Le Conseil Economique, Social et Environnemental Régional demande à la Région, compétente en matière d’économie et d’environnement, d’aller encore plus loin dans l’engagement de l’industrie régionale vers une politique bas carbone.
Le programme de la séance plénière du CESER du 5 novembre est passé de six à cinq rapports et le chaînon manquant est celui qui aurait pu être le plat de résistance, à savoir les avis de l’Assemblée consultative sur la présentation des Orientations Budgétaires 2021 du Conseil Régional. Invité d’honneur de cette péripétie la reprise de la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales.
On peut donc imaginer caduque la première mouture de ces Orientations, conçue vraisemblablement avant l’affirmation de la deuxième vague du Covid. Le sujet ne sera pas abordé comme prévu le 12 novembre mais probablement durant les plénières des 17 et 18 décembre.
Des rapports abordés par le CESER, nous retiendrons pour l’instant celui intitulé « Les 5 urgences pour développer une industrie bas carbone dans le Grand Est ». Un rapport au cœur des préoccupations de la représentation de la société civile organisée, pas très loin de celui présenté lors de cette même séance : « Accélérer la transition écologique et solidaire ».
L’INDUSTRIE ÉMETTRICE DE GAZ À EFFET DE SERRE
En France, l’industrie se classe au 4e rang des secteurs les plus émetteurs de GES (gaz à effet de serre). Responsable de 17% du total de ces émissions, elle est précédée par les transports (30%), les bâtiments résidentiels et tertiaires (19%) et l’agriculture (19%). Elle est le secteur dans lequel ces émissions ont le plus reculé depuis 1990. Trois vecteurs ont agi en ce sens : la désindustrialisation, les économies d’énergie et l’amélioration des procédés.
Le rapport du CESER note que, parce qu’elle prend en compte les importations, la notion d’empreinte carbone (émissions et consommations à la fois) est plus pertinente. Il vient conforter la contribution du CESER, en juin dernier, au Business Act Grand Est et son avis « Pour une refondation économique, sociale et environnementale ». Le sujet est vaste et ce rapport se cantonne, par choix, à l’industrie.
La consommation énergétique régionale est supérieure à celle de la moyenne nationale. Cette situation s’explique par la 2e place de l’industrie dans les émissions régionales de GES, secteur responsable de 26% des émissions, soit 9 points au-dessus de la moyenne nationale. De plus, le poids de l’industrie dans l’économie régionale est important (3e région industrielle de France, 272 000 salariés, 22% des effectifs salariés de la région contre 16% au niveau national).
La consommation énergétique de l’industrie pèse 29% de la consommation totale du Grand Est, 10 points de moins en dix ans. Depuis 2012, la consommation énergétique finale est stable dans l’industrie.
Les branches de l’industrie les plus consommatrices d’énergie sont, dans le Grand Est, la chimie (20%), l’agroalimentaire (16%), la sidérurgie et les métaux ferreux (13%), ainsi que les minéraux non métalliques (13%). Les énergies les plus consommées sont le gaz naturel (42%), l’électricité (26%) et le charbon (8%).
DES ÉMISSIONS EN BAISSE DANS L’INDUSTRIE
Si les émissions de GES stagnent depuis 2012, celles émises par l’industrie ont baissé 5% en 2015 et 2016, après une légère hausse les deux années précédentes.
Entre 2005 et 2016, l’industrie a enregistré une baisse de 51% de ses émissions de GES, principalement imputables à l’agroalimentaire, à la sidérurgie et à la chimie.
Le CESER retient de ces différents paramètres que les émissions de GES de l’industrie régionale sont plus marquées que dans la majorité des autres régions de France et doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Les efforts doivent porter sur les secteurs de la chimie, de la sidérurgie, des matériaux non métalliques et de l’agroalimentaire.
LES CINQ URGENCES POINTÉES PAR LE CESER
Intégrer au SRDEII (Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation) une stratégie de l’industrie bas carbone, dans le cadre d’une nouvelle écriture de ce Schéma. Responsabiliser et impliquer les acteurs économiques par une politique ambitieuse de communication, une stratégie de développement des compétences par la formation et un dialogue entre les pouvoirs publics régionaux et les syndicats professionnels de l’industrie.
Donner aux entreprises les moyens de s’engager vers la neutralité carbone, en engageant pour chacune d’elle un diagnostic assorti d’un plan d’action et mettre en œuvre une politique ambitieuses de certification environnementale. Réguler et innover pour susciter l’engagement vers la neutralité carbone en insérant dans tous les marchés publics régionaux des critères environnementaux et notamment le bas carbone, éco-conditionner les aides économiques a minima et mobiliser des nouveaux moyens pour développer l’économie circulaire.
La cinquième urgence vise la mobilisation de nouveaux financements dans un contexte tendu de l’endettement, tant public que privé, par deux voies : le lobbying à Bruxelles concernant les nouveaux financements du Green Deal de l’Union Européenne au profit de la décarbonisation des entreprises industrielles régionales et l’expérimentation d’une écotaxe sur le transport routier de marchandises dans le Grand Est, avec affectation des recettes à l’économie bas carbone, dont l’industrie.
Si la Région ne peut pas tout, le rapport du CESER pointe en conclusion sa légitimité dans la double compétence économique et environnementale et ses leviers d’action incitatifs pour engager les entreprises industrielles sur la voie de la neutralité carbone.
L’hydrogène, une opportunité pour le Grand Est
L’hydrogène permet de stocker et de transporter l’énergie sans carbone. Le rapport du CESER note bien que l’hydrogène n’est pas une alternative absolue aux énergies actuelles, mais une brique technologique nécessaire à l’intégration massive des énergies renouvelables. Le CESER en appelle à l’hydrogène « vert », produit à partir d’électricité renouvelable et d’eau (électrolyse de l’eau) ou par gazéification de la biomasse ou encore par d’autres procédés (photolyse, thermolyse…). L’opportunité de faire émarger l’hydrogène « vert » dans le Grand Est repose sur la volonté de nombreux acteurs industriels régionaux et la présence dans la région d’une expertise européenne. Le rapport évoque ainsi le Club Hydrogène Grand Est autour du consortium DINAMHySE, projet pour une filière hydrogène dans le Grand Est soutenu par la Région dans le cadre du PIA3 (Projet d’Investissement d’Avenir). Pour le CESER, la région peut et doit se positionner comme une région française pilote en matière d’hydrogène dans un contexte d’innovation industrielle.