Antoine LabrocheLe coup de feu du couvre-feu

Ce jeune chef cuisinier a lancé à Montauban il y a un peu plus de deux ans « Antoine restaurant omnivore », puis un bar à tapas fin 2019, et projette d’ouvrir une cave à vin sous peu. Un appétit d’entreprendre et un enthousiasme pour la cuisine qu’aucun confinement ne vient entamer.

Comme Antoine Labroche, ils sont des milliers de jeunes entrepreneurs à avoir lancé leur première affaire quelques mois, un exercice comptable tout au plus, avant le début de la pandémie. Avec un mélange d’anxiété et d’excitation, ils ont découvert la solitude et la liberté du chef d’entreprise, avant d’expérimenter l’incertitude inédite due à la crise sanitaire, l’attente interminable, le stress pesant et parfois le désespoir.

Jeune chef cuisinier installé à Montauban, Antoine Labroche ne paraît pas abattu par cette deuxième période de fermeture forcée, alors que la perspective de rouvrir son restaurant et son bar à tapas – il préfère dire « restaurant de partage » – se dessine à peine à l’horizon. « Je veux rester positif. Quand j’ai appris la nouvelle du premier confinement, j’ai pris un coup de bambou. J’ai mis une grosse semaine pour m’en remettre. Puis, on s’est retroussé les manches et on s’est adaptés, avec de la vente à emporter. La clientèle locale a très bien suivi. »

« Antoine restaurant omnivore » propose, du jeudi au samedi, des repas gastronomiques complets et des tapas que vous venez chercher sur place. En cette fin novembre, une bonne semaine d’activité représente 230 menus en mode drive. Pas mal du tout. Mais évidemment pas suffisant. « Là, c’est de la survie. On paie les charges fixes, on essaie de sortir les employés du chômage partiel. Travailler en ce moment, c’est aussi une occupation de tous les jours, pour ne pas perdre la main, et continuer à faire fonctionner la chaîne de producteurs avec qui on bosse. » L’optimisme du jeune entrepreneur est à toute épreuve : il s’apprête à lancer une cave à vin, son troisième business en moins de trois ans.

Il faut dire que tenir un restau, Antoine Labroche est tombé dedans quand il était petit. Né en 1987 à Charleville-Mézières dans les Ardennes, il migre avec sa famille pour le soleil du Sud-Ouest en 1998. Changement de décor et de vie professionnelle pour ses parents, qui prennent les rênes d’un premier restaurant à Auradou près de Villeneuve-sur-Lot, puis d’un autre, deux ans plus tard à Valence d’Agen. « Quand j’étais au collège, je rentrais le midi, je donnais un coup de main à mes parents pour le service, je mangeais un petit truc et je repartais. »

Les arts de la table lui plaisent, mais moins que le BMX freestyle, cette version cascade de la bicyclette qui a sa préférence côté orientation professionnelle. Finalement, sur un conseil de sa mère – « Va dans la cuisine, il y a plus de débouchés » – il entre au CFA de Montauban en 2002, à l’âge de 14 ans, comme apprenti cuisinier. « La formation m’a plu, on apprend un métier. Je n’étais pas mauvais à l’école, mais là, il y avait le côté pratique. »

Antoine Labroche entre en apprentissage à l’Auberge de la Garonne, à Boudou près de Moissac. Pendant deux ans et demi, il apprend les bases techniques du métier, mais aussi des valeurs. À la sortie de sa formation, le restau est en train de couler, il faut trouver une autre cuisine. Le futur chef postule alors dans un Logis de France à Valence d’Agen, où il va bosser pendant huit ans. « Le chef, Lucien Boldron, est un mentor pour moi, c’est le modèle qui m’a défini. C’est le genre de chef qui respire la convivialité, qui inspire le respect. »

En 2012, l’établissement est vendu, le feeling ne passe pas très bien avec les repreneurs. Le natif de Charleville-Mézières tente alors l’aventure saisonnière dans les Pyrénées. « Là, je découvre une cuisine orientée brasserie, basée sur le service rapide, un style de travail très différent de ce que je connaissais. »

Pendant deux ans, il passe l’hiver à la montagne, un premier été dans le Pays Basque, puis un deuxième à Cordes-sur-Ciel dans le Tarn. Mais un drame vient interrompre cette nouvelle page. « Le restaurant a brûlé en pleine saison, j’ai failli mourir. Je suis retourné chez mes parents. C’était une période de remise en question. Et puis une personne avec qui je travaillais en saison m’a appelé pour tenir son restaurant à Corbarieu (en Tarn-et-Garonne). J’ai fait ça pendant six mois, et il m’a proposé de gérer un restau saisonnier à Montauban. » Antoine Labroche y dirige les cuisines pendant deux ans. En parallèle, il se lance dans une nouvelle aventure, qu’il poursuit toujours aujourd’hui : la gestion de restaurants éphémères sur des salons hôteliers pour le compte d’une société agroalimentaire.

Fin 2016, le patron du restaurant saisonnier ouvre une nouvelle table à Montauban, « l’Atelier », et Antoine en prend les commandes. Mais début 2018, il décide de raccrocher le tablier. « Je m’étais toujours fixé comme objectif de créer mon restaurant à 30 ans. Je me suis rapproché de plusieurs restaus et j’ai fini par racheter Le Café Durand, dont j’étais client depuis des années. » En août 2018, Antoine restaurant omnivore ouvre ses portes avec deux concepts. Le premier, la cuisson de pièces de viande au feu de bois, est l’ADN de l’ancien Café Durand. Le second, la touche Antoine, est « une cuisine traditionnelle avec des produits de saison. Le menu, c’est trois plats au choix, mais pas forcément entrée-plat-dessert. On peut prendre deux plats ou deux desserts. Il y a aussi un menu dégustation en quatre, cinq ou six plats, et c’est moi qui choisis. Je ne veux pas être bloqué sur un menu, l’idée, c’est le plaisir de l’assiette. »

Antoine restaurant omnivore compte 66 couverts et six employés au départ. L’équipe s’élargit quand le jeune chef décide, à peine un an après, de lancer un « restaurant de partage » juste en face, dans cette même rue d’Auriol où se trouve sa première affaire. « J’ai depuis toujours envie d’ouvrir mon restau et d’avoir des lieux avec des concepts différents. Le métier est tellement vaste, c’est difficile de tout expérimenter dans un lieu. » Les deux confinements sont venus mettre un frein à l’activité d’Antoine Labroche, mais pas à son appétit : « On va bientôt ouvrir une cave – bar à vin en face des restaus. »

Toujours positif, le jeune chef attend l’échéance du 20 janvier et de la pos- sible réouverture avec impatience, mais sans inquiétude pour la suite. « Manger au restau, la convivialité, c’est ancré dans la culture française. J’espère que les restaurants de quartier vont reprendre beaucoup plus d’importance qu’auparavant, au détriment des chaînes. »

Parcours

1987 Naissance à Charleville-Mézières
2002 Entrée au CFA de Montauban comme apprenti cuisinier. Formation pratique dans un restaurant situé à Boudou (82)
2004 Premier job, dans un Logis de France à Valence d’Agen
2012 Le Logis de France est vendu, le feeling ne passe par avec les repreneurs. Embauché en tant que cuisinier saisonnier dans les Pyrénées
2014 Après deux hivers à la montagne, et deux étés au Pays Basque puis à Cordes-sur-Ciel (81), il fait une pause. Prend les commandes d’un restaurant à Corbarieu (82) puis devient chef d’un établissement saisonnier à Montauban
2016 Devient patron des cuisines de « l’Atelier » à Montauban. Dans le même temps, fait des piges dans l’événementiel
2018 Ouvre son premier établissement, « Antoine restaurant omnivore » à Montauban
2019 En décembre, lance un « restaurant de partage » (bar à tapas)
2020 Pendant le confinement, se lance dans les repas à emporter. En fin d’année, ouverture d’une cave – bar à vin