Le Grand Est classé rouge… Et après ?

Taux d’occupation des lits de réanimation par des patients atteints du Covid-19 par rapport à la capacité initiale avant l’épidémie.

La carte de France du déconfinement dévoilée le 8 mai a classé la Région Grand Est en rouge et par conséquent, tous les départements qui la composent. Un coup dur pour ceux dont la situation sanitaire, prise individuellement, aurait pu les classer en vert.

Les élus des départements Marne, Ardennes et Aube ne décolèrent pas. Leurs départements ont été classés rouge. La raison ? Leur appartenance à la région Grand Est dont les départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle sont en situation sanitaire toujours tendue. Cette « globalisation » à l’échelle sanitaire ne plait pas du tout, à tel point que Christian Bruyen, président du Conseil départemental de la Marne, s’est fendu avec Frank Leroy, président de l’association des Maires de la Marne, d’un courrier au préfet du département, Pierre N’Gahane, afin de lui signifier son incompréhension. « Tous les indicateurs dont nous sommes destinataires et, en particulier ceux que vous nous communiquez, indiquent un ralentissement net de la circulation du virus dans la Marne et une baisse conséquente du nombre de personnes hospitalisées en raison du Covid-19 », peut-on lire dans le courrier daté du 4 mai.

DES SERVICES HOSPITALIERS MOINS EN TENSION

Même son de cloche du côté des Ardennes. Le maire de Sedan, Didier Herbillon s’est exprimé sur les réseaux sociaux « Les Ardennes en rouge ! Incompréhensible… La copie doit être revue », de même que celui de Charleville-Mézières, Boris Ravignon : « Les Ardennes, toujours en rouge ? Nous sommes nombreux à en être surpris ! » Niveau chiffres, le nombre d’hospitalisés dans la Marne est au, 14 mai, de 229 personnes dont 17 en réanimation, dans les Ardennes 51 patients sont hospitalisés dont 4 en réanimation et dans l’Aube, ce sont 105 personnes qui sont hospitalisées dont 3 patients en réanimation pour un service comptant 24 lits opérationnels.

Le classement des régions en rouge ou vert a été établi selon trois critères bien définis : la circulation active du virus, la tension hospitalière en réanimation et la capacité en tests de dépistage du Covid-19, par prélèvement nasal. C’est pourquoi la plupart des élus appellent à un classement départementalisé comme « cela avait été annoncé dans un premier temps », relate Chrisian Bruyen. Leur principale crainte concerne la reprise d’activité, quasi à l’arrêt depuis deux mois. « Etre classé en zone rouge a des conséquences directes sur l’ouverture des collèges, dont nous avons la compétence», indique le président du département de la Marne. « Comment les parents peuvent-ils retourner au travail, si leurs enfants ne peuvent pas aller au collège ? De plus, au niveau de la perception générale de la population, le classement en rouge renforce les craintes et ne pousse pas à remettre les enfants à l’école. » Autre point soulevé, celui de la responsabilité des élus : « En terme de responsabilité morale, c’est très lourd de prendre la décision de rouvrir un établissement, si toutes les conditions matérielles ou sanitaires ne sont pas réunies. »

-31,5% D’ACTIVITÉ EN MOINS DANS LA RÉGION GRAND EST

La perte d’activité, selon les chiffres de l’INSEE du 7 mai, s’élève à -31,5%, soit une production de richesse de près d’un tiers de moins qu’en temps normal. Le ralentissement économique dans la région est un peu moins marqué qu’au niveau national (-31,5% contre -32,8% en France métropolitaine). Et si l’activité économique ralentit fortement dans tous les départements de la région, c’est avec une intensité différente. La diminution d’activité va de 29,8% dans la Meuse à 34,7% dans le Haut-Rhin (voir carte).

Dans la Meuse, l’impact économique du confinement est plus limité en raison du poids important des services principalement non marchands, de l’industrie agroalimentaire et de l’agriculture dans l’économie du département (respectivement 32,8 %, 4,8 % et 3,8 % contre 25,7 %, 4,0 % et 3,3 % dans la région).

Ces trois secteurs d’activité sont essentiels à la vie du pays et continuent à fonctionner. Dans la Marne, la forte part de l’activité agricole, notamment viticole (champagne), et l’industrie agroalimentaire limitent la chute de l’activité économique. Dans l’Aube, l’activité agricole occupe également une place importante. Par ailleurs, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé le 14 mai, une possible réouverture des restaurants à partir du 2 juin dans les zones vertes. Un coup dur de plus pour les zones rouges, l’activité des CHR conditionnant aussi une reprise économique et touristique.

DES AIDES REVUES À LA BAISSE ?

Au niveau départemental, les présidents de conseil annoncent qu’ils vont devoir serrer la ceinture. « L’arrêt de l’activité a conduit à la baisse des recettes de DMTO (droits de mutation à titre onéreux) dont les départements sont dépendants », explique Christian Bruyen. Or les dépenses s’annoncent en hausse, notamment avec l’augmentation des bénéficiaires du RSA, allocation payée par le Département, dûe à l’arrêt brutal de nombreux contrats intérimaires et à une saison touristique incertaine. « Les dépenses vont aussi augmenter au niveau du secteur de la santé, dans les Ehpad. » La proximité, les aides sociales sont au cœur des missions du département.

« Nous devons continuer à soutenir les associations et les collectivités. Il va falloir maintenir l’investissement pour soutenir l’économie », insiste le président du conseil départemental.

UN BUSINESS ACT, POUR RELANCER L’ÉCONOMIE

Face à la crise sanitaire sans précédent qui touche durement le Grand Est et particulièrement le secteur économique, l’Etat et la Région Grand Est se mobilisent pour lancer un plan de reprise inédit, « un Business Act post-COVID ».

« Ce plan de reprise que nous proposons est une démarche collective inédite, qui associe toutes les forces vives de notre territoire. Pour faire face à la situation qui nous touche de plein fouet, il nous faut être solidaires certes, mais aussi proactifs et audacieux. Parce que nos entreprises ont besoin de nous et que nous avons besoin d’elles, nous lançons ce Business Act pour repenser et relancer dès à présent l’économie du Grand Est », a déclaré Jean Rottner, Président de la Région Grand Est.

Le Business Act Grand Est développe 3 grands axes :
– la performance et la transformation industrielle
– la transition écologique et énergétique
– la transformation numérique

À cela s’ajoutent plusieurs objectifs transverses, à commencer par restaurer la confiance, des salariés comme des producteurs, des consommateurs comme des touristes. Le Business Act Grand Est sera soumis au vote de l’Assemblée régionale le 18 juin prochain.