Le gaz, une image, mais pas seulement

Philippe Chalencon, directeur de l’agence Denoual de Chevigny-Saint-Sauveur, devant l’un des poids-lourds du parc roulant au gaz naturel. Passer au gaz, c’est aussi anticiper les évolutions des exigences des clients et les interdictions d’accès à certaines villes. (Photo : JDP)

Si Denoual est une entreprise bretonne, son implantation à Chevigny-Saint-Sauveur, sur la métropole dijonnaise, est une pièce centrale de son organisation. La société prend un virage sociétal important en augmentant, dans son parc de véhicules, la part occupée par ceux qui roulent au gaz naturel. Une question d’image mais aussi l’anticipation de contraintes futures.

Sur la cabine du Saint-Sauveur tracteur Iveco stationné sur le parking, le message est sans ambiguïté : il est indiqué que ce camion roule au gaz naturel et que ceci entraîne une baisse d’émission de particules fines de 90 % et une baisse de bruit de 50 % par rapport à une motorisation diesel classique sur ce genre de véhicule. Le message se retrouve également sur les parois des réservoirs situés de part et d’autre du châssis. Chez Denoual, quand on fait les choses bien, on veut aussi le faire savoir ! L’entreprise bretonne, dont le siège est à Elven, près de Vannes, dans le Morbihan, dispose à Chevigny-Saint-Sauveur, sur la métropole dijonnaise, de sa principale agence. Possédant, au total 102 camions, elle vient d’en acquérir un sixième fonctionnant au gaz naturel. C’est peu, pourrait-on dire. Mais derrière ces six camions, qui seront d’ailleurs bientôt dix d’ici la fin de l’année, on trouve une véritable réflexion sur l’impact environnemental du transport routier et sur les moyens de le limiter, de manière adaptée.

Si Denoual acquiert des camions au gaz, c’est, en partie, parce qu’il avait fait le choix, il y a quelques années, d’un fort investissement dans l’activité rail-route. Un choix qui s’est révélé économiquement décevant. « Pourtant, explique Philippe Chalencon, directeur de l’agence Denoual de Chevigny, si nous étions restés dans le rail-route, nous aurions aussi fait le choix des camions gaz, parce qu’en termes d’image, rail-route plus gaz, c’est difficile de faire mieux, du point de vue environnemental ». Malheureusement, des facteurs indépendants de la volonté de l’entreprise l’ont conduite à prendre ses distances avec le rail-route. Reste donc le gaz. « On ne peut pas dire que ce type de motorisation a complètement pris le relais du rail-route, poursuit le directeur, mais elle s’inscrit dans le prolongement de l’ADN de l’entreprise. Nous avons voulu aller au-delà des bonnes intentions et investir vraiment ce domaine afin de voir ce que vaut cette solution technique. Par ailleurs, c’est aussi le résultat d’une pression de nos clients. Ils nous poussent à aller vers ces solutions. Aujourd’hui, notre troisième client en France, c’est Unilever (Amora à Dijon NDLR). À prix égal ou même un peu plus cher, ils se disent qu’ils préfèrent tout de même nous donner plus de travail. Ces camions, sont incontestablement un argument commercial qu’on peut mettre en avant ». Il serait pourtant naïf de penser que cela constitue une panacée dans un univers tel que le transport routier, hyper-concurrentiel et avec des marges très faibles. La différence chez le client se fait encore en grande majorité par le prix. Les dirigeants actuels de l’entreprise, Régis et Pierrick Denoual, sont les fils du fondateur.

Des entrepreneurs attentifs à tout ce qui peut constituer l’avenir de leur activité, et qui ont pris les rênes en 2007. « Il faut savoir, poursuit Philippe Chalencon, qu’un camion au gaz est plus onéreux à l’achat, de l’ordre de 25 à 30 % qu’avec une motorisation classique, mais nous disposons de quelques aides pour ces investissements. Et puis, à l’heure actuelle, le prix du gaz est inférieur d’environ 15 % à celui du gasoil. Dans une entreprise de transport, le prix du carburant, c’est le deuxième poste de dépense… » Le frein au développement de cette technologie est constitué par le fait que les stations d’approvisionnement en gaz sont encore trop rares.

DEUX TYPES DE GAZ

Dans un premier temps donc, la majorité des camions gaz Denoual seront positionnés en Bretagne ou le réseau de stations est plus développé. En Côte-d’Or, il n’en existe qu’une, à Fauverney, mais l’agence de Chevigny abrite quand même deux des six premiers tracteurs. Dans ce domaine, les choses peuvent évoluer très vite : ainsi, chez les constructeurs de camions, les approches sont très différentes. Certains sont totalement absents sur cette technologie quand d’autres s’y investissent beaucoup plus. C’est le cas notamment de l’italien Iveco ou du suédois Scania.

Utiliser le gaz nécessite aussi des adaptations, pour les conducteurs, et en matière d’exploitation. Il existe deux types de carburants : le gaz naturel compressé (GNC) et le gaz naturel liquéfié (GNL). Le premier nommé n’autorise qu’une autonomie de l’ordre de 450 kilomètres quand le second permet d’en parcourir 1 200. Il existe plus de stations au GNC qu’au GNL car ces dernières imposent plus de sophistication. Les véhicules Denoual sont uniquement en GNC mais l’entreprise voudrait aussi, à l’avenir, aller sur de la technologie GNL pour de la longue distance.

Les transporteurs qui s’engagent sur la voie du gaz sont encore rares : en Bourgogne , on trouve Picq et Charbonnier, dans l’Yonne, ou encore Fartrans, en Saône-et-Loire. « Nous essayons de nous préparer à l’après, conclut Philippe Chalencon, car nous constatons que certaines enseignes de la grande distribution posent déjà des jalons et exigent qu’à partir de 2020, leur distribution soit réalisée par des camions propres. Eux aussi sont dans cette logique d’image. Et puis il faut compter avec le fait que certaines villes vont interdire tout accès aux véhicules diesel… ».

Bretonne, mais bourguignonne
Denoual est présent dans la région dijonnaise depuis les années quatre-vingt. L’agence actuelle sur la zone d’activité de Chevigny-Saint-Sauveur a été érigée en 2000. « Faire le choix de venir s’installer ici a été, à l’époque, un gros investissement, précise le directeur de l’agence locale, Philippe Chalencon, mais c’était aussi un choix stratégique : dans notre métier, un chauffeur ne peut pas conduire plus de neuf heures, et neuf heures, c’est le temps qu’il fallait, par la route, pour venir d’Elven, notre siège breton, à Dijon. C’est la raison qui nous a conduits à nous implanter ici, et aussi le fait que nous avions un gros client sur Louhans, en Saône-et-Loire ». À l’époque, l’entreprise avait hésité entre Dijon et Mâcon. L’idée était de capter des conducteurs bourguignons. Au fil du temps, l’agence a aussi développé ses clients sur la région. Elle dispose d’un dépôt à Mâcon. Le site bourguignon de Denoual emploie 60 personnes (dont 50 conducteurs), et 10 sont basées à Mâcon. L’entreprise elle-même emploie 190 personnes pour un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros (dont 9 millions pour l’agence de Chevigny). La moitié du parc de véhicules est constituée de camions frigorifiques, Denoual étant très impliqué dans le domaine du transport de produits agroalimentaires au sens large (aliments, mais aussi matériaux de conditionnement). Localement, le client historique de la société, c’est Amora, également installé à Chevigny-Saint-Sauveur. Denoual est membre du groupement de transporteurs indépendants Astre.