Le Drive de nos fermes en plein dans le mille

Dans le Tarn-et-Garonne, depuis plus d’un demi-siècle, la famille Mille élève des volailles en plein air. Avec d’autres producteurs, elle vient de créer un drive fermier. 

La ferme de Maleterre à Saint-Antonin Noble Val abrite une exploitation familiale sur la- quelle plusieurs générations se sont succédé. Les grands-parents d’Hannah Grauleau se sont installés là en 1958, mais sur ces terres peu propices à la culture, c’est vers l’élevage que la famille Mille s’est tourné : des volailles de chair, poulets et pintades pour l’essentiel auxquelles s’ajoutent, pour les fêtes de fin d’année, chapons et poulardes, ainsi que des conserves. Une activité que ses parents ont reprise et que la jeune femme, ingénieur agronome diplômée de l’école d’ingénieur de Purpan, entend bien faire prospérer à son tour. À la ferme de Maleterre, on élève les volailles « depuis leur première journée de vie », jusqu’à l’abattage, la découpe et la mise en marché. « Nous possédons notre propre atelier d’abattage et de découpe aux normes européennes, détaille la jeune femme. Nous livrons ensuite à des collectivités, telles des cantines, des boucheries, chez les restaurateurs ou encore les petites épiceries autour de Montauban, en région toulousaine, jusqu’à Montpellier et Paris. »

Un élevage « raisonné », qui permet à la famille Mille d’être « totalement indépendante », ajoute Hannah Grauleau : les volailles, qui grandissent en plein air, sont nourries avec des céréales en grande partie produites en région. « Nous achetons au maximum nos céréales en local pour pouvoir ensuite nous-mêmes les transformer en farine. Nous avons donc complètement la main sur ce que nous leur donnons à manger et, qui plus est, l’aliment est ainsi adapté à chaque étape de vie ». Hormis celles destinées aux repas de Noël qui sont nourries près de six mois, les volailles sont élevées pendant plus d’une centaine de jours, afin d’obtenir « la meilleure qualité gustative ».

Vendues sous la marque Le Maraudeur, « l’une des plus vieilles marques déposées en France encore actives », en circuit court – « il n’y a qu’un intermédiaire entre nous et le consommateur final », pointe-elle –, 1 500 volailles sont ainsi produites chaque semaine. « Un petit élevage » qui emploie sept équivalents temps plein pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 800 K€.

Après avoir effectué plusieurs stages d’étude au cœur d’un élevage de caprins en Savoie, de vaches laitières en Australie, en maraîchage en Bolivie et travaillé chez un industriel de l’agroalimentaire gersois puis un semencier japonais installé dans le Gard, la jeune femme a rejoint l’exploitation familiale en décembre 2018 – « une idée qui m’a toujours trotté dans la tête », assure Hannah Grauleau – pour développer de nouveaux marchés, notamment celui des collectivités. La restauration collective permet en effet d’écouler certaines pièces de poulet dont les cuisses quand la clientèle des particuliers préfère, elle, et de loin, les filets, permettant ainsi « d’équilibrer la production », précise la jeune femme.

Pour éviter de voir son chiffre d’affaires dégringoler lors du premier confinement, la jeune chef d’entreprise a, avec une poignée de producteurs de la région, décidé d’innover en créant le Drive de nos fermes. « Nous avions cette idée depuis quelque temps, la Covid-19 a accéléré les choses, reconnaît-elle. Dès la première semaine de confinement, nous nous sommes regroupés pour proposer des paniers de producteurs. » Un document Excel envoyé aux fichiers clients, et des points de retrait organisés dans les exploitations… le Drive de nos fermes qui proposait à l’origine, outre les volailles du Maraudeur, des fromages, des produits maraîchers et des fraises, rencontre rapidement le succès. Au point qu’Hannah Grauleau décide très vite d’améliorer les process, avec la création d’un site internet qui permet d’effectuer des paiements en ligne, l’ouverture à d’autres producteurs (ils sont une trentaine aujourd’hui) et l’élargissement de la gamme de références. « Des produits locaux et de qualité, assure l’ingénieur agronome. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas bio qu’on fait mal les choses ».

Pendant le premier confinement, le Drive de nos fermes a enregistré jusqu’à 500 paniers par semaine. Mais depuis, reconnaît, Hannah Grauleau, amer, l’engouement est un peu retombé. « Nous avons constaté depuis le déconfinement une très forte baisse des com- mandes, avec aujourd’hui une soixantaine de paniers par semaine. » Alors que beaucoup de consommateurs se disent prêts à payer plus cher pour manger mieux et local, « des intentions aux actes, il y a un gap, confirme la jeune chef d’entreprise. Une partie de ces clients sont retournés au supermarché sans plus se soucier de la provenance ou de la façon dont est produit ce qu’ils achètent. »

Le Drive de nos fermes est désormais bien rodé. Et s’il constitue un complément de revenus modeste, « nous allons le poursuivre, parce que c’est bien d’avoir plusieurs circuits de distribution », pointe Hannah Grauleau qui a désormais en ligne de mire les fêtes de fin d’année. Elles représentent pour l’entreprise un important surcroît d’activité. « En 10 jours, nous réalisons près de trois fois le chiffre d’affaires mensuel », précise-t-elle. Alors que les volailles de Noël sont arrivées sur l’exploitation depuis la fin du mois de mai, représentant un lourd investissement, la jeune femme ne sait pas si du fait du reconfinement, elle pourra les écouler normalement. Auquel cas, « ce sera très difficile », conclut-elle.