Entre autres dossiers de la dernière session du Conseil départemental de la Marne : le compte administratif 2019, la décision modificative n°1 du budget 2020, le Fonds Résistance Grand Est, les primes Covid aux personnels soignants et accompagnants et surtout le ras-le-bol du mépris de l’Etat ressenti par l’Assemblée départementale.
Dans son propos introductif à la réunion plénière du Conseil Départemental, le Président Bruyen a remercié « ceux qui ont permis au pays de tenir », dans leur globalité et notamment les 2 000 agents et assistants familiaux de la Marne. Au passage, on notera ce début d’attaque, comme un tour de chauffe d’un discours qui va vite sentir la poudre : « Mes remerciements s’adressent … à nos forces de l’ordre, si exposées lors de la crise, aujourd’hui injustement attaquées et fort mal défendues par leur ministre de tutelle ». Le ton est donné, jamais Christian Bruyen ne s’est montré aussi combatif.
LA CRISE RÉVÉLATRICE DE L’EFFICIENCE DU DÉPARTEMENT
L’efficience du niveau départemental a été l’axe principal de l’offensive du Président de la Marne : « Oui, tous les départements, et singulièrement celui de la Marne, ont, durant cette crise, été peu causants mais très faisants au cœur de la lutte contre les effets sanitaires et sociaux du Covid 19… Cette crise a également rappelé toute la pertinence du Département qui s’est affirmé comme l’échelon géographique de référence pour l’action publique ». Christian Bruyen déduit de cette crise l’urgence d’une réforme territoriale annoncée par le projet de loi 3D et cela dans une perspective bien différente de celle qui a jusqu’ici prévalu. Le Président Bruyen précise cette perspective : «Un Etat régalien, des Régions qui traitent notamment les grandes stratégies économiques et le couple Département-Communes-Intercommunalités qui constitue plus que jamais le socle de la République autour des solidarités humaines et territoriales et contribue à l’aménagement du territoire plutôt qu’à sa fracturation ».
LES IMPÉRITIES DE L’EXÉCUTIF
Le pouvoir exécutif a été l’objet d’une critique dure et assumée post-discours par le Président Bruyen. En clair, l’Etat central n’a pas été à la hauteur durant la crise. Après avoir dit l’attention particulière qu’il portera aux résultats des commissions d’enquête parlementaires, au fil de son intervention Christian Bruyen a évoqué : « L’agitation fébrile et brouillonne, parfois défaillante du Gouvernement et de la majorité présidentielle. Les relations perturbées, abîmées, dégradées avec les services déconcentrés de l’Etat . L’arrogance assumée vis-à-vis des collectivités territoriales. L’attitude méprisante de nombreuses centrales ou ministères durant toute la crise… »
Décidément remonté, comme jamais il ne l’avait été publiquement, le Président du Conseil départemental de la Marne s’est adressé au Président de la République : « Force est de constater que la subsidiarité est un combat de tous les jours et que les faits têtus ont donné tort au Chef de l’Etat qui décrétait, à Epernay en novembre dernier, ne pas croire en la décentralisation. Le Président de la République nous a depuis fait part de son humilité ? Des actes, Monsieur le Président, maintenant nous voulons des actes ! ».
1,1 M€ POUR LA PARTICIPATION AU FONDS RÉSISTANCE
Initié par le Conseil régional, avec la participation de la Banque des Territoires, des Départements et des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), le Fonds Résistance Grand Est est une avance de trésorerie aux entreprises, jusqu’à 20 salariés, et aux associations confrontées à des problèmes de trésorerie liés à la crise.
Ce fonds bénéficie d’un abondement total de 44 M€, dont 11 M€ de la Région et 11 M€ de la Banque des Territoires. Le solde est apporté par les Départements et les EPCI. Le Conseil départemental de la Marne est engagé dans cette initiative à hauteur de 1,1 M€. Les quatorze EPCI marnaises apportent 3,4 M€ pour une contribution globale de la Marne de 4,4 M€.
Le dispositif sera clôturé à la fin du mois d’août. Le Département de la Marne estime au 15 juin le nombre de dossiers déposés à une cinquantaine pour un montant global de 411 000 euros.
PLUS DE 2,1 M€ DE PRIME POUR LES ESMS
À la suite de l’annonce du Ministère des Solidarités et de la Santé (de 1 000 à 1 500 euros) en faveur des salariés des ESMS, Etablissement Sociaux et Médico-sociaux, plus ou moins touchés par la lutte contre la pandémie, le Conseil Départemental de la Marne engage en urgence un minimum de 2 175 000 euros de primes sur cette même destination (1 000 euros pour les agents et 200 euros par personne accueillie dans les familles agréées).
Les bénéficiaires, outre les familles d’accueil, seront les 2 500 salariés des résidences autonomie et des petites unités de vie, des foyers services et hébergements pour personnes handicapées, des accueils d’aide sociale à l’enfance et des services d’aide et d’accompagnement à domicile.
ICI, PAS DE POLITIQUE POLITICIENNE
Majorité et opposition, tous ont remercié les services et les agents du Département, à tous les échelons, les acteurs de terrain de la santé, et tous ceux, professionnels ou bénévoles, qui ont œuvré depuis le début de la pandémie. Mais, cette crise n’est pas la seule à agir comme un nouveau catalyseur de consensus au sein de l’Assemblée départementale. L’autre catalyseur pour les conseillers départementaux, et bien involontairement, c’est le Gouvernement, aussi défaillant pour eux aujourd’hui qu’anti décentralisateur depuis quelques temps. Au hasard des interventions des élus, ces quelques remarques aci- des contre l’exécutif national. Le socia- liste Dominique Leveque, farouche adversaire de la politique gouverne- mentale : « Quand le Gouvernement décide, ce sont les Départements qui paient. Le Président de la République? Quand il évoque les Départements, ils pensent surtout aux Préfets… J’ai une vision assez pessimiste de l’avenir, mais le rôle joué par le Département me réconforte un peu. »
UN APPEL À PLUS D’AUTONOMIE FISCALE
LeVice-président de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale sait de quoi il parle en matière de budget. À la suite de la présentation du compte administratif 2019 et de la décision modificative du budget de la Marne, Charles de Courson est revenu sur l’avenir des finances départementales : « Plus aucune autonomie fiscale. Donc moins de dépenses et abandon de nos compétences ? La crise actuelle nous prouve la nécessité d’une République décentralisée … Nos recettes ? On peut estimer leur baisse à 20 %. L’augmentation des dépenses de RSA, on peut l’estimer à 10 % ! Nous sommes en déséquilibre de fonctionnement. Cette situation ne peut pas durer! »
Pour Eric Karriger, la parole est au médecin autant qu’au conseiller de la majorité : « Nous vivons à crédit , il est difficile d’effacer une dette. L’enjeu c’est l’avenir des générations futures. Nous n’avons pas les moyens d’un deuxième confinement. On forme aujourd’hui beaucoup de médecins tout en constatant beaucoup de déserts médicaux… On est en train d’oublier la médecine des humains au profit de celle des technicités. »
Et tout heureux des propos de son successeur à la Présidence du Département, René-Paul Savary s’exclame: « Merci d’avoir haussé le ton sur la politique du Gouvernement ! Ras-le-bol des projets de l’Etat sans concertation locale. Le Ségur de la Santé ? Il vont le faire sans nous et ils nous appelleront pour le financer… »
Le mot de la fin pour le Président Bruyen : « La mort des Départements ? Peut-être … Mais s’il faut mourir, autant mourir debout ! »