L’e-commerce conversationnel, prochaine (r)évolution?

L’association régionale des entreprises de vente à distance et d’e-commerce (Arevade) a récemment réuni ses adhérents à l’occasion d’une conférence sur l’impact des assistants vocaux dans le commerce en ligne.

Les assistants vocaux tels qu’Alexa sur Amazon Echo, ou Google Assistant sur Google Home vont-ils révolutionner l’e-commerce? La question préoccupe de plus en plus les acteurs de ce marché et notamment les plus petits. D’autant que si l’on en croit certaines enquêtes, ces outils intelligents se déploient très rapidement. Ainsi selon une étude de Gartner en 2016, 75 % des ménages américains pourraient être équipés d’une enceinte vocale intelligente d’ici 2020, contre 17% il y a un an. À cette échéance, 50 % des recherches Google devraient se faire via une enceinte vocale, prédit également le cabinet. Plus globalement, selon une autre source (The Smart Audio report 2017 d’Edison Research), 30 % de la navigation web se fera sans écran dès l’an prochain.

Difficile dès lors pour les acteurs d’ignorer cette évolution. À telle enseigne que l’Association régionale des entreprises de vente à distance et d’e-commerce (Arevade) lui a consacré une réunion le mois dernier. Créée en 2013 à Toulouse, l’Arevade est une association d’e-commerçants qui regroupe aujourd’hui une vingtaine d’entreprises, des PME mais également des groupes d’envergure nationale, comme Comtesse du Barry ou Irrijardin. « Notre objectif est de fédérer les acteurs du e-commerce dans la région et de favoriser les échanges et le partage de compétences, de mutualiser les coûts et d’assurer une veille des bonnes pratiques dans nos métiers, en termes d’outils et de stratégie », détaille Leïla Creed, vice-présidente de l’Arevade et fondatrice de Madere Consulting.

« Pour vous dire la vérité, nos adhérents ne croient qu’à moitié à cette évolution, explique la vice-présidente. On est en effet encore loin de voir l’outil être utilisé et se démocratiser dans tous les foyers. On estime, dans nos métiers, que nous avons quatre ans de retard sur les États-Unis. Alors peut-être qu’en 2020, 75 % des foyers américains seront équipés, ce qui ferait 250 millions d’enceintes vocales, et que dans quatre ans, elles arriveront en France. On s’y prépare mais nous restons sceptiques par rapport à leur utilisation ». De fait, le site The Information estimait, dans un article paru en août 2018 (The reality behind voice shopping hype) que 2 % des utilisateurs d’Alexa seulement s’en servaient pour faire des achats. « Il semble que l’outil et la technologie ne soient pas totalement au point, les ingénieurs d’Amazon n’ayant pas pu établir un « pattern », c’est-à-dire un comportement type de l’utilisateur d’Alexa dans le domaine du voice shopping, l’achat par la voix, poursuit Leïla Creed. Cependant, ce n’est qu’une question de temps et dès que ce pattern sera défini, cela risque d’aller très vite. »

GROS MÉCHANT LOUP

« Amazon fait très peur aux PME, ajoute la jeune femme. De fait, le mastodonte est perçu comme une opportunité grâce à la puissance d’audience de sa place de marché. Pour les TPE qui débutent en effet, cela permet de toucher une audience énorme avec des volumes de vente qui permettent des économies d’échelle. Cela permet aussi à des commerçants un peu plus matures de développer leurs affaires grâce à du business supplémentaire qu’ils n’auraient pas atteint sans Amazon. L’autre effet, négatif celui-là – et c’est une menace qu’amplifient les assistants vocaux –, c’est que le client ne nous appartient plus. Avant Amazon, nous avions un fonds de commerce qui était notre base de clients. Aujourd’hui, en fonction du volume que l’on traite via la plateforme, cette base clients appartient en grande partie à Amazon. Et puis le troisième effet qu’on observe c’est la nécessité. Lorsque vos concurrents sont sur Amazon, vous ne pouvez pas ne pas y être, qui plus est lorsqu’il y a de la contrefaçon.»

Être dépossédé de sa clientèle n’est pas le seul risque qui plane sur les e-commerçants. « L’idée derrière l’utilisation de l’enceinte vocale, c’est de pouvoir recommander en priorité ses propres marques puisque le géant américain a ses propres produits et puis de faire monter les enchères, comme c’est le cas aujourd’hui, de façon classique, sur le site d’Amazon où les vendeurs, en plus de lui verser une commission (de près de 15 % en moyenne), ont tout intérêt à payer de la publicité pour arriver en tête de liste », poursuit la vice-présidente de l’Arevade qui conseille à ses adhérents de « bien doser le chiffre d’affaires qui transite via la plateforme, au risque sinon, de voir fondre leurs marges et de mettre en péril leur business. »

Si aujourd’hui seuls les gros acteurs français comme la SNCF, Boulanger ou Air France ont franchi le pas et créé une skill (habilité, sorte d’application qui permet de rendre leurs produits et services compatibles avec Alexa), l’autre conseil que donne Leïla Creed, « c’est de garder les oreilles ouvertes justement, de rester attentif. Et puis plus globalement, pour tirer son épingle du jeu face à des géants comme Amazon, c’est de travailler la notoriété de sa marque pour se différencier. Les adhérents qui s’en sortent le mieux aujourd’hui sont soit des fabricants de leurs propres produits ou des marques à forte notoriété. L’autre conseil qu’on peut donner, c’est de faire la différence sur le plan des services, en renseignant le client par téléphone, sur la technicité du produit, son utilisation, etc. Et plus généralement de construire une relation forte avec son client, ce qu’Amazon a du mal à faire de part sa taille et son côté anonyme. »