Le Covid, accélérateur de transformation du secteur automobile

Dès le mois d’avril, les professionnels de l’automobile ont mis en place des protocoles sanitaires très stricts pour continuer leurs services.

Comme beaucoup d’autres secteurs, celui de l’automobile n’a pas échappé à la crise induite par la période de confinement. Toutefois, pour répondre aux enjeux de cette filière représentant un des premiers secteurs de l’économie française, l’État a présenté
le 26 mai dernier, un plan ambitieux de soutien.

Le bilan est sans appel : sur la période s’étalant du 15 mars au 30 avril, l’activité générale des professionnels de l’automobile a chuté de plus de 80%, venant mettre un coup d’arrêt brutal à une tendance qui se révélait positive depuis plusieurs années maintenant, avec pour 2019, 2,2 millions de véhicules neufs mis sur le marché. « Il y a eu plusieurs phases dans l’arrêt d’activité », livre Étienne Copinet, directeur pôle Champagne-Ardenne Citroën & DS Reims. « Tout d’abord, ce sont les espaces commerciaux de showrooms qui ont fermé, mais en gardant un lien avec les clients grâce à une cellule téléphonique. Quant aux espaces d’assistance et de réparation, ils ont continué à fonctionner pour les urgences et notamment les personnels prioritaires. »

RÉOUVERTURE PROGRESSIVE

La réouverture du SAV s’est effectuée dès le 26 mars avec des équipes de volontaires, en respectant les consignes sanitaires imposées. La structure s’est organisée tout d’abord avec 3 salariés sur les 35 que compte l’atelier au total, pour monter en puissance jusqu’à 65% de l’effectif juste avant le 11 mai. La même stratégie a été opérée chez les concessions dirigées par Nicolas Morel, directeur du pôle Champagne-Ardenne pour les marques Volkswagen, Audi, Seat et Skoda, pour lesquelles sont employés 220 salariés. « Fin mars, nous nous sommes mis en astreinte sanitaire par call center, pour passer en astreinte physique sur site, à partir de la deuxième quinzaine d’avril, protocole validé par la médecine du travail. Fin avril, nous sommes remontés à 80% de nos effectifs. »

RELANCER LE COMMERCE

« Sur l’ensemble du secteur auto, les services de réparation et de logistique ont assuré la continuité des services », indique pour sa part, Francis Bartholomé, président du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). « Nous avons préparé la phase de déconfinement avec les instructions officielles ainsi que l’orientation stratégique de PSA », révèle Étienne Copinet. Au cours de la dernière quinzaine d’avril, l’enseigne a ainsi pu recommencer à livrer des véhicules et dès le 11 mai, relancer le commerce automobile sur la vente. « Nous avons adapté les flux, mis en place des procédures pour sécuriser les clients comme nos collaborateurs. Nous sommes par exemple très attentifs sur le nettoyage des véhicules pour les essais. »

Et les clients sont au rendez-vous. Une fréquentation que l’on peut analyser de différentes manières : « La première tendance a été de voir des clients qui avaient déjà le projet d’acheter et qui n’ont pas voulu attendre. Après un mois et demi de confinement, il y a sans doute la notion de l’achat pour se faire plaisir. Ensuite, chez Citroën, nous sortions de portes ouvertes juste avant le confinement, avec des journées très dynamiques et de nombreuses opportunités, qui n’ont été que reportées. Les premiers jours, nous avions donc un retour assez significatif de clients qui souhaitaient reconstituer leur projet », révèle Étienne Copinet. Pour le groupe Émile Frey, dont dépendent les concessions de Nicolas Morel, la semaine précédant le 15 mars, était consacrée au lancement de plusieurs voitures, dont la Golf 8 : « Nous avons eu deux soirées de lancement, avec un bon succès, juste avant les mesures sanitaires, ce qui fait que nous avions des affaires en cours à ce moment. Il y a un effet « bulle », les gens ont patienté pendant deux mois, ils se sont donc pressés pour finaliser leur projet. »

Si les professionnels de l’automobile peuvent reprendre l’activité sans une trop grande hémorragie, pour filer la métaphore sanitaire, c’est aussi « grâce aux mesures qui ont immédiatement été mises en place par l’État », insiste Francis Bartholomé. « Les mois de mars et avril ont été extrêmement difficiles, avec des chiffres d’affaires proches de zéro, mais le prêt garanti par l’État (PGE) pour les entreprises au-delà de 10 salariés, ainsi que le fonds de solidarité de 1 500 euros et la mise en place du chômage partiel ont aidé à passer le cap », poursuit le président du CNPA. Mais au delà de ces mesures d’urgence, c’est un véritable plan de relance qu’appelait de ses vœux l’ensemble de la filière (voir ci-dessous).

LES PRIMES À LA CONVERSION : EFFET LEVIER

Les mesures portant sur le bonus écologique pour un véhicule électrique et la prime à la conversion représentent un véritable effet levier pour la reprise de l’activité. « Pour le mois de mai, avec une reprise le 11, nous faisons environ 50% de notre chiffre d’affaires, ce qui est satisfaisant car nous n’avons travaillé que la moitié du mois », explique Étienne Copinet. Le discours est le même pour Nicolas Morel, qui se veut très optimiste pour le mois de juin en tablant sur les mêmes objectifs que ceux de l’année 2019. « Les deux mois de confinement ont eu comme conséquence d’accumuler des stocks, nous communiquons ainsi beaucoup sur des offres promotionnelles pour les écouler. » Au niveau national, un bon mois représente un total de 200 000 commandes.

Les primes instaurées par l’État portant essentiellement sur le marché des citadines « propres » est pour le secteur « un très bon signe » envoyé par l’Exécutif, d’autant que sur un plan plus global, la profession se transforme, avec en ligne de mire, la construction et la vente de véhicules écologiques et performants. « Le plan de soutien vient dans un premier temps, en urgence de la situation économique post-covid, mais aussi et surtout dans un but et une transformation écologique dans laquelle se sont engagés les professionnels de l’automobile. Il y a une évolution rapide du parc roulant qui se dessine, pour éliminer les voitures polluantes en les remplaçant par des voitures plus propres », souligne Francis Bartholomé. Les mois à venir sont aussi de l’avis des concessionnaires « une occasion pour saisir de nouvelles opportunités ».

Les constructeurs, avec l’aide de l’Etat, sont déjà dans une nouvelle vision de l’automobile, c’est pourquoi des groupes comme Renault, refondent totalement leur stratégie, en se concentrant sur l’électrique, avec moins de stocks mais également moins de salariés « car l’électrique demande beaucoup moins de main d’œuvre en matière de construction. Il va donc falloir aussi investir dans des plans de formations et de nouvelles compétences », insiste le président du CNPA. Ne reste plus aux clients qu’à suivre cette nouvelle direction…

LE PLAN DE SOUTIEN “ VERT ” DE L’ÉTAT

Au total, c’est plus de 8 milliards d’euros d’aides qui vont être versés à la filière par l’État. En contrepartie, les constructeurs automobiles se sont engagés à relocaliser en France la production à valeur ajoutée et à consolider et maintenir la totalité de leur production industrielle sur les sites français.

Cette aide de 8 milliards couvrira trois objectifs :
• Relancer la demande et renouveler le parc automobile français afin qu’il devienne plus vert. Le bonus écologique pour un véhicule électrique représentera désormais une somme pouvant aller jusqu’à 7 000 euros. Un bonus écologique pour un véhicule hybride rechargeable de 2 000 euros sera aussi créé. La prime à la conversion pourra désormais atteindre jusqu’à 5 000 euros.
• Le deuxième objectif est de relocaliser la production en France avec comme horizon de faire de la France la première nation productrice de véhicules propres en Europe en portant à plus de 1 million par an sous 5 ans la production de véhicules électriques, rechargeables ou hybrides.
• Le troisième objectif est d’investir dans la modernisation des entreprises françaises grâce à un fonds de 200 millions d’euros de subventions destinées à aider la digitalisation, la robotisation et la transformation industrielle.