Le CESER préconise de laisser du temps au projet de centre de stockage Cigéo

(Crédit : Pixabay)

À la demande du Conseil régional, le CESER Grand Est vient de rendre son rapport sur « La gestion et le stockage des déchets radioactifs ».

La gestion des déchets radioactifs est un point central de la transition énergétique. Le choix de leur enfouissement a été fait par les gouvernements successifs et par l’ANDRA, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. Le Grand Est compte deux sites de stockage en activité, et deux autres en projet. Pour les deux premiers, des sites en surface localisés dans l’Aube, il s’agit de Soulaines-Dhuys (un million de m3 de capacité pour déchets de faible et moyenne activité à vie courte), en fonction depuis 1992, et de Morvilliers (650 000 m3 de déchets à très faible activité avec une extension à court terme à 900 000 m3), en fonction depuis 2003.

Un troisième site, en surface ou subsurface, est annoncé dans l’Aube à Juzanvigny ou Epothémont sur 200 hectares à 5 km de Soulaines-Dhuys. Il recevra des déchets de faible activité à vie longue, à l’horizon 2020-2021 pour les procédures administratives. Enfin, le projet d’enfouissement de Cigéo, à Bure-Saudron, entre Meuse et Haute-Marne, l’un des plus importants en Europe, encore sous la forme d’un laboratoire depuis 1999, prévoit de stocker des déchets à vie longue de haute et moyenne activité. Son exploitation, sur 15 km2 serait prévue aux alentours de 2030. Un nouveau débat public est en cours sur ce projet (avril à septembre 2019).

BIENTÔT QUATRE SITES DE STOCKAGES DANS LE GRAND EST

À terme, déclare le rapport, le Grand Est accueillerait la quasi-totalité des déchets radioactifs stockés en France. Aujourd’hui, la France compte 58 réacteurs répartis dans 19 centrales électronucléaires fournissant 71% de la production nationale d’électricité. Les matières et déchets radioactifs sont issus de l’activité électronucléaire (59%), de la recherche (28%), de l’industrie (3%), de la médecine (1%) et de la Défense (9%). En fait, Cigéo ne devrait stocker que 3% des volumes de déchets produits en France mais les plus dangereux et pesant 99% de la radioactivité stockée.

Saisi pour avis par le Conseil régional sur la gestion et le stockage des déchets radioactifs, le CESER Grand Est a mandaté une vingtaine de ses membres dans un comité de pilotage, lequel a auditionné une trentaine d’acteurs et de responsables d’institutions publiques et privées, d’élus, de comités locaux d’information, de fédérations de l’environnement, de scientifiques, sans oublier EDF, l’Autorité de Sûreté Nucléaire, l’ANDRA … Tous autour du projet Bure-Saudron, pour un travail de près d’une année.

UN PROJET UNIQUE AU MONDE

Si pour les déchets à vie courte, le risque s’estompe au bout de 300 ans, il faudrait des centaines de milliers d’années pour les déchets à vie longue. C’est dans cette échelle de temps qu’est né le projet Cigéo : un stockage en couche géologique profonde. L’argile des sous-sols de Bure, formée voici environ 155 millions d’années, ferait ainsi un bon sarcophage.

Le rapport du CESER mesure le poids de la décision de faire ou non : « Il s’agit d’un projet unique dans toute l’histoire de l’humanité et d’un pari sur l’avenir » et préconise la sagesse de la poursuite des études contre la précipitation. Que l’on continue ou non la production électronucléaire, fournisseur des deux-tiers des déchets, les entreposages ou les stockages existent, ils sont aujourd’hui le vrai sujet, insiste le rapport du CESER.

Le CESER ouvre le champ des décisions. La question de la gestion ne doit pas se cantonner à un débat d’experts. Cette question est avant tout éthique et il appartient à la société d’y répondre. En conclusion de son rapport, le comité de pilotage du CESER note : « Il est donc impératif de se donner tous les moyens et le temps nécessaire à cette décision lourde de conséquence. Ainsi les investissements qui sont et seront réalisés ne doivent pas influencer les décisions prises aux différentes étapes du projet. Enfin, il est important d’acter que la décision finale de débuter le stockage dans Cigéo n’est pas une urgence car le site ne pourra recevoir les premiers colis que dans plusieurs décennies ».

Le projet Cigéo concerne directement un territoire rural de 162 000 habitants touché par le chômage (16%) et la baisse démographique (-23 000 habitants depuis 1962). Si les acteurs de ce territoire rencontrés par les auteurs du rapport ne souhaitent pas que Cigéo soit la seule solution pour faire vivre la Meuse et la Haute-Marne, ils restent conscients que « si on enlevait Cigéo aujourd’hui, on serait au bord de la catastrophe économique ».

1998 : choix du site Bure-Saudron par le Gouvernement.
2000 : construction du laboratoire (actuellement 360 emplois).
2010 : phase de conception industrielle.
2016 : loi sur les modalités de création de Cigéo.
2022 : début des travaux (1 000 à 2 000 emplois).
2030 : mise en service (600 emplois durables).
2150 : fermeture de Cigéo.
Coût global : 25 Mds d’euros (dont 6 Md€ pour la première phase de construction). Financeurs : EDF, CEA, Orano (ex AREVA).