Le football professionnel dans les starting-blocks

La reprise des entrainements devrait se faire dès le 11 mai dans le respect des protocoles médicaux.

A l’arrêt depuis le dernier match joué le 6 mars, le Stade de Reims, comme l’ensemble des Clubs de football professionnel s’organise en attendant une reprise. Entretien avec Jean-Pierre Caillot.

En évoquant la période de confinement et la reprise potentielle des activités footballistiques, Jean-Pierre Caillot le rappelle à plusieurs reprises : dans les clubs de football professionnel comme dans toutes les entreprises, le déconfinement et la reprise de toutes les activités devront être organisés de manière progressive et dans le respect des conditions sanitaires et de sécurité optimales pour l’ensemble des salariés. Au Stade de Reims, cela concerne certes les joueurs de l’effectif professionnel mais aussi les autres salariés du club, soit une centaine de personnes au total. Très actif au niveau de la Ligue, le président rémois est présent au sein du groupe de travail sur le dialogue social. Il a mené les négociations entre les clubs et leurs salariés pour mettre en place les dispositifs nécessaires pour affronter les problèmes de trésorerie.

L’une des principales interrogations concernait le paiement des salaires des joueurs alors que les clubs ne perçoivent plus de recettes de la part des partenaires et sponsors (diffuseurs TV notamment). « Il faut comprendre que les joueurs de football perçoivent des salaires supérieurs à 4,5 fois le SMIC accordés par l’Etat pour le chômage partiel. Un joueur qui gagne 100 000 euros par exemple, perçoit 70% de son salaire brut soit 70 000 euros au chômage partiel. L’Etat contribue à hauteur de 4 500 euros environ, il reste donc 65 000 euros à la charge du club. Or, si ces derniers n’ont aucune rentrée d’argent, cela devient problématique… »

DES EMPLOIS EN JEU

Les clubs en bonne santé financière disposent de quelques réserves et peuvent bénéficier du dispositif de PGE en lien avec bpifrance. Soumis aux mêmes dispositifs réglementaires que n’importe quelle entreprise, les clubs de football doivent en outre négocier avec l’UNFP (Union nationale des footballeurs professionnels) et l’UNECATEF (Union nationale des entraineurs et cadres techniques professionnels du football). « Nous avons trouvé un accord avec les représentants des joueurs afin qu’une partie de leur rémunération leur soit versée une fois que la reprise du championnat sera effective et que les clubs percevront à nouveau des recettes », précise Jean-Pierre Caillot.

Au niveau national, cet accord concerne 8000 salariés et près de 30 000 emplois indirects. « La situation a été très bien comprise par l’ensemble des acteurs et par les salariés solidaires avec leur entreprise », souligne le président rémois. « Puis il fallait nous assurer juridiquement de la validité des exonérations de charges avec les ministères concernés, dont Bercy, le ministère des Sports et le ministère du Travail. Matignon nous a confirmé son accord pour bénéficier de ce report de charges ». Un accord face auquel les clubs ont notamment renoncé aux aides de l’Etat pour les salariés les mieux rémunérés (au-delà de 200 000 euros).

Si l’accord a été entériné par l’ensemble des parties, Etat compris, Jean-Pierre Caillot sait qu’il n’aura peut être qu’une durée de validité provisoire. Il prévient déjà : « Si l’arrêt des championnats dure plus longtemps, il faudra envisager de nouvelles négociations car pour les clubs, les versements ne seront plus possibles ».

Sur tous les fronts ces dernières semaines, le président du Stade de Reims participe également au groupe de travail chargé d’étudier les différents scénarii de reprise. A savoir comment reprendre, sous quelle forme, quand et selon quels protocoles médicaux… Avec un préalable : « Les calendriers évoqués sont dépendants avant tout des pouvoirs publics ».

Si pour le grand public, les supporters et les partenaires, le reprise est synonyme de matches au stade, la réalité est toute autre. « La particularité de notre activité sous-entend qu’il y n’aura pas de matches dans l’immédiat car il faut que les joueurs se préparent physiquement. Il faut compter entre trois et quatre semaines pour redémarrer les entrainements collectifs ».

Autrement dit, dans le cas d’un retour à l’entraînement le 11 mai, il faut compter sur une reprise du championnat autour de la mi-juin. Quant aux conditions dans lesquelles se joueront les confrontations, là aussi il devrait y avoir du changement. « Il est quand même peu probable que l’on puisse jouer dans des stades avec 25 000 personnes dans les mois qui vont venir », souligne Jean-Pierre Caillot qui n’exclut pas la possibilité de disputer des matches à huis-clos, retransmis par la télévision.

L’instance européenne du football est également un paramètre auquel est tenu le football professionnel français. Après avoir demandé aux Ligues de tenir les championnats jusqu’au 30 juin, l’UEFA a permis une tolérance jusqu’à fin août. Une réunion des instances qui se tenait le 25 avril devait statuer sur d’éventuels nouveaux délais de poursuite des championnats. Car de la fin de la saison 2019-2020 dépendra aussi la saison prochaine, en incluant aussi le fait que les footballeurs ont également droit à des congés d’intersaison. « Pour les clubs français, l’enjeu économique s’élève à 500 millions d’euros, dont 280 millions proviennent des diffuseurs (Canal Plus et BeIN Sports, NDLR) ».

LA REPRISE DE L’ÉCONOMIE AVANT TOUT

Le Stade de Reims, plus particulièrement, doit faire face à l’absence de deux versements des diffuseurs, dont l’un particulièrement important puisqu’il est indexé sur le classement actuel (Le Stade de Reims est 5e à la 28e journée, NDLR). « Etant donné que nous avions établi notre budget sur une douzième ou treizième place, ce classement n’est pas neutre sur le budget. Cela représente plusieurs millions d’euros à recevoir ».

L’équipe rémoise avait encore cinq matches à jouer à domicile, dont ceux face à l’OM et au PSG, soit ceux qui attirent le plus de public, joués à guichets fermés, souvent plusieurs mois à l’avance. « Nous nous sommes faits à l’idée que nous ne jouerons pas ces matches avec ces affluences, mais nous devons des prestations. Si on ne fait que 3/4 du spectacle, cela aura forcément une incidence ».

En tant que chef d’entreprise, Jean- Pierre Caillot s’avoue d’ailleurs compréhensif envers les partenaires, sponsors et abonnés, en cas de fin prématurée du championnat, qui pourrait les priver d’un quart de la prestation prévue.

Pour la fin de saison, plusieurs hypothèses sont donc sont sur la table. De son côté, comme la majorité des présidents de club, Jean- Pierre Caillot milite pour que la saison se termine « dans de bonnes conditions sanitaires ». Tout sera donc mis en œuvre pour que le championnat reprenne et aille à son terme. « Nous allons envoyer des enfants à l’école et des gens vont retourner travailler à l’usine, donc pourquoi les joueurs ne pourraient-ils pas retourner à l’entraînement ? Aujourd’hui nous sommes en train de voir comment nous préparer au niveau médical, avec des tests qui pourront être réalisés dans des laboratoires privés. Quand les protocoles de santé auront été établis nous verrons comment organiser la reprise le 11 mai ».

Et la suite ? Difficile aujourd’hui pour les clubs de football professionnel de se projeter en prévision de la saison prochaine. Jean-Pierre Caillot est conscient que ses sponsors et partenaires risquent de subir les conséquences de cette crise à plus long terme : « Cette crise aura des incidences sur le sponsoring, les hospitalités et les abonnements… Heureusement le club est sain et que nous avions anticipé du trading de joueurs avec la vente de Rémi Oudin (aux Girondins de Bordeaux, NDLR) qui doit se répercuter sur le prochain exercice. Et heureusement aussi que nous avions déjà bien avancé sur quelques dossiers de vente et que nous avions posé des jalons sur les prochains recrutements. Le Stade de Reims ne devrait pas sortir affaibli de cet exercice, ce qui risque de ne pas être le cas de tous les autres clubs…

Au-delà du football, le pays va être dans une grande difficulté économique. Nous savons comment cela se passe avec de nombreuses entreprises à l’arrêt et qui souffrent énormément. Cela va être très compliqué économiquement et humainement pour certains de nos partenaires, nous le savons très bien. Tout ce que l’on souhaite aujourd’hui c’est qu’il n’y ait pas trop de casse, même si nous la redoutons. Et cela dépasse largement le cadre de nos partenariats, car les rapports que nous entretenons avec nos partenaires sont plus que financiers. On espère pour tous que la situation s’améliore et que l’économie redémarre ».