Des dotations d’Etat en baisse, des dépenses de solidarité toujours en hausse et des capacités d’investissement encore plus réduites, le Budget prévisionnel de La Marne gère comme il peut les contraintes étatiques.
Le Budget prévisionnel 2020 du Département de la Marne s’articule autour de cinq axes : respect du taux d’évolution des dépenses de fonctionnement de 1,2% conformément au pacte signé avec l’Etat en juin 2018, maintien des taux de fiscalité, en particulier celui du foncier bâti à 15,5%, assurer les fonctions de solidarité dans le domaine du social et celui des territoires, poursuivre l’exécution du programme de soutien aux grands investissements et conserver un usage modéré de l’emprunt. Dans les grandes lignes, le Budget affiche 524,6 M€, en recettes et dépenses, soit une progression annuelle de 2,5%. Il se décompose en 435,3 M€ pour les dépenses de fonctionnement et d’intervention et 89,3 M€ en investissement, avec un besoin d’emprunt d’équilibre de 49, 8M€, équivalent au précédent.
LE BUDGET SOLIDARITÉ TOUJOURS EN HAUSSE
Les dépenses de solidarité, (310,8 M€) sont en hausse de 2,1% et pèsent 71% du budget départemental, une part relativement stable. Les autres dépenses assurent les compétences obligatoires de la collectivité : 28,9 M€ pour les collèges, 25,3 M€ pour la voirie, 16,5 M€ pour les Service Départemental Incendie et de Secours et 3,7 M€ pour le remboursement de la dette. Ces dépenses contraintes représentent 90% du budget. Pour rappel la solidarité départementale inclut, entre autres domaines l’action sanitaire et sociale, le Revenu de Solidarité Active, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, les services de protection maternelle et infantile, l’aides aux personnes handicapées, le Revenu Minimum d’Insertion ou encore la solidarité des territoires.
UN INVESTISSEMENT EN LÉGÈRE BAISSE
Les recettes de fonctionnement du Département viennent de la fiscalité, en hausse de 1,3% (271,1 M€), des dotations de compensation de l’Etat, en baisse de 1% (163,2 M€) et de recettes propres, stables (24 M€). Celles concernant l’investissement (89,8 M€) émanent de la CAF (23 M€), de dotations (11,4 M€) et de l’emprunt (49,8 M€). L’investissement (72,6 M€) est en baisse de 1,9%. Il concerne les infrastructures et les transports, l’attractivité du territoire, l’éducation et la jeunesse, la culture, le sport et les loisirs, ainsi que les moyens généraux du Département. Parmi les investissements en cours de réalisation ou très prochainement à venir : le Collège Université à Reims, le Collège Pierre de Souverville à Pontfaverger, la mise en œuvre du schéma numérique des collèges, le shunt de Champfleury, les ponts à Epernay et Mareuil-le-Port, les traverses de Pargny-les-Reims, Vauclerc ou Vitry-le-François … L’encours de la dette du Conseil départemental est de 159,2 M€ au 1er Janvier 2020, en baisse de 1% sur un an. Il tient compte d’un nouvel emprunt de 15 M€ inscrit au budget 2020. La capacité de désendettement passe de 7 ans à 6,8 ans. Elle est classée parmi les meilleures, sachant que le Département s’est engagé dans une limite de 10 ans maximum.
LES SIGNES D’UN BUDGET VERTUEUX
L’analyse comparative des budgets 2019 des Départements, par la DGCL, Délégation Générale des Collectivités Locales, permet de situer la Marne au rang des bons élèves parmi les 95 Départements métropolitains. Avec une dépense réelle totale de 832 € par habitant, la Marne occupe le 3e rang, derrière la Moselle et le Bas-Rhin. La moyenne métropolitaine est de 1 059 €. Elle occupe le 7e rang pour les charges les moins élevées de personnel (158 € pour une moyenne de 186 €). Elle se situe au 12e rang pour les charges financières (7 € contre une moyenne de 12 €). En matière impôts locaux, elle est 8e (281 €, sous la moyenne de 335 € par habitant). Elle occupe la 2e place de la rubrique des autres impôts et taxes (261 € contre 363 €). Enfin ses 272 € par habitant la situent au 9e rang pour la dette par habitant, laquelle se situe à 508 € en moyenne métropolitaine.
HARO SUR LE GOUVERNEMENT
Voté par la majorité, Union de la Droite, LR, UDI et Divers Droite (34 voix sur 46 conseillers) le BP 2020 a été discuté dans une ambiance plutôt sereine, y compris dans les échanges concernant certains dossiers bien plus discutés que d’autres. Ce fut le cas pour le shunt du rond-point en bordure du Leclerc de Champfleury (un financement de 4 M€ que la Gauche aurait bien vu abondé par l’enseigne riveraine), pour le coût de la rénovation du Collège Université de Reims (une facture de 30 M€ pratiquement double de celle des prévisions), ou encore le manque d’information de la part de la Région sur l’avancement du plan Très Haut Débit.
Sans oublier quelques réticences quant à l’augmentation de la subvention en faveur du CCRB et le report de l’examen de celle destinée à la manifestation Planet A. Ponctués par la bienveillance du Président Bruyen : « C’est bien que nous ayons ces échanges », les interventions musclées, de la majorité comme de l’opposition, ont concerné le Gouvernement, à commencer par la demande de Dominique Lévêque (PS), en soutien du Président : « Ne pas inscrire La Marne dans un autre pacte avec le Gouvernement », ou en explication de vote : « Nous voterons contre le budget, pas contre vous Monsieur le Président mais contre la politique gouvernementale, à rebours de la décentralisation ». Enfin, Charles De Courson (Divers Droite) : « On est à l’os partout en matière de recettes. On ne pourra plus investir… On détruit l’autonomie fiscale… Regardez la baisse des dotations de l’Etat… On va vers une crise des Conseils Départementaux ».
CHRISTIAN BRUYEN : « L’ÉTAT N’HONORE PAS SA PAROLE »
En présentant le Budget Primitif 2020 de sa collectivité, le Président du Conseil Départemental de la Marne est quelque peu sorti de sa réserve habituelle et notamment à propos du Contrat de Cahors, pacte financier proposé par l’Etat aux 322 plus grosses collectivités du pays (Régions, Départements, 145 communes et 62 intercommunalités) s’engageant à limiter l’augmentation annuelle de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2% dans leur budget 2019 à 2021. « J’ai signé le fameux contrat, sans enthousiasme aucun et je l’assume, précise Christian Bruyen. J’ai voulu croire en la sincérité de la main qui semblait tendue. Le Département a honoré sa parole, l’Etat non et nous en payons le prix … L’Etat nous inflige de nouvelles dépenses qu’il refuse d’exclure dudit contrat … C’est affligeant et surtout dangereux pour l’avenir car en nous ôtant ainsi la capacité d’assurer nos missions de solidarité, on ne fait que renforcer les fractures qui fragilisent l’unité de la nation. »
« JE NE SIGNERAI PAS UN NOUVEAU PACTE »
Quand l’Etat annonce la future loi 3D : Décentralisation, Déconcentration, Différentiation, pour le Président Bruyen il témoigne d’une « indéniable volonté de centralisme pur et dur ». Mieux encore : « Au regard de l’expérience accumulée ces trois dernières années, je crains que la loi 3D se révèle finalement une loi 3R : Recentralisation, Recentralisation, Recentralisation ». Christian Bruyen décide donc de « Ne pas subir » et de répondre aux attentes de ses concitoyens, en tant que garant du lien social tout autant qu’aménageur du territoire, avant de déclarer : « Je ne signerai pas un nouveau pacte ». C’est donc un budget à nouveau contraint que le Conseil Départemental vote, avec la volonté d’allier « une gestion saine, prudente et rigoureuse avec l’exercice de ses missions ».
Pour le Président Bruyen, la Marne restera un stabilisateur et un innovateur social, utile en temps de crise. « Agir avec la plus grande efficacité dans le sens de la solidarité », Christian Bruyen, pas très chaud pour signer un nouveau contrat de ce genre, clôt son propos liminaire par ce vœu à l’attention du Gouvernement : « Espérons qu’un jour prochain, cela soit à nouveau reconnu et pris en compte ».