Le Grand Est fait un point d’étape sur le dispositif « Ferme du futur »

Philippe Mangin, Lilla Merabet et Pascale Gaillot, trois Vice-présidents du Grand Est pour porter la Ferme du futur. (Photo: Gérard Delenclos)

Chaque année, une centaine d’exploitations agricoles va bénéficier du dispositif «Ferme du futur», mis en place par le Conseil régional Grand Est. Le but : parvenir à introduire dans l’agriculture le pendant de l’Industrie du futur. Du 4.0 sans oublier les exigences sociétales et environnementales.

La Ferme du futur est une exploitation agricole qui vise à atténuer l’usage des intrants chimiques (pesticides, herbicides, fertilisants …) dans les terres en culture pour réduire l’impact négatif sur l’environnement. Ses connexions numériques lui permettent des nouveaux modes de management et de production afin de maintenir et de développer une activité qualitative et compétitive.

C’est ce schéma que la Région a décidé, à l’instar de l’Usine du futur, de promouvoir en lançant en juin dernier le Plan régional Ferme du futur avec l’ambition de contribuer à la modernisation de l’économie agricole. Le Grand Est va ainsi aider les exploitations régionales à entrer dans l’ère du 4.0. En partant d’un diagnostic, la Région souhaite voir se créer une synergie entre les acteurs du monde agricole et les prescripteurs d’outils d’aide à la gestion, à la production et à la commercialisation.

UN DIAGNOSTIC POUR COMMENCER

Si l’intervention de la Région tient d’abord aux diagnostics réalisés à la demande des exploitants, opérations financées par le Grand Est, les Fonds européens, l’Agence de l’eau, l’ADEME et l’État, elle doit se poursuivre par un accompagnement du monde agricole (Chambres d’Agriculture, Centres de gestion, Coopératives…) et par la constitution d’une communauté d’exploitations qui sera la vitrine de cette Ferme du futur et l’accompagnatrice des exploitants désireux d’entrer dans cette démarche. Dans son point d’étape à Châlons-en-Champagne, le Conseil régional a fait un premier bilan de cette démarche, présenté par trois de ses Vice-présidents : Lilla Merabet (Compétitivité, Innovation et numérique), Pascale Gaillot (Agriculture et viticulture) et Philippe Mangin (Bioéconomie, Agroalimentaire et bioénergies). Pour la première année, 100 exploitations de toutes tailles et de tous secteurs, dont des lycées agricoles, ont été retenues : trente fermes ont déjà été diagnostiquées par le Cabinet d’experts Agro Conseil, installé à Saint-Quentin, et soixante-dix suivront.

RECENSER LES OFFREURS DE TECHNOLOGIES

Dans les étapes à venir, le Conseil régional va tenter une cartographie des offreurs de technologies (assistance technique et organisationnelle, solutions technologiques, spécialistes en smart équipements, objets connectés, traitement et exploitation des données agricoles…). Le but de l’introduction du 4.0 dans les fermes auditées est la performance de l’outil de production, l’utilisation de nouvelles technologies, l’excellence environnementale et la valorisation de l’homme.

Parmi les témoignages des exploitations auditées, Olivier Delaitre, SCEA Champ’Pom Export, producteur de pommes de terre dans la Marne, a évoqué son problème d’identification de ses stocks et la réponse de valorisation apportée par l’entreprise rémoise Utronix, société de solutions connectées pour la traçabilité et la sécurité des produits.

Les témoignages d’Hervé Montigny, proviseur des lycées agricoles de Courcelles-Chaussy et Château-Salins, en Moselle, et de Marie Laflotte, Directrice de l’outil pédagogique La Ferme de la Marchande (180 hectares de polyculture et 60 vaches laitières), nous rappellent que la Région est aussi propriétaire de fermes (un total de 2 000 hectares dans le Grand Est) qui sont de véritables campus d’innovation agricoles. Adepte de l’exploitation connectée, Hervé Montigny explique son implication dans la Ferme du futur : « Nous préparons les nouvelles générations aux nouveaux modes de production et de consommation… Outils météo, connexion des animaux, outils de traite et des parcelles… Pour le bien-être des hommes et des animaux… Sans oublier la gestion contrôlée de la production d’herbe. On a des idées et les avis des experts de la Ferme du futur nous sont précieux ».

QUELLE PÉRENNITÉ POUR CETTE PETITE ÉCHELLE ?

François Arnould est agriculteur à Somme-Vesle, dans la Marne. Adepte de l’agriculture de conservation des sols, il a cette boutade : « Hier je faisais du tracteur, aujourd’hui je fais de la photo ». Autant dire qu’il ménage ses terres qu’il considère bien vivantes et donc fragiles. Son opinion sur la Ferme du futur : « Le diagnostic m’a permis de faire un bilan de mon exploitation en décelant ce qui va bien et ce qui va moins bien. Mon fils s’apprête à me succéder, cet audit va lui servir ».

Reste à ne pas éluder cette question : cent fermes diagnostiquées chaque année, voire deux ou trois cents plus tard, sur les 49 000 exploitations du Grand Est, un périmètre échantillon ? Avec quelle montée en puissance raisonnable ? Cette démarche unique en France, selon les déclarations de Philippe Mangin, ne va-t-elle pas souffrir, même en l’amplifiant, d’un certain manque pour ceux qui risquent de la réclamer, sachant que l’expertise est gratuite pour les agriculteurs ?