Le recours à l’intelligence artificielle va être expérimenté par l’administration fiscale pour lutter contre la fraude sur les plateformes en ligne.
Près d’un quart des contrôles fiscaux sont aujourd’hui issus de l’analyse de données automatisées par intelligence artificielle.
La loi de finances pour 2020 a autorisé une nouvelle expérimentation de l’intelligence artificielle pour permettre à l’administration fiscale d’exploiter les données publiées par les plateformes en ligne de mise en relation (Le Bon Coin, Amazon, Ebay, Airbnb, Uber, etc.).
L’expérimentation a pour but de concevoir un système automatisé capable de repérer les infractions à la loi fiscale par des utilisateurs des plateformes numériques.
Un décret vient de fixer les modalités de cette expérimentation qui doit durer trois ans.
Les fraudes recherchées sont définies par l’article 154 de la loi de finances pour 2020. Il s’agit des activités occultes, des fausses domiciliations, de la contrebande et du blanchiment. Il s’agit aussi des manquements aux obligations de déclaration fiscale, des manœuvres frauduleuses, des dissimulations de prix et des abus de droit.
Certaines activités illicites sont particulièrement visées : les trafics de tabac, d’alcool ou d’ouvrages en or ou argent.
DONNÉES COLLECTÉES
Le traitement automatisé portera sur les données publiées sur les plateformes en ligne.
La loi pour une République numérique donne une définition large des plateformes en ligne (code de la consommation, article L 111-7). Il s’agit de tous les services en ligne de mise en relation des utilisateurs en vue de la vente d’un bien ou de la fourniture d’un service, ou encore d’échanges ou de partages.
Sont également des plateformes numériques au sens légal, les services de classement ou de référencement de contenus, de biens ou de services.
La loi autorise la collecte et l’exploitation automatisés des contenus librement accessibles sur les plateformes et manifestement rendus publics par les utilisateurs.
Aucune collecte ne peut concerner des informations dont l’accès nécessite un mot de passe ou une inscription. Il en est de même pour les commentaires qui peuvent être déposés par les utilisateurs.
Les contenus collectés peuvent être des écrits, des images, des photographies, des sons, débat des signaux ou des vidéos, se rapportant à une activité professionnelle.
CONSERVATION DES DONNÉES
Les données sensibles (origine ethnique, opinions politiques, convictions religieuses, appartenance syndicale, santé…) et les données manifestement sans lien avec la finalité du traitement sont détruites dans les cinq jours de leur collecte.
Les données strictement nécessaires sont conservées pendant un an maximum puis sont détruites. Les autres données sont détruites dans un délai maximum de trente jours.
Les traitements sont mis en œuvre par des contrôleurs de l’administration fiscale et des douanes, spécialement habilités.
Toutes les opérations effectuées sur les données sont enregistrées de façon à assurer la traçabilité des traitements. Des contrôles automatiques sont effectués pour s’assurer que le traitement se limite aux seules données strictement nécessaires à la recherche des fraudes visées par la loi.
« INDICATEURS DE COMPORTEMENT »
Dans un premier temps, l’administration va développer des systèmes de traitements automatisés des contenus afin de repérer des « indicateurs de comportement », indices susceptibles de révéler des fraudes : mots-clés, ratios, dates ou localisations géographiques… à l’exclusion des données à caractère personnel.
Ces indicateurs seront ensuite utilisés pour sélectionner les informations pertinentes parmi les données collectées.
Lorsque le traitement révèle des indices d’une fraude, les informations strictement nécessaires sont transmises à l’administration fiscale ou aux douanes. Ces informations ne pourront être opposées au contribuable que dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal ou douanier.
Les indicateurs de comportement sont issus du traitement CFVR (ciblage de la fraude et valorisation des requêtes). Lancé en 2014, ce programme recourt à l’intelligence artificielle pour identifier les fraudes et mieux cibler les contrôles
Le traitement CFVR permet d’établir la liste nominative des personnes susceptibles d’être en infraction avec les règles de domiciliation fiscale d’une activité professionnelle en France, en recherchant des indices d’une activité professionnelle, ou de liens professionnels ou personnels avec la France. Il permettra d’identifier les détenteurs des comptes sur les plateformes en ligne.
Loi de finances pour 2020, 2019-1479 du 28 décembre 2019 et décret 2021-148 du 11 février 2021