Le COVID-19 va augmenter les cotisations sociales de tous les employeurs

William Ivernel.

William Ivernel est Directeur du pôle national Accidents du travail – Maladies professionnelles de Fidal et avocat associé au sein du bureau de Reims.

Comme l’avait annoncé le ministre de la Santé dès le 5 mars, le COVID-19 peut être reconnu dans certains cas comme une maladie professionnelle. Si le nouveau tableau « Affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-Cov2 » ne trouve à s’appliquer que pour les soignants et assimilés, ce sont en réalité tous les employeurs qui vont payer la prise en charge par la branche Accidents du travail-Maladie Professionnelles de cette nouvelle pathologie.

William Ivernel, directeur du pôle national AT-MP de Fidal et avocat associé au sein du bureau de Reims nous explique pourquoi.

Est-ce que tous les salariés peuvent aisément faire reconnaître le COVID-19 comme une maladie professionnelle ?

« Olivier Véran a depuis le début de l’épidémie indiqué que la reconnaissance d’une maladie professionnelle pour les professionnels de la santé serait « automatique ». En réalité, la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie trouve place dans le système traditionnel des « tableaux ».

Un décret du 14 septembre 2020 a créé pour cela un nouveau tableau, le n° 100, dont la logique n’est pas différente des autres tableaux de Maladies Professionnelles (MP). Primo, la pathologie doit être médicalement diagnostiquée. Sur ce point, le fameux test PCR sera insuffisant car le tableau exige que soit constatée une forme grave de la maladie (oxygénothérapie …).

Secundo, la maladie devra avoir été constatée médicalement au plus tard 14 jours après le dernier jour d’exposition au risque. »

De quel risque s’agit-il ?

« C’est la troisième condition et elle est ici assez large. Le tableau parle de « tous travaux » accomplis par le personnel de soin et assimilés, laborantins mais aussi personnels de service dans les milieux hospitaliers, d’assistance à domicile, etc. La liste est assez large. Le diagnostic médical doit donc être posé au plus tard dans les 14 jours suivant le dernier jour de travail. C’est ce qu’on appelle le délai de prise en charge. »

Qu’en est-il pour les autres salariés ? Un employé de bureau dans le tertiaire, un ouvrier de l’industrie… ? La reconnaissance d’une maladie professionnelle est-elle possible ?

« Elle est possible mais beaucoup plus compliquée. Dans les cas précédents, si les critères du tableau sont remplis, le salarié bénéficie d’une présomption du caractère professionnel de son affection (autrement dit, même s’il a contracté la maladie dans le cercle privé, elle sera considérée comme d’origine professionnelle).

Pour les autres salariés (les non-soignants pour faire bref ) une expertise individuelle de leur cas devra être réalisé par un Comité Régional de Reconnaissance des MP. Ce sera donc beaucoup plus long d’une part et assez incertain, ce nonobstant le « traçage » qui pourra éventuellement avoir être réalisé par l’ARS. »

Venons-en au financement du système. Quand un salarié se voit reconnaître une maladie professionnelle par la CPAM, c’est son employeur qui paye les coûts de cette MP n’est-ce pas ?

« En principe oui, avec des formes de tarification plus ou moins personnalisées selon la taille des entreprises (les petites entreprises relèvent d’un système mutualisé puis progressif alors que dès 150 salariés, l’employeur paye seul l’ensemble des dépenses de la CPAM). Mais pour le COVID-19, cela fonctionne autrement. Un arrêté du 20 septembre 2020 a prévu que les dépenses de la CPAM en lien avec le SARS-CoV2 seraient affectées au « compte spécial ». Le financement de ce compte est assuré par le biais d’une majoration forfaitaire des cotisations AT applicable à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Autrement dit, ce sont bien tous les employeurs qui vont payer les reconnaissances du Covid-19 en tant que MP, quand bien même, nous l’avons vu, ces reconnaissances vont très largement concerner les soignants au sens large. On constate ici que le pouvoir réglementaire a décidé par ce mécanisme d’assurer une forme de solidarité qui ne repose pas sur la communauté nationale mais sur la communauté des employeurs. »

Au vu du contexte de l’épidémie galopante, les cotisations Accident du Travail (AT) des entreprises vont donc forcément augmenter. Existe-t-il des moyens de maîtriser cette augmentation ?

« Comme je viens de le dire, il ne sert à rien de contester la reconnaissance d’un cas de Covid- 19 en maladie professionnelle puisque les coûts sont mutualisés sur toute la branche. Attention toutefois, il peut être utile de contester si une défaillance de l’employeur dans le respect des consignes de sécurité est décelée et que la victime présente des séquelles sérieuses ou est décédée. Ici, ce n’est pas un problème de cotisations mais de responsabilité civile de l’entreprise.

De façon plus générale, concernant la maîtrise du taux, on pense à la prévention des risques bien entendu mais au-delà de ça, un accompagnement par un avocat intervenant dans le domaine des risques professionnels est un sérieux atout.

Clairement, la plupart des entreprises n’ont aucune conscience des enjeux dans ce domaine. Elles rédigent une déclaration d’accident du travail comme un formulaire lambda, sans se rendre compte des effets que ce document peut produire. Elles répondent de façon laconique aux enquêtes des CPAM, et acceptent passivement toutes les décisions de reconnaissances des MP, la durée des arrêts, le taux d’incapacité des salariés, sans même envisager de les contester. Ce alors que les recours n’ont aucun effet sur les droits acquis du salarié ! Et croyez-moi, il y a de nombreuses failles dans ces dossiers, que seuls des spécialistes peuvent déceler et qui méritent de saisir le tribunal.

Les avocats ont un travail important de sensibilisation et de formation des entreprises sur ces sujets. »