Par Chloé Corbiere, consultante chez BFR 8.10
Longtemps inconnue sous nos latitudes, le credit management est une discipline financière qui nous vient des pays anglo-saxons et qui était réservée aux grands groupes.
Aujourd’hui, le métier se démocratise, commence à être connu et reconnu et n’est plus l’apanage des grandes entreprises.
Souvent rattaché à la direction financière, le credit manager a en charge de veiller sur la trésorerie de l’entreprise, il est le gardien du BFR.
Il veille à l’encaissement des factures certes, mais surtout sensibilise et prévient le risque client.
Exercé sous des formes différentes, de façon sédentaire, à temps partagé ou en consulting, le credit management s’adapte parfaitement à toutes tailles d’entreprise et tous secteurs d’activité.
Seule la GMS et quelques autres activités, pratiquant le paiement comptant, n’ont pas de problématique de BFR.
La période Covid que nous traversons n’a jamais rendu le credit management plus pertinent.
Le credit management, ou cet art subtil de préserver sa trésorerie tout en consolidant sa relation client.
Contradictoire à première vue, en réalité il n’en est rien. La démarche est même parfaitement cohérente.
Tout est question de compétences techniques certes, mais également et surtout en ce moment, de compétences relationnelles.
Instaurer une culture cash dans une entreprise consiste à professionnaliser la chaîne order to cash.
De l’utilisation d’outils de prévention de risque client, scoring, assurance-crédit, en passant par une relance méthodique et efficace, pour aller éventuellement jusqu’au contentieux, il convient de mettre en place à chaque stade du process de vente des garde-fou destinés à protéger la structure de la défaillance de ses clients.
Or la défaillance clients est un réel sujet d’actualité.
L’octroi du PGE l’an dernier a permis à de nombreuses entreprises de faire face au paiement de leurs charges et de leurs fournisseurs.
C’était d’ailleurs l’une des raisons premières de la mise en place de ce dispositif ; que les entreprises continuent de payer leurs fournisseurs afin d’éviter que, par un jeu de domino d’impayés, l’économie tout entière ne se retrouve bloquée.
Le PGE a majoritairement permis d’éviter ce cataclysme. Ce dispositif a donc injecté dans toutes ces structures un volume de cash confortable, jusqu’à 25 % du chiffre d’affaire de l’année 2019, donnant l’impression à certains chefs d’entreprise de ne pas avoir de problème de trésorerie. Mais le soulagement fut de courte durée.
En effet, la durée de la situation sanitaire engendre des conséquences financières importantes pour beaucoup d’entreprises et certaines ont utilisé, partiellement ou en totalité, leur réserve PGE.
D’autre part, et cette donnée était présente au commencement, ce PGE est destiné à être remboursé.
Beaucoup ont perdu de vue ce détail.
Certes, ce remboursement devait intervenir après une année de différé, permettant de laisser passer l’orage, et, l’orage ne passant pas, le différé sera peut-être allongé, mais il réduira d’autant la durée de remboursement.
Or c’est reculer pour mieux couler.
Nombre d’entreprises n’auraient pas pu rembourser l’équivalent de 25 % de leur chiffre d’affaire d’une année d’activité normale sur une durée de cinq ans maximum hors crise Covid.
Le contexte actuel ne fait qu’accentuer cette impossibilité.
Le nombre de défaillances d’entreprises, aujourd’hui artificiellement bas, devrait donc connaître une nette augmentation au printemps 2022.
Il convient donc d’anticiper et de prévenir ce risque en structurant et en professionnalisant son poste client.
Recruter ou faire monter en compétence une ressource à occuper en fonction de la volumétrie de votre portefeuille client, s’équiper d’un outil dédié, et faire évoluer les habitudes est une démarche de prudence et de bonne gestion.
Conduire le changement en interne tout d’abord, et notamment auprès des commerciaux qui jouent un rôle central dans le process de vente, est essentiel.
Il s’agit de prêcher la bonne parole et de faire adhérer les équipes à une dynamique et à une teinte plus financière certes, mais néanmoins névralgique.
Là commence à se dessiner les contours d’un job technique, mais également hautement relationnel comprenant pédagogie, diffusion des bonnes pratiques sans avoir l’air d’un donneur de leçon, négociation, fermeté et tout ça les yeux fixés sur la cible : l’encaissement des factures client !
Ces compétences relationnelles trouveront également à s’employer lors de la relance et dans cette phase de prise d’habitudes des clients.
Le chargé de recouvrement devra faire face à l’incompréhension, parfois la stupéfaction, la contrariété, la colère, voire la mauvaise foi du client de l’entreprise.
Afin qu’une réelle culture cash imprègne l’ADN de l’entreprise, il faut du temps.
Fonction transverse, le credit management entraîne des évolutions de process et la mise en place d’outils de prévention du risque client à tous les stades du processus de vente.
Au stade de la prospection, il peut être judicieux de se renseigner sur la solvabilité d’un nouveau contact.
Il existe aujourd’hui plusieurs plateformes de d’informations commerciales et de scoring très accessibles et peu coûteuses.
Sans aller jusqu’à la mise en place d’un véritable contrat d’assurance-crédit qui peut paraître superflu pour des petites structures, bien que l’offre des différents intervenants soit aujourd’hui parfaitement adaptée aux PME, il peut être judicieux de fixer des limites d’encours internes en fonction de la notation client.
Cette démarche, destinée à éviter l’hémorragie en cas d’impayé, permet de conserver une vigilance certaine dans une période hautement compliquée.
Une véritable culture cash, structurée, avec des ressources dédiées ayant les compétences adéquates, permettra de réduire significativement le risque client et ainsi préserver sa trésorerie et la pérennité de son activité.
À l’heure où l’ensemble du tissu économique souffre, les PME ont globalement perdu 8,4 % de chiffre d’affaire en 2020, par rapport à 2019.
Tous les secteurs d’activité ne sont pas touchés de façon équivalente, mais il y a fort à parier que certaines entreprises, à la fois fournisseurs des unes et clientes des autres, seront plus exposées au risque de défaillance.
S’il est possible d’anticiper, de déceler ce risque au plus tôt, il est important de mettre toutes les chances de son côté afin de ne pas se retrouver soi-même en difficulté.
Dans le contexte actuel, Il convient d’avancer certes, il n’y a pas d’autre option, mais il convient surtout de garder la tête froide et les yeux ouverts…