à savoir : préserver la biodiversité et prévenir les risques naturels, accélérer la transition énergétique de la région alpine, développer la mobilité et les transports durables, développer le tourisme soutenable en toutes saisons, promouvoir la consommation de produits locaux de montagne en circuit court, inciter les jeunes à participer au développement durable des Alpes et améliorer la gouvernance.

Certains projets concernent le passage de de l’or blanc au tourisme vert, la constitution d’un réseau euro-alpin pérenne de coopération entre stations de montagne engagées, l’inscription de dix lignes ferroviaires interrégionales et transfrontalières au réseau transeuropéen de transport (RTE-T), la multifonctionnalité des forêts de montagne et la biodiversité au cœur des discussions, ou encore l’incubation des projets européens structurants avec notamment l’implication des jeunes.

Côté chiffres, pour mémoire de ceux de 2014-2020, en attente de l’adoption définitive du budget européen à partir de 2021, voire confirmé en 2023, le programme alpin Interreg avait été doté de 139 millions d’euros dont 23 millions d’euros directement et uniquement par la région, avec 45 millions d’euros pour la recherche et l’innovation, 37 millions d’euros pour le bas carbone, 37 millions d’euros pour l’efficacité environnementale, 11 millions d’euros pour l’assistance technique et 11 millions d’euros pour l’efficacité publique, fonds qui n’ont été dépensés qu’à 49% en 2019 et 66% en 2020.

Rappelons que la Bourgogne, toujours différenciée en unité territoriale NUTS2, avec ses fonds Feder, ESF et Initiative emploi jeunes, avait reçu 598 millions d’euros pour n’en dépenser finalement que 68% en 2020 alors que la Direccte refusait encore certaines initiatives pour l’optimisation des emplois senior dans l’industrie et que la Franche-Comté – Jura (NUTS2) avait reçu 423 millions d’euros pour le même pourcentage.

UNE OPPORTUNITÉ POUR LES RÉGIONS ALPINES

La dynamique européenne Interreg est une vraie opportunité pour les régions et les villes. L’originalité des Alpes est de rassembler des collectivités frontalières pour les faire discuter et travailler ensemble, comme souvent entre et au sein d’organisations n’ayant pas la même identité et ne parlant pas la même langue, même si réunies autour d’une même montagne. Pour y parvenir, elles peuvent bien penser localement ou alors globalement en impliquant des éléments nouveaux qui n’apparaissent pas directement et naturellement concernés, soit en tant que facilitateurs, soit pour apporter des savoirs, savoir-faire et savoir être différents, comme dans une équipe, ou un orchestre, où toutes les composantes peuvent et doivent participer au projet et si possible en ingénierie concourante, toutes présentes et impliquées dès le démarrage. C’est par exemple le cas de la Bourgogne vis-à- vis de la Franche-Comté, historiquement rassemblées et devenues proches, qui s’affrontent toujours hélas plus que pouvoir travailler ensemble, contrairement à ce que les politiques veulent faire croire et entendre.

La Franche-Comté est par ailleurs trop orientée uniquement sur la Suisse, alors qu’elle peut aussi coopérer avec l’Allemagne comme l’essaie de le faire la Bourgogne mais avec uniquement un land, quand la Suisse cherche quant à elle à lui parler. On peut aussi rappeler que la région Rhône-Alpes, désormais avec l’Auvergne, n’a jamais vraiment réussi sa coopération avec les autres grandes régions économiques européennes avec lesquelles elle essaie de travailler alors qu’elle renouvelle les conventions chaque année en grande pompe.

LES ATOUTS RÉGIONAUX MIS EN AVANT

Tous les atouts des régions non directement concernées doivent être identifiés et inclus dans un vrai décloisonnement. Les régions de Dijon et de Besançon avec leurs pôles agro-alimentaires et les labels environnementaux, d’Auxerre avec ses projets industriels hydrogènes ou hexo-squelettes, de Nevers avec sa mécanique sportive de pointe et 3D ou de Montceau-Les-Mines avec son cluster ferroviaire doivent aussi être impliquées, voire même en tirer profit en retour, comme pour régler l’anomalie marketing de Montbard à une heure de Paris en TGV. Ces collectivités pourraient d’ailleurs participer à l’Interreg dédié aux villes.

Chaque région doit pouvoir également tirer un avantage comparatif et compétitifs d’autres territoire européens, non par hasard ou par affinité personnelle, comme le fait la métropole de Dijon avec les Balkans, mais avec de bons projets qu’il faut aller trouver de façon disruptive et avec une vraie intelligence de politique générale alliant stratégie, structure, identité et prise de décision, considérant chaque réalité et chaque option de façon mesurable accessible réaliste, réalisable et déterminée dans le temps. Les régions françaises peuvent aussi en profiter pour valoriser leurs savoir-faire entre elles par l’intermédiaire des régions européennes par exemple sur les batteries en Isère, misant sur une coopération franco-allemande incluant les compétences locales plus que sur une pure compétition, même dans une recherche de segmentation industrielle européenne.

Ne décourageons pas les bonnes initiatives et misons sur les gouvernances nouvelles ou renouvelées des régions pour une certaine continuité mais un effort accru de recherche de vision et de solutions dont nos territoires et leurs composantes ont besoin, en pensant et agissant autrement pour participer d’autant plus au nouvel élan de développement durable réclamé par les populations et relayé par les collectivités, les nations et les institutions.

Source des données chiffrées : cohesiondata.ec.europa.eu

François Charles. Économiste, Conseil en stratégie, management, Président de l’IRCE